Perfect World - Collector Vol.12 - Actualité manga
Perfect World - Collector Vol.12 - Manga

Perfect World - Collector Vol.12 : Critiques

Perfect World

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Juillet 2021

Chronique 2 :

Lancée en France en octobre 2016 donc il y a déjà presque cinq ans, Perfect World est une série qui, au fil du temps, est devenue l'un des shôjo/josei phares des éditions Akata voire, plus généralement, de la sphère manga en France ces dernières années. Un succès amplement mérité au vu du sujet du handicap qui y est traité avec une émotion bien dosée et, surtout, un réalisme fort, une humanité tangible et une volonté d'éviter le misérabilisme, faisant de l'oeuvre une pièce maîtresse pour mettre en lumière, notamment auprès d'un public valide, les différents aspects de la situation des personnes en état de handicap dans nos sociétés. Ainsi, l'oeuvre, lauréate de notre Tournoi Shôjo 2016, a su se tailler une place à part, que son éditeur a souvent tâché d'entretenir efficacement, notamment en ayant reversé 5% des ventes du tome 3 à Handicap International, et en ayant invité sa mangaka Rie Aruga à Japan Expo en juillet 2019. Mais toutes les belles choses doivent aussi avoir une fin, et c'est donc il y a un mois (en date de l'écriture de cette chronique) que l'oeuvre a tiré sa révérence dans notre pays avec son douzième et dernier opus... mais non sans que les éditions Akata, une dernière fois, ne le bichonnent.

Effectivement, pour conclure la série comme il se doit, l'éditeur a eu l'excellente idée de lui offrir, en plus de son édition standard, une édition collector très intelligente dans ses principaux suppléments.
En premier lieu, on y appréciera quelques petits bonus sympathiques. Tout d'abord, une jaquette alternative ayant la très bonne idée de mettre à l'honneur une grande partie du casting principal de la série, ce qui a beaucoup de sens quand on se remémore tout ce que ces personnages ont pu vivre, traverser mais aussi s'apporter au fil des volumes. Et dès lors, on a d'autant plus chaud au coeur en les voyant tous sourire paisiblement sur cette jaquette. Et si vous préférez la jaquette standard, rassurez-vous: l'éditeur a pris soin de l'imprimer en couleurs non pas sur le verso de la jaquette, mais directement sur la couverture. Ensuite, en ouvrant le tome, on a l'agréable surprise de pouvoir profiter de quatre illustrations en couleurs sur papier glacé, dont l'illustration à thématique française que l'autrice avait conçue dans le cadre de sa venue à Japan Expo.
Cependant, le plus gros des bonus se trouve en deux suppléments très pertinents en fin de tome. Premièrement, une succession de cinq témoignages de lecteurs et lectrices que l'éditeur est allé recueillir, et au fil desquels les concerné(e)s, eux/elles-mêmes en situation de handicap ou vivant avec une personne handicapée (dont Erwan Charlès, qui a effectué le lettrage de la série), reviennent sur leur relation avec Perfect World et sur ce que l'oeuvre leur a apporté et a à apporter au public. Un supplément forcément très pertinent dans le cadre d'une série sociale comme Perfect World, et qui ne fait que confirmer, de la bouche même de celles et ceux qui sont en situation de handicap, toute la justesse de l'oeuvre. Et deuxièmement, une assez longue interview croisée de neuf pages entre Rie Aruga, la mangaka, et Kazuo Abe, le précieux consultant de l'autrice tout au long de la série qui, à l'instar d'Ayukawa dans l'oeuvre, est lui-même un architecte en fauteuil roulant. Initialement proposée au Japon par l'éditeur Kôdansha à l'occasion de la parution nippone du volume 3, cette rencontre s'avère passionnante à suivre, que ce soit pour les points de vue des deux personnes, ou pour les détails que l'on y trouve concernant la création du manga.
Vendue à 7,55€ donc à seulement 0,56€ de plus que l'édition standard, cette édition collector est donc une aubaine, dont les suppléments ont vraiment du sens.

Et c'est alors dans les meilleures conditions possibles que l'on retrouve Itsuki et Tsugumi alors que, après bien des épreuves, ils ont enfin accédé à leur bonheur: l'adoption d'un nouveau-né, Kôki, dont la mère ne pouvait malheureusement pas s'occuper. Au départ, son tout petit gabarit ainsi que sa naissance prématurée avaient de quoi inquiéter. Mais trois ans plus tard, Kôki est déjà devenu un petit garçon plein de vie, joyeux, adorant ses parents, et faisant aussi le bonheur de ces derniers. Et c'est au fil de ces premières années de vie de ce lumineux enfant que Rie Aruga nous amène, petit à petit, vers la conclusion de son récit... non sans continuer d'évoquer nombre de choses pertinentes bien sûr, à commencer par une interrogation venant tout naturellement à l'esprit d'Itsuki et de Tsugumi: un jour ou l'autre, il leur faudra forcément expliquer à Kôki qu'ils ne sont pas ses parents biologiques... et il s'agit d'un élément que l'autrice aborde très bien, en offrant une bonne idée de cette situation, du moment qui est peut-être le plus adéquat pour annoncer cela, et surtout du fait que ça ne remet aucunement en cause l'amour que se porte la petite famille. Mais au-delà de ça, l'occasion est aussi idéale pour développer un point qui manquait encore dans la série: les interrogations propres au statut de parent handicapé et au fait d'avoir un parent en situation de handicap. Ainsi, Itsuki ayant décidé de prendre le congé paternité pour permettre à Tsugumi de s'épanouir dans son travail, le voici qui s'occupe du bébé, avec tout ce que ça peut impliquer en tant que personne handicapée: aménagements adaptés, incertitudes voire petites maladresses, aide bienvenue (des parents, entre autres) si nécessaires... Rie Aruga a le mérite de poser un regard juste sur cela, une nouvelle fois, car elle n'idéalise rien, montre les efforts que cela demande, mais prouve également que c'est possible de bonne manière. Quant à Itsuki, en grandissant, peut-être sera-t-il amené à s'interroger sur le fait que son père soit en fauteuil roulant, qu'il ne soit pas "comme les autres", qu'il ne puisse pas participer à des événements du type fête sportive, etc... Des interrogations qui seront normales, et qui auront peut-être un impact... Mais à quoi les réponses laissées par Rie Aruga sont belles: non seulement avoir un père handicapé est la "normalité" de Kôki, mais en plus il faut sans doute arrêtez de se comparer aux autres et rester simplement soi-même.

Il y a encore bien d'autres richesses là-dessus, que l'on vous laisse découvrir. Mais ici, Aruga a également le mérite de ne pas oublier pour autant les autres personnages qui, bien souvent, ont contribué à la réussite de la série aux côtés de notre couple vedette. Ainsi, la mangaka apporte une conclusion réaliste au cas du couple Keigo/Kaede, dont on savait que l'issue était malheureusement inévitable. A présent, tout en entretenant le souvenir de leur précieuse amie, nos héros continuent d'être là pour Keigo, qui continue de vivre dans son deuil avec une certitude: il ne regrette rien, et Kaede a été heureuse dans leur maison. Mais pour Keigo, désormais, il s'agit aussi de se remettre à avancer... et ainsi, malgré la part d'émotion bien dosée qui nous assaille forcément, l'issue se veut également assez optimiste et, surtout, toujours aussi réaliste. Il en est de même pour le cas de Haruto, le jeune garçon connaissant lui-même une importante avancée relationnelle qui permet à l'autrice d'esquisser la vision d'un couple entièrement handicapé et néanmoins heureux malgré les épreuves dues à leur condition.

La lecture reste ainsi riche, belle et juste jusqu'au bout... Et quant à la toute fin, elle ne pouvait être meilleure, et nous laisse sur une impression très satisfaisante. En somme, l'un des shôjo les plus importants de ces dernières années s'achève d'excellente manière, qui plus est dans une édition collector qui a elle aussi beaucoup à apporter. Tout est réuni pour consolider Perfect World en tant que manga indispensable de ces dernières années.


Chronique 1 :

Après bien des déboires, Itsuki et Tsugumi ont concrétisé leur union par l'arrivée d'un heureux événement dans leur vie : Le petit Kôki, enfant adopté. Leur parcours fut semé d'embuches, mais le couple peut s'épanouir comme n'importe quels concubins. Pourtant, la situation d'Ayukawa amène forcément quelques singularités, notamment le regard que peut avoir Kôki sur son père. Dans ce contexte, et sans oublier qu'il faudra un jour annoncer à l'enfant ses origines, les deux amoureux peuvent avancer sereinement vers l'avenir.

Voilà un peu moins de 5 ans que nous fut proposé le premier volume de Perfect World, romance de Rie Aruga centrée sur un jeune homme handicapé moteur et une femme valide. Durant toutes ces années et par plus d'une dizaine de volumes, la mangaka nous aura ému mais aussi énormément instruits, aux côtés de personnages qu'on a vu murir et avancer, qu'il s'agisse d'Itsuki et Tsugumi ou de leurs familles et camarades. Alors, ouvrir ce douzième et dernier tome de la série procure un sentiment particulier. Les éditions Akata célèbrent d'ailleurs cette fin dignement avec deux éditions, mais nous y reviendrons en temps voulu.

