Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 05 Juin 2025
Chronique 2 :
Dernière nouveauté des éditions Ki-oon et surtout dernier gros shonen en date pour l'éditeur qui va bientôt perdre My Hero Academia, Phantom Busters arrive en grandes pompes dans nos vertes contrées!
Le titre qui ne compte actuellement que quatre tomes au Japon est issu de l'imaginaire de Neoshoco, qui, comme son pseudo ne le laisse pas penser, est une femme ayant déjà plusieurs titres à son actif, bien que Phantom Busters soit le premier à nous parvenir. Elle a notamment vécu en France, et c'est sa passion pour le cinéma et notamment pour Ghostbusters qui lui inspire le titre qui nous intéresse. Il est d'ailleurs particulièrement amusant de noter que deux de ses personnages échangent sur le fait de s'inspirer du célèbre film, avec pour réponse simple qu'il s'agit d'un hommage.
A partir de là, il est évident de deviner que Phantom Busters va nous parler d'exorcistes, thématique qu'on a déjà vu très souvent dans les mangas, certains pourraient dire trop, depuis le succès de Bleach jusqu'à celui (largement surcoté) de Jujutsu Kaisen, et que par conséquent, le titre risque de ne pas échapper à des comparaisons!
Ici la série va nous proposer de suivre un groupe de jeunes lycéens qui vont mener des enquêtes pour exorciser des esprits, et ce de bien étrange façon! On a l'habitude de voir des héros de ce genre de titre être des lycéens (c'est même systématique), mais ici le cadre semble être justement le milieu scolaire...peut être une approche qui pourrait apporter un peu de fraîcheur, même si on peut douter qu'à long terme on reste toujours dans ce même cadre.
Eugène Korekishi, lycéen métis particulièrement brillant, s’apprête à faire son entrée au lycée de Kamakura, une ville réputée accueillir de nombreux esprits! Sur le chemin pour son premier jour, où il doit faire un discours en tant que futur représentant des élèves, il rencontre un bien étrange énergumène qui batifole dans l'océan en hurlant! Alors qu'il souhaite juste ignorer cet élève qui ne semble pas briller par son intelligence celui ci manque de se noyer et Eugène accours pour le sauver! C'est ainsi qu'il fait la connaissance de Mogari Shishikuno qui prétend avoir été attiré dans l'eau par une force mystérieuse, ce qu'Eugène réfute, ce dernier étant particulièrement rationnel et cartésien!
En sauvant Mogari de la noyade, Eugène a perdu dans l'eau un pendentif qu'il tenait de sa grand mère auquel il était particulièrement attaché! C'est ensemble qu'ils vont chercher à retrouver le pendentif avant qu'Eugène soit à son tour attiré dans l'eau...et cette fois ils seront secourus par Kaoru Kanzaki, un médium pouvant voir les esprits. En empruntant le pourvoir de ce dernier, Mogari voit alors le fantôme tentant de les noyer et le dévore: Mogari est issu d'une lignée d'exorcistes qui mangent les esprits pour les exorciser!
Mogari se met alors en tête de créer un club au sein du lycée avec ses nouveaux camarades, et avant même de savoir si ces deux là vont accepter, il se met en tête de trouver un quatrième membre, condition nécessaire pour l'ouverture du club: les Phantom Busters!
Comme dit précédemment, des séries centrées sur l'exorcisme on connaît bien, ce ne sont pas les références qui manquent, et ici le schéma des premiers chapitres est assez classique: on découvre les personnages qui vont se rassembler afin de former une équipe (de quatre comme leur modèle). Par contre l'auteure nous propose des personnages haut en couleurs à la caractérisation très distinctif! On n'échappe pas au classique benêt qui agit avant de réfléchir mais qui est aussi le pilier de l'équipe, on a le binoclard intelligent, voix de la raison, l'associable qui rentre dans le groupe à contre cœur et l'ultra timide pour lequel chaque contact humain est un calvaire. Mais ils se complètent superbement autant dans leurs personnalités que dans leurs capacités vraiment hors norme! Et c'est notamment là que le titre va se démarquer rapidement: on a celui qui exorcise les démons en les mangeant (rien que ça) mais ne les voit pas, celui qui les voit mais ne peux rien en faire et cherche à les éviter, celui qui les entend mais ne les voit pas et les exorcise en discutant et enfin celui qui n'a aucune capacité mais possède un intellect supérieur aux trois autres cumulés!
Et si on imagine très bien que la situation ne restera pas en l'état (ils sont tous bien trop dépendants les uns des autres et les situations risquent de finir par se répéter en l'état), pour le moment ça fonctionne à merveille et cela nous offre des situations aussi cocasses qu'étonnantes.
Avec ce quatuor hors normes on commence avec des enquêtes courtes et toutes différentes...on pense alors que c'est ce que le titre va nous proposer pendant un petit moment et pourtant très rapidement dès le quatrième chapitre (le dernier de ce premier opus) on découvre une société secrète, une famille d'exorcistes qui n’apparaît pas particulièrement bienveillante! Le clan de Mogari avait déjà été mentionné, mais on ne s'attendait pas à le voir exposer aussi rapidement et certainement pas dans de telles conditions!
Ainsi il ne faut pas attendre longtemps pour que l'auteure renouvelle déjà nos attentes en sachant nous prendre à contre pied.
La surprise vient aussi du ton: l'humour prédomine sur l'ensemble du volume, on pouvait s'y attendre, même si certains récits peuvent apporter une note touchante ou même un peu horrifique (alors on n'est pas non plus sur du Junji Ito)...et là encore, contre pied avec les dernières pages où on passe sur une tonalité beaucoup plus sombre, voire dérangeante!
C'est surprenant mais cela augure surtout d'excellentes choses!
Enfin, il faut mentionner les quelques clins d’œil que l'auteure nous propose, des références qui forcément viennent toucher le cœur des lecteurs geeks que nous sommes! On ne reviendra pas sur Ghostbusters, elle est évidente et pleinement assumée!
Mais on a tout un passage qui est consacré à la passion de Kaoru pour Slam Dunk, et c'est vraiment hilarant! Le voir mépriser ces deux camarades (qui ne le sont pas encore à ce stade) parce qu'ils ne connaissent pas le titre de Inoue est vraiment drôle (et compréhensible).
Graphiquement on est sur du shonen classique! Cela ne dépareille pas avec la masse; c'est plaisant, le trait est vif, les personnages sont expressifs, mais rien de révolutionnaire non plus ni de quoi marquer les esprits.
Une très bonne surprise pour un titre qui pourrait bien, et c'est tout le mal qu'on lui souhaite, devenir une future référence du genre...il y a du chemin à faire mais ça commence vraiment bien!
A noter que Ki-oon nous propose une jolie édition collector avec une jaquette réversible et plusieurs petits cadeaux / bonus comme notamment des cartes à collectionner ! Pour les vieux briscards tels que moi c'est du gadget, mais cela plaira sans doute à nombre de lecteurs, donc ne boudez pas votre plaisir!
Chronique 1 :
Annoncé par les éditions Ki-oon en novembre dernier, Phantom Busters voit son premier volume débarquer dans notre langue en ce début de mois d'avril, en se présentant comme la grosse nouveauté shônen de l'éditeur pour cette première partie d'année au vu de sa mise en avant, notamment via l'élaboration d'une édition collector qui, pour un prix de 9,95€ (soit 3€ de plus que l'édition simple), contient le tome doté d'une jaquette alternative réversible, deux badges et quatre cartes postales.
Cette oeuvre a été lancée en 2023 dans le magazine Jump SQ des éditions Shûeisha, un magazine mensuel de l'écurie Jump proposant généralement des séries un peu plus mâtures que les titres du Shônen Jump et dont proviennent, entre autres, des séries comme Platinum End, Moriarty ou encore The Bugle Call. Il s'agit là de la toute première publication française de Neoshoco (aussi appelée Shoco), une mangaka qui a vogué entre le Japon (son pays d'origine), la France (où elle a vécu pendant un an à l'occasion d'un échange universitaire à Paris) et les Etats-Unis (via un semestre en études d'art à New York), tout en se lançant en tant que dessinatrice et autrice en touchant à différents styles de mangas professionnels et amateurs: séries tout public, boy's love, manuels de dessin, gags en quatre cases, illustrations... en finissant par remporter en 2017 un prix au concours Shikishou du magazine Afternoon des éditions Kôdansha). Mais elle est également une grande fan de cinéma, et c'est en s'inspirant des célèbres films SOS Fantômes (Ghostbusters) qu'elle image Phantom Busters, en y proposant une histoire de chasseurs de spectres également, avec le même mélange d'action et d'humour, mais en ancrant les choses dans le Japon contemporain et en faisant de ses héros de jeunes lycéens.
Phantom Busters nous plonge donc à Kamakura de nos jours, où le jeune Eugene Korekishi, métis anglo-japonais, vient d'arriver depuis Londres pour poursuivre ses études. Elève studieux, largement plus intelligent que la moyenne si bien qu'on le qualifie souvent de prodige, et voué à être le délégué des nouveaux élèves après avoir obtenu les meilleures notes, il est plutôt du genre à être rationnel, et ne croit donc aucunement à des choses comme les fantômes, plus encore après un souvenir à la fois triste et précieux concernant sa défunte grand-mère. Pourtant, sur la route pour son premier jour en tant que lycéen, une rencontre complètement farfelue lui tombe dessus en la personne de Mogari Shishikuno, qu'il sauve d'une improbable noyade, comme s'il avait été tiré dans l'eau par quelque chose. Face à cet adolescent très avenant et spontané, qui est voué à intégrer le même lycée que lui, et qui lui dit provenir d'une famille d'exorcistes et exorciser les esprits en les mangeant, Eugene reste d'abord dans son déni de l'existence des spectres... du moins, jusqu'à ce que l'un d'eux l'attaque à son tour, et que Mogari le sauve avec l'aide d'un autre garçon, Kaoru Kanzaki, un médium solitaire capable de voir les spectres ! Suite à cette expérience, Mogari décide de joindre l'utile à l'agréable en voulant fonder les Phantom Busters, un club d'activité au lycée, pour à la fois profiter de ses années lycéennes et accomplir la mission que son clan lui a confiée: s'il a été autorisé à quitter son village perdu dans les montagnes, c'est parce qu'en échange il doit régulièrement envoyer à ses aïeux les comptes-rendus des chasses aux fantôme qu'il pourra faire à Kamakura. Mais encore faudra-t-il convaincre Eugene et Kaoru de se joindre à lui, et trouver un quatrième membre pour que le club puisse être créé...
Sans trop de surprise, ce premier tome suit un schéma assez simple où il est avant tout question, au gré de premiers exorcismes de spectres tantôt dangereux voire mauvais tantôt beaucoup plus amicaux et attachants (coucou Otohime), de mettre en place les quatre personnages principaux et de donner naissance au fameux club où ils pourront exercer secrètement leurs activités. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en plus d'être bien rythmée, toute cette phase d'installation se veut aussi déjà emballante pour quatre raisons.
Tout d'abord, l'habile complémentarité que l'autrice crée entre ses quatre jeunes héros qui, quelque part, ont besoin les uns des autres pour combler leurs lacunes et tirer le meilleur de leur sixième sens spécifique: Mogari a certes la capacité d'exorciser les esprits en les dévorant mais il ne peut pas les voir, tandis que Kaoru peut justement les voir depuis toujours et partager sa vision en touchant ses camarades ayant aussi un sixième sens, et que Kotaro Tamon, le futur quatrième larron de la bande, ne peut lui non plus pas voir précisément les spectres mais a depuis toujours la faculté de discuter avec eux, pour les comprendre et, si possible, les aider en douceur à rejoindre l'Au-Delà. Quant à Eugene, s'il n'a aucun sixième sens, il a bien sûr pour lui son intelligence qui pourra être utile à de nombreuses reprises. Ainsi l'autrice parvient-elle a créer entre eux une alchimie qui est bien rodée et qui, mine de rien, a sa petite part d'originalité.
Ensuite, le background que la mangaka tâche déjà d'apporter vite et bien à chacun de ses héros pour d'emblée leur offrir plus de substance. On découvre ainsi en Eugene un garçon qui a longtemps nié toute possibilité d'existence des spectres suite à ce qui s'est passé autrefois avec sa grand-mère, en Kaoru un garçon qui a appris à rester solitaire car tout le monde le trouve bizarre quand il dit voir les esprits, en Kotaro un adolescent qui s'épanouit beaucoup plus au contact des fantômes qu'auprès des vivants qu'il fuit comme la peste (au point de vomir dès qu'il a un contact visuel avec eux) car son entourage l'a toujours rejeté à cause de sa capacité, et en Mogari quelqu'un qui, derrière sa jovialité, ne se doute peut-être pas des choses sombres qui se trament dans son clan, ce dernier élément installant déjà une menace plus ample dans les dernières pages.
Puis, l'humour omniprésent qu'entraînent ces personnalités bien exploitées: jouant habilement sur les traits de caractère de ces garçons (Mogari est un fonceur qui ne réfléchit pas toujours, Kaoru cache derrière son allure de solitaire insolent un vrai fanatisme d'otaku envers Slam Dunk, Kotaro est quasiment asocial envers les vivants tout en vénérant quasiment - voire en tombant amoureux - des esprits...) et leurs interactions, pour un résultat où il n'est pas rare qu'ils enchaînent les petites gaffes.
Et enfin, la patte graphique soignée: sans forcément rechercher une grande originalité, Neoshoco parvient à offrir quelques particularité au design de chacun de ses héros et, surtout, à les rendre très expressifs, tout en soignant aussi ses spectres et ses décors contemporains de la ville de Kamakura.
A l'arrivée, il y a de quoi passer un très bon moment à la lecture de ce premier tome ! Il s'agit d'une volume de mise en place particulièrement rythmé, amusant et haut en couleurs, au fil duquel la mangaka peaufine fort bien sa recette, tout en apportant déjà suffisamment de substance à ses héros et en esquissant soigneusement ses enjeux. On suivra alors cette oeuvre avec un réel plaisir !
Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve (donc une version non-définitive) du tome, on ne donnera pas d'avis sur l'édition.