Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 11 Octobre 2022
Après le populaire et très sympathique Miss Kobayashi's Dragon Maid, les éditions Noeve Grafx nous invitent, depuis juillet dernier, à découvrir en France un autre manga signé Coolkyousinnjya: Peach Boy Riverside, qui possède déjà sa petite réputation grâce à son adaptation animée qui fut diffusée pendant l'été 2021 sur la plateforme Crunchyroll. Riche de 12 tomes à l'heure où ces lignes sont écrites, l'oeuvre est en cours au Japon depuis 2015 dans le magazine bimestriel Shônen Magazine R des éditions Kôdansha, et Coolkyousinnjya n'y est que scénariste en ayant confié la partie dessins à Johanne (ou Yohane), une autrice dont c'est la toute première série professionnelle mais qui s'est auparavant faite remarquer dans le milieu amateur pour plusieurs doujinshi sur la licence Touhou Project.
Aux côtés de Mardock Scramble et de Sweetness & Lightning, la série fait partie de la deuxième vague de nouveautés de la collection XS, collection à moindre prix qui a été inaugurée en mars dernier avec les mangas Hôzuki le stoïque, Elegant Yokai Apartment Life et Coppelion. Et une nouvelle fois avec l'éditeur, qui dit collection à moindre prix ne dit absolument pas qualité au rabais: couverture sans jaquette, avec rabats, sobre et dotée d'un vernis sélectif, papier souple et sans transparence, qualité d'impression convaincante avec une encre qui ne bave pas, travail de lettrage très soigné de Clair Obscur, et traduction impeccable de la part de Yoan Giraud. Au prix imbattable de 3,95€ cela reste un vrai plaisir !
Peach Boy Riverside nous immisce dans un monde de fantasy aux côtés de Saltherine Aldarake alias Sally, la princesse du royaume d'Aldarake, qui ne se fait aucunement à sa condition princière. Enfermée depuis toujours dans le château de son royaume, la jeune femme déteste l'idée que toute sa vie se trouve là et ne rêve que d'une chose: parcourir le monde, aller à sa découverte, malgré les dangers qui pullulent avec notamment des ogres toujours prêts à s'emparer du moindre pays. Et c'est précisément à l'aube d'une attaque d'ogres que la vie de la princesse va changer du tout au tout, dès lors qu'elle rencontre un mystérieux voyageur du nom de Mikoto Kibitsu, qui la sort d'une situation délicate et qu'elle souhaite remercier en le conviant au château. L'invitation de Saltherine n'est pas sans arrière-pensée: elle espère bien obtenir l'occasion de partir en voyage avec Mikoto. Mais la princesse va vite se rendre compte que la puissance destructrice et la soif de sang de Mikoto n'ont pas forcément grand chose à envier aux ogres et autres ennemis naturels des humains... Malgré tout, en étant nourrie par sa curiosité envers les monstres, par sa soif de découverte, par l'aventure, voire par quelques pulsions plus inquiétantes, Sally se décide enfin à partir seule en voyage, reniant sans hésitation son nom et son titre, et surpassant ce que la "bienséance" attendrait de son statut de femme.
L'idée d'un voyage à la découverte du monde dans un univers fantasy n'a évidemment rien de bien neuf, et dans ce registre on peut même dire que, globalement, ce premier tome suit un déroulement assez standard avec des premiers lieux visités, des premiers dangers, et surtout des premières rencontres. Mais ce schéma plutôt classique n'empêche aucunement l'oeuvre de trouver assez bien ses marques, ne serait-ce que pour l'attachement que l'on ressent immédiatement pour une héroïne très éloignée de la princesse naïve clichée ainsi que pour son premier compagnon de voyage, Frau, un homlap (lapin humanoïde, en gros) qui va déjà mettre en exergue et surtout mettre à mal le racisme et les préjugés des humains envers les demi-humains, cet aspect étant clairement le premier élément ressortant fortement du background de ce monde.
Mais sur ces bases, les deux mangakas parviennent à glisser des idées qui, sur la longueur, pourraient avoir de quoi se développer en rendant le récit assez unique, et on pense ici à trois choses dont la plus "légère" pour l'instant vient du goût de Coolkyousinnjya pour jouer sur des apparences trompeuses: Mikoto a des traits assez féminins mais serait a priori de sexe masculin, Frau revêt une jupe mais son genre n'est pas spécialement identifié... Quant aux deux autres éléments intrigants, ils proviennent du côté plus brutal et sanglant de Mikoto qui prend clairement plaisir à massacrer les ogres et autres monstres pour une "justice" très violente, et à ce que cela pourrait éveiller en Sally elle-même.
Sur le plan visuel, c'est franchement agréable pour une première série professionnelle. Au-delà de quelques inégalités anatomiques, Johanne propose surtout un rendu fluide, des décors suffisamment travaillés, et surtout des designs franchement cools autant côté humains que côté monstres et côté demi-humains, avec sans doute une mention spéciale pour Frau qui, avec son visage simpliste où seuls ressortent ses yeux, n'a pourtant aucune difficulté à véhiculer ce qu'il faut tout en dégageant quelque chose d'assez mignon.
A l'arrivée, ce premier tome est une bonne petite surprise. Sous couvert d'un début de voyage aventureux à la découverte d'un monde fantastique et parsemé de dangers, les deux mangakas glissent juste ce qu'il faut de pointes d'originalité pour nous rendre curieux quant à la suite. Affaire à suivre, donc !