Les deux mariés ont pu adopter Kôki, aussi c'est un tout nouveau quotidien qui s'offre à eux. Itsuki et Tsugumi ont fait le choix de donner le congés au papa, afin que la jeune femme puisse croquer à pleine dents un avenir professionnel au sein duquel elle s'épanouit pleinement. C'est ce dernier aspect de la vie du petit foyer que nous propose essentiellement de suivre ce volume de conclusion, en n'oubliant jamais ce qui a fait la force du titre depuis ses débuts : La crédibilité lié au facteur handicap d'Ayukawa, toujours juste car renseigné. Une fois encore, la série se révèle particulièrement instructive pour un lecteur valide qui peut découvrir un quotidien somme toute ordinaire, mais du point de vie d'un couple dont l'un des membres est handicapé. Pour autant, l'une des ambitions centrales est de porter un point final à cette histoire amoureuse, ce en abordant la croissance du petit Kôki, et en développant plusieurs symboliques fortes pour achever l'histoire avec émotion. La boucle se devait d'être bouclée pour un récit aussi fort, ce que Rie Aruga parvient à faire avec dignité et sans jamais trop en faire. La fin est juste et belle, n'oublie jamais les difficultés que pourront rencontrer les deux protagonistes tout le long de leur vie commune, mais s'enrichit toujours de belles notes d'optimisme et d'espoir. Bien des scènes toucheront le lecteur sans mal, notamment le focus sur le jeune Kôki qui, élevé par un papa en fauteuil roulant, a développé une réalité tout autre par rapport aux enfants de son entourage. C'est particulièrement joli et cristallise très bien l'humanité de la série.

Pourtant, ce n'est qu'une part du tome qui se consacre aux deux têtes d'affiche. Par les chapitres restants, Rie Aruga choisit de clore certains arcs de personnages qui seraient restés en suspens. On assiste ainsi à la conclusion du cas Keigo et Kaede dont l'issue était inévitable, l'autrice s'intéressant alors au deuil du mari, prêt à renoncer à ses rêves pour honorer la mémoire de sa défunte épouse. Le ton devient immédiatement plus tragique, mais la mangaka trouve de nouveau le moyen d'apporter une issue belle et logique à l'égard de la question du handicap. Et à côté, des retrouvailles avec Haruto permettent aussi de porter un autre portrait de personnage à mobilité réduite, avec une nouvelle fois l'idée d'achever ce parcours avec espoir. On s'émeut forcément dans ces intrigues plus secondaires qui font appel à nos souvenirs des volumes précédents, mais l'ensemble s'avère digne et touchant, toujours dans l'esprit de ce que Rie Aruga a cherché à développer avec Perfect World. La fin de la série n'est certes pas dans l'excès au point de nous faire verser des litres de larmes, mais elle sait conclure ses pistes de scénario de personnages avec douceur et bienveillance. La générosité se fait non seulement à l'égard des figures de la série, mais aussi pour le lecteur qui peut fermer l'ultime tome sans une once de regret, et avec la satisfaction d'une histoire conclue avec douceur.

Mais avant de refermer l'ouvrage, il convient de profiter des quelques suppléments concoctés par les éditions Akata à travers une édition collector qui s'enrichit non pas de goodies, mais de petits suppléments bienvenus. On soulignera notamment une jaquette différente qui n'est pas uniquement centrée sur Tsugumi et Ayukawa mais bien sur l'ensemble des personnages de la série, ce qui se révèle cohérent par rapport aux ambitions de ce dernier tome. Quelques pages couleur viennent agrémenter cette version, mais ce sont surtout les contenus d'après conclusion qui amènent une prolongement pertinent de la volonté de l'autrice. Dans un premier temps, les éditions Akata ont eu la très bonne idée de recueillir des témoignages de lecteurs en situation de handicap qui dressent un regard sur Perfect World et la manière dont le sujet qui les concerne a été traité. Pour le lecteur, valide notamment, ces points de vue sont extrêmement enrichissants et contribuent à enrichir notre regard sur la société et sur la condition des personnages handicapées. Enfin, les dernières pages recensent un échange entre l'artiste et Kazuo Abe, consultant pour la série et architecte en fauteuil roulant, amenant encore un point de vue différent d'un concerné tout en dévoilant davantage l'envers du décor de la conception de l'œuvre. Voilà des bonus comme on aimerait en voir plus souvent, pour une édition plus chère de 56 centimes à peine. On espère alors qu'Akata poussera l'exercice sur d'autres séries à caractères sociaux et sociétaux.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction