Par le pouvoir des dessins animés - Actualité manga
Par le pouvoir des dessins animés - Manga

Par le pouvoir des dessins animés : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 11 Septembre 2019

Chronique 2

En 2014, les éditions Kana nous proposaient de découvrir Save me Pythie, le tout premier manga d'Elsa Brants, une artiste qui avait déjà travaillé sur plusieurs BD, notamment pour la colorisation, mais qui avouait d'emblée avoir toujours été bercée par l'animation japonaise et le manga. Avec cette première série à succès, l'autrice du sud de la France dévoilait un coup de crayon vif et charmant, un humour décapant marqué notamment par son idole Rumiko Takahashi, et une succulente réappropriation parodique de la mythologie grecque, pour un résultat qui s'est peut-être achevé un peu trop vite mais qui se révélait quasiment toujours drôle et haut en couleurs. Depuis 2016 et la conclusion de Save me Pythie après 5 volumes, on attendait avec intérêt le retour de l'artiste avec son nouveau projet, mûri depuis un bon moment, et celui-ci débarque enfin en cette rentrée de septembre en prenant la forme d'un one-shot à la forte portée autobiographique.

En effet, Par le pouvoir des dessins animés voit Elsa Brants revenir en grande partie sur son propre parcours, depuis l'enfance jusqu'à aujourd'hui, au travers de très, très nombreuses anecdotes et de tout aussi nombreux gags comme elle sait si bien les faire, pour un résultat nous offrant une vision plus générale de nombreuses choses.

Tout commence par l'évocation de ses plus tendres années par l'autrice, entre pauvreté, rareté de la télévision, interdiction de la regarder une fois qu'il y en avait une chez elle, sentiment de passer à côté de quelque chose quand elle ne savait pas de quoi ses camarades parlaient avec leurs "corno-fulgures" et autres joyeusetés... Puis naissance de son attrait pour les dessins animés quand elle a enfin pu en voir, mise au point de stratagèmes pour les regarder à l'insu de ses parents, sprints pour rentrer chez elle depuis le collège afin de ne pas en rater une miette, etc, etc... A travers toute cette première salve d'anecdotes, Elsa Brants distille alors tout un portrait de la place du dessin animé japonais et de la vision que l'on pouvait en avoir il y a seulement quelques décennies, soit à une époque que beaucoup d'entre nous, au minimum trentenaires, avons connue. Il est d'ailleurs très, très facile de se reconnaître dans pas mal de situations décortiquées par la mangaka concernant sa jeunesse difficilement mais passionnément nourrie de japanime ! Et au-delà de tout ce qu'on pouvait en dire à l'époque, Elsa Brant ne manque pas non plus la moindre occasion de souligner les aspects bénéfiques que pouvaient avoir ces dessins animés, bien souvent plus profonds, plus scénarisés ou plus matures que les dessins animées enfantins d'Occident. Par exemple, c'est en voyant Oscar de lady oscar qu'elle a eu envie de se mettre à l'escrime, et c'est Laura l(de Laura ou la passion du théâtre) qui lui a fait aimer le théâtre.

Vous aurez compris l'idée d'une bonne partie de cet ouvrage: en se basant sur sa propre expérience de personne ayant grandi avec les dessins animés japonais et les mangas, et par le biais d'une foultitude de références que l'on se plaît à dénicher, ainsi que de très nombreux gags où elles extrapole juste comme il faut les choses quitte à aller jusqu'à l'autodérision, Elsa Brants offre ici une vision plus large qui ne se limite pas à elle. Et évidemment, elle ne se limite à son enfance constamment nourrie de japanimation. L'autrice évoque bien d'autres aspects de sa vie, comme sa rencontre avec son futur mari Guillaume Lapeyre (le dessinateur de City Hall, entre autres), ses petits boulots, ses premières expériences dans la BD, le jeu des interviews, les passages en festival, salon et conventions et les séances de dédicaces qui y sont données, ou es choses plus fantaisistes (quel pouvoir de dessin animé elle aimerait avoir, etc)... et à chaque fois, en partant de ses expériences personnelles, elle aborde les choses plus globalement, livre beaucoup d'informations sur différents points: la difficulté de vivre du travail de dessinatrice, les moyens de promouvoir son oeuvre (interviews, dédicaces) dans un milieu ou une nouveauté est très vite remplacée par une autre au point de n'avoir quasiment pas de visibilité, les démarches essentielles pour essayer de se faire publier, les plannings de travail, les différences entre convention BD et convention manga, les qualités et limites que l'on peut voir selon les conventions, les dédicaces, les librairies, ou tout simplement le public...

En somme, Elsa Brants parvient à brasser énormément de choses en moins de 200 pages, et elle le fait toujours avec réussite, grâce à un humour permanent et un ton toujours enlevé et haut en couleurs. On s'amuse, on se remémore des choses, on en apprend éventuellement d'autres... le portrait est riche et complet, et reste bien porté par un dessin un peu moins marqué par les influences "takahashiennes" que dans Save me Pythie, mais tout de suite reconnaissable, expressif et dynamique. Certes, l'autrice dévie parfois un petit peu de son sujet initial, comme quand elle parle de jeux vidéo à quelques reprises pour des gags, mais ce n'est pas plus mal puisque l'on s'y amuse aussi. Et s'il est surtout question des dessins animés dans toute les première partie du volume, ceux-ci ne sont jamais loin, et le titre du livre se justifie pleinement: ce sont bien les dessins animés qui ont fait d'Elsa Brants ce qu'elle est devenue, ils l'ont constamment nourrie, tel est leur pouvoir !

Servi dans une édition de bonne qualité (grand format assez typique de la collection Kiko, papier souple et sans transparence, impression très correcte), Par le pouvoir des dessins animés est donc un grand plaisir de lecture, aussi drôle qu'enrichissant ou nostalgique. Riche, ludique, bourré de bonne humeur, le one-shot d'Elsa Brants mérite assurément toute l'attention.


Chronique 1

Elsa Brants est un nom qui vous parlera peut-être. Autrice depuis des années, elle s'est tout particulièrement distinguée dans le milieu du manga entre 2014 et 2016 avec Save Me Pythie, comédie sur fond de mythologie grecque longue de 5 tomes, parue aux éditions Kana. Mais depuis ce titre, et bien qu'Elsa Brants ait signé quelques projets notamment au magazine Tezucomi qui rend hommage au maître Osamu Tezuka, l'autrice n'avait pas signé de parution physique de grande ampleur. C'est donc avec un grand plaisir de la revoir en librairies en cette rentrée 2019 avec Par le pouvoir des dessins animés, un one-shot biographique d'une grande densité.

Car dans ce pavé, Elsa Brants revient sur tout un tas d'éléments qui ont forgé sa passion et l'ont amenée vers son métier. Passionnée d'animation japonaise depuis son enfance, la mangaka française nous parle de cette euphorie pour la pop-culture japonaise qui a vite germé en elle, comment elle a guidé l'autrice vers la bande-dessinée, et de quelle manière elle a pu concrétiser son rêve, tout en relatant de nombreuses expériences de jeunesse et de métier. En somme, c'est environ 190 planches d'anecdotes sur son passé, sous forme de sketchs parfois indépendant, que nous offre Elsa Brants.

Les fans de Save Me Pythie y verront déjà un moyen de davantage connaître l'autrice. On sait que celle-ci est particulièrement ouverte et enjouée, il suffit de la côtoyer ne serait-ce que deux minutes sur un salon ou scruter ses réseaux sociaux pour avoir une idée de la sympathie de l'artiste. Mais avec ce one-shot, on assiste à une plongée de manière plus intime dans le vécu d'Elsa Brants, de ses conditions familiales difficiles jusqu'à son parcours scolaire parfois délicat, tout en passant par des expériences diverses et variées pas toujours séduisantes. Pourtant, et c'est là l'une des force de ce pavé autobiographique, tout nous est souvent montré sous l'angle de l'humour. Optimiste éternelle d'après cet ouvrage, Elsa Brants aborde tout un tas de situation avec un admirable recul et ne manque jamais de glisser un petit gag pour donner le sourire, même lorsqu'elle relate des faits graves. Par le pouvoir des dessins animés ne tombe jamais dans le pathos, et constitue alors une lecture totalement feel-good... tout en poussant le lecteur à se questionner en permanence.

Car loin c'est un simple journal intime foutoire, le one-shot aborde énormément de thématiques liées au manga et à l'animation japonaise, comme la manière dont ces médiums étaient perçus et le sont actuellement, les réalités du métier d'autrice, l'impacte d'une passion sur le cercle familial... Un programme particulièrement vaste donc, et qui permet au récit de se renouveler sans cesse. Il a aussi une portée éducative, et tout le segment sur le métier d'auteur est un excellent exemple. A l'heure où les artistes derrière la BD cherchent à se faire entendre, Elsa Brants explique clairement les difficultés et enjeux de son métier, sans jamais faire souffrir son récit d'un ton trop militants. Les explications sont claires et objectives, aussi son autobiographie en apprendra beaucoup à ceux qui réfléchissaient au métier d'auteur de BD.

Pour certains, la principale faiblesse de l'ouvrage viendra alors du rythme incessants de sketchs, sans réel sommaire ni chronologie. Car si Elsa Brants part de son enfance pour logiquement arriver sur sa situation actuel d'autrice, il lui arrive de digresser et de revenir sur ses jeunes années par quelques anecdotes. Un défaut qui n'en est pas forcément un tant le rythme et le ton efficace de l'album poussent à une lecture continuent. Ces chroniques de vie sont saisissantes et en ce sens, difficile de stopper sa lecture en route.

Enfin, c'est sur la manière qu'a l'artiste de nous parler de sa passion qui nous happe sans cesse dans Par le pouvoir des dessins animés. Dire qu'Elsa Brants exprime son amour des mangas et des dessins-animés serait un euphémisme, tant celle-ci apporte toujours une bonne humeur dingue en se mettant sans cesse en image, que ce soit dans ses fantasmes de ressembler à ses personnages favoris ou lorsqu'elle se représente en chantant à tue-tête ses génériques fétiches. Outre le fait qu'on comprenne bien le rapport entre l'artiste et ses inspirations, on est admiratif envers la passionnée qui n'a plus peur de s'exprimer, ce qui lui donner aussi une grande originalité en tant que personnage dans le récit.

C'est donc pour toute ces raisons que Par le pouvoir des dessins animés, one-shot autobiographique simple en surface, se révèle prenant d'un bout à l'autre. Le recueil amuse comme il nous renseigne sur son autrice, mais nous fait aussi découvrir les coulisses de son métier et nous informe sur les difficultés de celui-ci... tout en ne manquant jamais de débourser de passion. Un ouvrage fun et riche en référence, certes, mais aussi d'utilité publique.

Enfin, on apprécie le grand format proposé pour l'édition. Kana nous offre un pavé de près de 200 pages doté d'un papier d'une bonne qualité, on regrettera alors seulement l'absence d'une ou deux petites pages couleur qui auraient pu donner plus d’envergure au recueil. Mais n'oublions pas que de telles illustrations représentent du boulot... un labeur sur lequel Elsa Brants insiste bien dans son ouvrage.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.75 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction