Pepita - Carnet de voyage d’un artiste japonais à Barcelone - Actualité manga

Pepita - Carnet de voyage d’un artiste japonais à Barcelone : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 06 Mai 2013

Critique 1


Ah... Takehiko Inoue... Un mangaka de génie, mondialement connu pour son oeuvre maîtresse, Slam dunk, reconnue par les médias comme ayant joué un rôle dans la popularisation du basket au Japon. Mais Inoue est aussi l'auteur du sublime Vagabond, reprenant l'histoire du sabreur Miyamoto Musashi, et pour le sensible Real, sur les questionnements de jeunes hommes accidentés pratiquant le handibasket.

Avec « Pepita - Carnet de voyage d’un artiste japonais à Barcelone », à quoi serez-vous confronté ? Réponse dans les quelques lignes qui suivent.

Pepita retrace la découverte des oeuvres de l'architecte catalan Antoni Gaudi par Takehiko Inoue. Enfin, parlons plutôt de « redécouverte », puisque Inoue avait déjà visité Barcelone au début des années 1990. Pepita, c'est un beau livre, 5 ex-libris (superbes) et un DVD de plus d'une heure.

S'agissant du bouquin, on ne peut guère parler d'artbook, et la traduction du titre ne nous trompe pas sur la marchandise : on a vraiment affaire à un carnet de voyage. Mais une précision s'impose. Qui dit carnet de voyage dit dessins, croquis, portraits (forcément), mais aussi textes, impressions et ressentis, explications et photos. Certains seront ainsi déçus de l'ampleur prise par les textes, dont beaucoup ne semblent pas avoir été directement rédigés par le mangaka, en particulier tous ceux détaillant la vie de Gaudi. Cela n'est pas un reproche : quel mal à ce que le carnet de voyage soit ainsi complété ?

Cependant, d'autres détails surprennent. L'ouvrage nous fait rentrer directement dans le vif du sujet... trop directement. Sauf à connaître les deux maîtres séparés par presque un siècle, le lecteur sera perdu. Il manque une vraie biographie du mangaka dans les premières pages, tout le monde n'étant pas censé connaître l'oeuvre de Takehiko Inoue, tandis que celle de Gaudi se situe dans les dernières pages. Le lecteur n'est clairement pas pris par la main. Autre grande interrogation qui se posera tout au long de votre lecture et de votre visionnage du DVD : pourquoi Inoue a-t-il choisi de s'intéresser à Gaudi ? Pourquoi pas à un autre grand nom de l'architecture ? On ne le saura pas. Ou plutôt, on le comprendra très indirectement, entre les lignes du beau livre ou dans quelques paroles du mangaka comprises dans le DVD. Ce manque de clarté concernant le sens du voyage et les origines de l'ouvrage n'empêche pas toutefois de prendre beaucoup de plaisir, malgré certaines lourdeurs évidentes. Pour éviter le désagrément résultant du fait que le lecteur se retrouve lancé directement dans le voyage, on vous conseillera de commencer par quelques pages de la fin, qui font une synthèse de l'oeuvre de Gaudi. Et puis hop, retour au début.

A partir de là, comme dit précédemment, Pepita est un véritable carnet de voyages. Sur les pages peuvent se succéder photos, textes et griffonnages. Pas n'importe quels brouillons, puisqu'il s'agit de Inoue, qui parvient à nous conquérir même en quelques traits. Attention, vous ne ressentirez cependant pas le choc procuré par ses artbooks « Water » et « Sumi ». Inoue s'est rendu sur les lieux qui « ont fait » Gaudi : sa maison d'enfance, les principaux bâtiments qu'il a imaginés (qui, en majorité, se situent à Barcelone). L'artiste japonais fait également beaucoup de rencontres : des biographes de Gaudi, des historiens, des artisans, des architectes qui continuent de travailler sur la Sagrada familia, cathédrale imposante restée inachevée suite à la mort accidentelle de Gaudi. Les réflexions tirées de tous ces moments conduisent à un sentiment très partagé. D'une part, beaucoup sont touchants. La rencontre avec un artisan maquettiste volubile, passionné (et né en 1910 !) est très agréable à lire et à vivre. La première soirée suivant l'arrivée du mangaka dans la capitale catalane est franchement fun, puisque la ville est bondée suite à une victoire du Barça (et même si Inoue préfère évidemment le basket, il connaît le Barça et son influence sur la ville). L'entrevue avec les architectes qui continuent la Sagrada familia est aussi un très beau moment. L'abnégation toute nippone de Inoue, de ses accompagnateurs, de ses guides, renforce le côté très touchant de toutes ces rencontres. D'autre part, néanmoins, subsiste un défaut récurrent, tant dans le livre que sur le DVD : lors de ses visites, l'auteur comme ses collaborateurs se complaisent dans des remarques comme « J'aurais aimé savoir ce que Gaudi ressentait à ce moment » ou « Je pense que Gaudi se disait que... ». Ce comportement, somme toute parfaitement normal, s'avère au final un peu lourd pour celui qui lit ou contemple.

Mais, vous vous en doutez, beaucoup du travail présent dans Pepita mérite le détour et comble largement les défauts vus supra. D'abord, on ne peut nier la pertinence de certaines remarques. Inoue explique bien que ce voyage, ainsi que beaucoup d'autres qu'il aimerait faire, influe grandement sur son oeuvre, tant graphiquement que « scénaristiquement ». Inoue veut se réinventer, ne cesse de parler de défis, challenges, surprendre, évoluer, prendre son temps, découvrir : un bon exemple à suivre pour des auteurs japonais enfermés dans un système éditorial stakhanoviste et flouant leur créativité. Pour Inoue, ce voyage s'avère initiatique et spirituel. Beaucoup de ses ressentis tirent vers la métaphysique et peuvent se montrer ennuyeuses, mais en disent long sur l'influence du voyage sur son oeuvre. Les derniers tomes de Vagabond en sont la preuve : beaucoup de réflexion, presque philosophique, un rythme lent et encore plus contemplatif qu'auparavant. Il ne serait guère étonnant que Inoue trouve la manière de conclure son oeuvre phare dans ce qu'il a appris et ressenti en Catalogne. Pour le reste, Pepita s'avère vraiment complet sur les oeuvres de Gaudi, avec beaucoup de textes donc. Les photos ne manqueront pas de vous donner envie de visiter la capitale catalane à la manière du mangaka, toutes les oeuvres de l'architecte ne se trouvant pas à un seul endroit (voyager, c'est devoir marcher pour mériter !). La qualité d'édition est exemplaire (même si j'ai eu la surprise de constater quelques salissures sur des pages intérieures sur mon ouvrage neuf O-o) et le travail d'adaptation (notamment les polices de caractères parfaitement adaptées à un carnet de voyage) et de traduction (un style soutenu franchement agréable) est assez gigantesque, pour vraiment faire de ce carnet de voyage un beau livre, hélas entaché de quelques fautes d'orthographe.

On retrouve ce gros travail de traduction et d'adaptation sur le DVD. Le reportage filmant Inoue sur les traces de Gaudi est très bien réalisé. Tout est daté, expliqué ; il n'y a vraiment rien à reprocher sur la forme. On fait vraiment le voyage avec le mangaka, impression renforcée par le fait que tout soit tourné en caméra à l'épaule. Le mélange des langues espagnol/japonais est un régal pour l'oreille. Et évidemment, le DVD nous fait profiter de vrais moments de fan service. Quoi ? Vous ne devinez pas ? Inoue en train de dessiner voyons ! Si on regrette que les vues de caméra soient parfois trop éloignées, notamment quand c'est l'auteur lui-même qui se filme dans son atelier de retour au Japon, certains passages sont vraiment appréciables. Voir Inoue travailler comblera n'importe quel fan, qui pourra observer certains détails : ses outils (protections aux mains), son environnement, son rythme...

Au final, Pepita n'est pas un ouvrage particulièrement recommandé aux fans d'Inoue, sinon les plus absolus, tandis que les adorateurs de Gaudi resteront sur leur faim... A qui donc s'adresse Pepita dans ce cas ? Aux curieux, à ceux qui désirent voir comment un artiste d'une culture et d'un siècle différents perçoit les oeuvres d'un maître ès architecture, dont les créations et les inspirations intemporelles n'ont cessé d'étonner. Ceux qui espèrent retrouver plus d'Inoue que de Gaudi risquent d'être déçus. Le mangaka ne passe pas son temps à représenter et copier Gaudi à sa façon : il réfléchit et crée des choses inédites.


Critique 2


Takehiko Inoue. Un nom anodin pour certains, celui d'un dieu pour d'autres. Si celui-ci vous est inconnu (et honte à vous dans ce cas-là !), sachez que se cache derrière lui un homme, un grand. En effet, il faut savoir qu'Inoue est un mangaka reconnu véritablement en tant qu'artiste à part entière au Japon et ses oeuvres ont marqué de nombreuses personnes partout dans le monde au point que le basket soit devenu un sport populaire durant quelques années au Japon grâce à Slam Dunk ! Après trois séries plus qu'indispensables (Slam Dunk, Vagabon et Real), voici un retour en force de l'auteur par le biais des éditions Kazé qui nous offre un travail original d'Inoue puisqu'il ne s'agit pas d'un manga, mais plutôt d'un genre d'artbook.

Pepita, c'est avant tout la matérialisation d'un grand projet qu'a tenu à faire l'auteur. En 2011, celui-ci a décidé de partir à Barcelone sur les traces de Gaudi afin de tenter de déceler les mystères de son art. Si vous ne voyez pas qui est Gaudi, il s'agit en réalité d'un architecte de la fin du XIXe siècle, sans aucun doute le plus connu d'Espagne, qui a fait des projets grandioses dont certains sont encore en travaux à notre époque. Parmi ceux-ci on peut sans aucun doute énoncer le plus connu, la Sagrada Familia, peut être l'un des édifices les plus impressionnants de notre planète, surtout lorsque l'on sait que celui-ci fut pensé en début du siècle dernier là où l'informatique n'existait pas.

Nous avons donc là la "rencontre" entre deux têtes fortes : d'un côté un mangaka dont le talent n'est plus à démontrer et de l'autre un véritable génie, créateur de grandes prouesses architecturales. C'est donc à travers Pepita que Takehiko Inoue va nous retranscrire son voyage et son travail de recherche sur l'architecte afin de nous faire partager son point de vue sur cet homme et aussi essayer de comprendre et d'interpréter sa façon de penser.
Si vous vous attendiez à un véritable artbook contenant les plus belles illustrations de l'auteur, sachez de suite que vous faîtes fausse route. En effet, Pepita se présente davantage comme un carnet de voyage mêlé à une étude avec pour toile de fond Gaudi et si l'on trouve des dessins ou autres croquis, on trouve également des photos, des textes et des commentaires.
Si Inoue a visité la plupart des édifices de Gaudi et nous montre son ressenti par ses illustrations, il a également cherché à obtenir le maximum d'informations en faisant des rencontres qui lui seront marquantes avec des personnes parfois surprenantes, qui lui offrent à lui ainsi qu'à nous quelques précieuses informations sur l'architecte. Car si nous avons là un ouvrage signé Inoue et qui n'est pas un manga, il faut quand même garder en tête que le tout se focalise avant tout sur Gaudi, l'avantage étant que nous découvrons cet homme par les yeux d'un mangaka reconnu mondialement pour son talent.

Ce recueil nous permet tout de même d'en apprendre davantage sur l'auteur et sa propre comparaison entre son art et celui de Gaudi est des plus intéressantes. Celui-ci explique par exemple la différence de qualité de travail attendue entre eux deux : pour Inoue, il nous explique que lorsque l'on est mangaka on ne peut pas se permettre du jour au lendemain de changer de style, on finit par se forger soi même nos propres codes et l'on est contraint de les garder; ce n'est ainsi pas le cas chez les architectes qui peuvent plus facilement se permettre de tester d'autres choses au fur et à mesure de leurs travaux.
Pepita nous transporte également sur ce qui a nourrit l'inspiration de Gaudi : enfant, celui-ci avait un problème de rhumatisme l'empêchant de s'amuser dehors avec ses amis, il était donc contraint à se divertir autrement et il s'est vite mis à observer tout ce qui l'entourait, de la végétation aux insectes. Gaudi a voulu retranscrire la nature par ses oeuvres, d'où les courbes de ses édifices car il n'existe pas dans la nature de forme carrée non artificielle, et une de ses inspirations majeures est le massif montagneux Montserrat dont Inoue se fera un plaisir d'illustrer par différents croquis ainsi que de textes exprimant son point de vue sur ces montagnes aux formes des plus originales.

Il faut quand même avouer quelque chose : la structure du livre n'est peut être pas la meilleure. En effet, le lecteur est plongé dès les premières pages dans le travail de recherche de l'auteur sans comprendre le pourquoi du comment (d'ailleurs, nous n'avons pas réellement la réponse à la question de pourquoi Inoue s'est-il intéressé à Gaudi au point d'entreprendre ce voyage) et il aurait été préférable d'avoir un bref résumé sur le mangaka. La biographie de l'architecte se trouve, elle, à la fin, chose assez étonnante également. Il y a aussi un point difficile à éclaircir : à qui est destiné ce genre d'ouvrage ? Les mordus du mangaka seront peut être déçus de ne pas retrouver des illustrations telles que l'on peut les retrouver dans les artbooks Sumi et Water, tandis que les aficionados de Gaudi n'auront pas les réponses à toutes les clés de compréhension de son architecture fantastique. Mais après tout, Pepita est destiné avant tout aux curieux, à ceux qui veulent en savoir un peu plus sur les deux artistes et puis il faut dire qu'il est si rare d'avoir un livre de ce type arrivé chez nous, surtout quand un des plus grands mangakas s'intéresse à notre pays voisin ! Véritable carnet fourre-tout, il n'y a aucune raison pour que vous ne dévoreriez pas Pepita en mettant toute frustration de côté.

De plus, le travail éditorial de Kazé est tout de même surprenant : adapter un tel livre n'a pas dû être de tout repos et pourtant le tout s'avère de très bonne facture avec des polices d'écriture collant parfaitement à l'esprit du bouquin, un papier glacé de qualité, 5 ex-libris magnifiques en cadeau et un DVD de 75min venant compléter notre lecture. Dommage cependant qu'il y ait quelques fautes d'orthographe assez faciles à repérer en parmi tout ça...
Parlons donc du DVD à présent ! Décomposé en plusieurs parties, celui-ci nous permet surtout avant tout de vivre le voyage d'Inoue à ses côtés puisque nous le suivons, caméra sur l'épaule, visiter les oeuvres de Gaudi et aussi faire des rencontres dont il aura de nombreuses questions à leur poser. Qu'il est plaisant également de pouvoir admirer le maître dessiner sur un banc ! Peut être un poil ennuyeux vers la fin (montage un peu rapide, et surtout documentaire tout de même très proche du livre...), nous retrouvons d'autres choses telles que des vidéos où Inoue s'est filmé en train de dessiner : là encore, c'est un réel plaisir de le voir travailler et façonner par le biais de quelques traits qui se superposent au fur et à mesure un portrait d'un vieil homme qui ressemble de près à la photo du modèle ! Enfin, deux autres petites vidéos sont là pour compléter le tout où le mangaka s'intéresse à la végétation, mais il faut avouer que cela paraît un peu futile lorsque l'on a regardé le reste.

Ainsi, c'est donc avec surprise et également un réel plaisir que nous pouvons mettre la main sur Pepita. Ouvrage d'un tout nouveau genre, où du moins travaillé d'une manière des plus originales, Pepita n'est pas à mettre entre toutes les mains : être fan d'Inoue ne vous suffira peut être pas pour apprécier le livre et c'est la même idée pour Gaudi. Adressé aux curieux et sans aucun doute une pépite pour les passionnés d'art en tout genre dont surtout l'architecture et le dessin, nous avons donc ici une oeuvre à part, qui pourra autant plaire que décevoir si l'on sait comment l'interpréter. Mais si cela vous inquiète encore, rassurez-vous : les quelques illustrations du maître sont encore une fois sublimes, et vous baverez régulièrement durant votre lecture même devant le moindre petit croquis pourtant fait à la va-vite...


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs