Our Colorful Days Vol.3 : Critiques

Bokura no Shikisai

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 23 Décembre 2020

Chronique 2 :

L'irruption de Yûko, la femme du patron gay du café Shiro Amamiya, a été un coup de tonnerre dans la fin du volume précédent, celle-ci ayant déballé le fond de ce qu'elle pense envers cet époux qui a laissé en plan sa famille, et dont elle ne peut pourtant pas se résoudre à accepter la demande de divorce. Le patron a effectivement longtemps vécu dans le mensonge, sans soutien vis-à-vis de son homosexualité, sans possibilité de faire son coming out à une époque où c'était sûrement beaucoup plus délicat, et c'est un état de fait qui n'est donc pas sans conséquences...

Ainsi, dès le début de ce troisième et déjà dernier tome d'Our Colorful Days, on retrouve un Sora profondément chamboulé par ce qu'il vient de découvrir, au point de décider de prendre pendant un temps ses distances avec le café pour faire le point, et même de s'isoler un peu en ne répondant même pas aux appels de Nao. Mais la jeune fille, de son côté, est désireuse d'en savoir plus, si bien qu'elle décide d'aller voir le patron et sa femme. Mais que pourra-t-elle tirer de ce à quoi elle va assister ?

En réalité, ceci n'est qu'une première étape dans un ultime opus qui va nous en proposer plusieurs, chacune d'entre elles ayant un sens et des choses à nous dire. Que ce soit cette confrontation de Nao à Yûko Amamiya, ou alors la petite sortie de Sora avec Yoshioka où il apprécie simplement de passer du bon temps avec celui qu'il aime, puis une confrontation aussi inévitable qu'indispensable aux parents, sans oublier une fin de série marquée par un bouleversement dramatique précipitant un peu les choses, chaque étape témoigne d'un abord intelligent de son sujet, car Gengoroh Tagame y met beaucoup d'application et de lui-même pour décortiquer les situations et les comportements avec réalisme, quand bien même il effectue tout ceci un peu rapidement et non sans quelques grosses ficelles (comme le coup du typhon).

C'est ainsi que l'on entrevoit avec intérêt et sincérité les tourments d'une Yûko qui, au-delà de son possible sentiment de trahison, affiche également beaucoup de compréhension, et a même peur d'avoir "volé" la vie de Shiro pendant des années sans le savoir. Que l'on suit les pensées d'un Sora qui se demande, tout en profitant de sa sortie heureuse avec Yoshioka, s'il serait capable d'assumer qui il est en public en prenant la main d'un garçon. Que l'on découvre la réaction des parents de notre héros quand il finit enfin, dans un élan inarrêtable, par être franc avec eux, réaction témoignant par ailleurs très bien de ce que doit être l'amour parental. Et que l'on cerne la part symbolique d'une dernière ligne droite où, sur un élément en particulier, le mangaka joue quelque peu avec la morale, mais pour un résultat qui a du sens.

Quand bien même les rebondissements cèdent parfois à la facilité, l'essentiel n'est assurément pas là dans Our Colorful Days, et l'auteur continue d'aborder jusqu'au bout son sujet avec beaucoup de crédibilité, de bienveillance, et même une bonne part d'optimisme, à une époque bien différente de sa propre jeunesse. Car il ne fait aucun doute qu'il y a une bonne part du mangaka tel qu'il était ado dans le Sora de son manga, et peut-être plus encore dans l'image que l'on peut se faire du Shiro adolescent. Les deux héros du manga ont tous deux été des ados gays, mais à deux époques différentes, celles d'aujourd'hui étant sans doute plus ouverte, avec plus de facilités d'assumer son homosexualité même s'il reste évidemment beaucoup de choses à faire.

Par ailleurs, il reste également intéressant de mettre en parallèle Our Colorful Days et la précédente série de Tagame, le mari de mon frère, tant les deux oeuvres semblent bien se compléter: l'une a abordé le sujet de l'homosexualité par le prisme d'un personnage principal hétérosexuel et adulte, tandis que l'autre a développé le sujet en nous plaçant directement auprès d'un jeune ado gay, pour deux visions aussi pertinentes l'une que l'autre. Alors, que nous réservera le talentueux artiste pour sa prochaine oeuvre ? La question mérite d'être posée, mais on sait déjà qu'on continuera de le suivre avec beaucoup d'intérêt.


Chronique 1 :

Sora s'est trouvé un havre de paix au sein du café de Shirô Amamiya, le "patron". Le pensant gay ayant fait son outing depuis longtemps, le jeune homme est perturbé quand l'ex femme du patron débarque en pleine journée, faisant remarquer que le tenancier est marié mais aussi père. Malgré cette surprise, Sora comprend le mensonge de Shirô. De son côté, Nao va chercher à en savoir plus sur cette dame venue jouer les troubles-fête.

Avec ce troisième volume, Our Colorful Days touche à sa fin, une conclusion qui se devait se résoudre la situation plus dramatique plantée en fin de volume précédent. Le mensonge du patron est donc au cœur de l'intrigue de ce dernier opus, mensonge que l'on comprend assez rapidement et qui permet de mettre en valeur toute la caractérisation de cet homme au final un poil mystérieux qu'est Shirô Amamiya. Outre cela, le message derrière ce développement est clair, Gengoroh Tagame cherchant une nouvelle fois à dépeindre des portraits crédibles de personnes homosexuelles, comme ce qu'il a fait dans Le Mari de mon Frère. Et c'est d'autant plus percutant que l'auteur n'en fait pas trop et ne cherche pas à simplement créer du drame. On comprend les dilemmes du senior, ce qui le rend encore plus humain.

Et à ce titre, le chemin de Sora trouve aussi une apogée, en résonance aux déboires que traversent le patron. C'est aussi au protagoniste de l'histoire de progresser, ce qui passe par quelques éléments clé, notamment une « confrontation » évidente mais que l'auteur dépeint d'une main de maître. A travers des dialogues qui sonnent crédibles et naturels, il développe toute une issue positive particulièrement touchante. Il est évidemment impossible pour un lecteur hétérosexuel de garantir l'authenticité de cette séquence, mais on comprend bien que Gengoroh Tagame a mis énormément de sa personne dans tous des développements, comme l'atteste sa petite postface de fin de série. Mais peu importe le profil du lecteur, difficile de ne pas être soulagé par ces quelques planches qui parviennent tout de même à être nuancées, prouvant que le "combat" de Sora n'est pas terminé.

Et tandis que tous les éléments de la série semblent être menés à terme (ou presque), le mangaka parvient à achever son histoire en la bousculant quelque peu, mais en lui donnant un aboutissement pertinent. Par l'événement majeur qui a lieu, c'est une symbolique forte qui est mise en place. Encore une fois, un non concerné n'a pas à se prononcer à ce sujet, mais sans doute que le message trouvera des échos, et pourrait donner de la force à une part du lectorat. Après tout, l'ensemble trouve une grande force quand on compris que Our Colorful Days est un titre que l'auteur adresse au lui du passé, autrement dit un manga dont il aurait eu besoin durant son adolescence.

Au final, seul un petit élément de fin de tombe pourra perturbé, un choix de l'auteur qui garde une part de poésie, mais qui se confronte clairement à une certaine morale. Fort heureusement, l'idée s'arrête là, celles et ceux qui ont parcouru l'opus comprendront. La série ne tombe donc pas dans le douteux sur ses dernières pages, et la lueur d'espoir qui y brille permet une fin réjouissante et jolie dans son ambiance.
Globalement, Our Colorful Days aura donc su aussi bien traiter ses thématiques que ses personnages, sans jamais tomber dans la redite du Mari de mon Frère. Si l’œuvre traitant de Mike et de son beau-frère japonais s'adressait peut-être davantage à un lectorat hétérosexuel par les messages qu'elle véhiculait, Our Colorul Days semble plus personnelle mais pas moins touchante. Deux mangas parfaitement complémentaires donc, montrant que Gengoroh Tagame est un artiste qui a des choses a dire, et qu'il le fait de belle manière, complète et authentique.

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16.5 20
Note de la rédaction