Opus Vol.2 - Actualité manga

Opus Vol.2 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 10 Décembre 2013

A peine est-il revenu dans le monde réel que Chikara, toujours accompagné de l'héroïne de son manga Satoko, doit repartir dans le monde de Résonance avec une mission claire : arrêter Rin, qui est probablement l'un des fautifs de ce qu'il est en train d'advenir de Résonance : en effet, en y retournant, Chikara a la stupeur de voir le monde qu'il a créé se morceler petit à petit, menaçant de partir en miettes. C'est dans ce cadre complètement fou et invraisemblable qu'il engagent une course contre la montre afin de retrouver Rin, qui part bientôt dans le passé dans le but d'empêcher la mort du policier dont il est la réincarnation...

Rien ne va plus dans le monde de Résonance : alors que le monde créé par Chikara se fragmente toujours plus, Satoshi Kon brouille de plus en plus les frontières entre les différents mondes qui s'entremêlent : celui de Chikara, celui de Résonance... La frontière entre réalité et fiction, qui sera au coeur de la future filmographie de Kon, est déjà ici un atout essentiel, auquel l'auteur apporte encore une nouvelle piste : celle du saut dans le temps, qu'il a par la suite su parfaire dans son film Millennium Actress. Rin ne sait pas encore que s'il empêche la mort du policier dans le passé, il se condamne lui-même, ce qui aurait un impact désastreux dans le présent de Résonance. Et le mangaka n'en finit alors plus de complexifier son oeuvre autour de ses dimensions spatiales et temporelles, pour un résultat qui se joue habilement de toutes les bases de la création d'une oeuvre.

On se régale donc en suivant cela, d'autant que Kon emballe toujours le tout dans un sens du rythme indéniable, porté par cette course-poursuite haletante enclenchée derrière Rin, par des planches denses, et par cette façon qu'a le monde de Résonance de se morceler au fil des pages, nous rappelant constamment le danger qui guette. Surtout, l'auteur utilise la menace des paradoxes temporels (par exemple, que se passerait-il si les Satoko du présent et du passé se rencontraient ?) pour faire constamment peser la menace de destruction au-dessus du monde de Résonance. Celui-ci repose sur un fragile équilibre qui pourrait se briser à tout moment, et Kon exploite à merveille cette ficelle, qu'il pousse jusqu'au bout.

Ainsi reste-t-on happé par un récit qui, comme si cela ne suffisait pas, se permet des interrogations substantielles dès lors que l'on comprendre ce que représentent exactement Satoko ou le Masque vis-à-vis de Chikara, leur créateur. Se pose alors la question du rapport de l'artiste à son oeuvre. Si Chikara se demande notamment comment il a pu parfois écrire des choses aussi glauques dans son histoire, la réponse s'entrevoit dans ce qu'est réellement le Masque par rapport à son créateur. De même, on suit avec intérêt l'évolution de sa façon de considérer Satoko, mais aussi Rin et les autres. On peut clairement voir dans tout cela un questionnement sur ce qui anime le processus de création d'une oeuvre, car chaque artiste ne laisse-t-il pas un peu de lui-même dans ses oeuvres, et ne chérit-il pas ses créations ?

Si les interrogations sont là, ce sera toutefois au lecteur de se faire sa propre réponse. Série abandonnée à quelques chapitres de sa conclusion suite à la disparition de son magazine de prépublication, Opus connaît néanmoins dans cette édition un ultime chapitre principalement crayonné, retrouvé par le comité de rédaction du magazine Comic Ryu dans les archives du défunt Kon. Publiées pour la première fois via la présente édition, ces planches crayonnées apportent en réalité une simili-conclusion de haute volée, car Kon nous y offre une ultime mise en abyme impressionnante où il laisse le lecteur interrogateur quant à la responsabilité de l'auteur vis-à-vis de son oeuvre et de son public.

On découvre donc en Opus une oeuvre qui, bien qu'inachevée et faisant seulement deux tomes, aura été d'une richesse incroyable. Laissant clairement entrevoir les grand thèmes qui feront la spécificité de la carrière cinématographique de Satoshi Kon, l'auteur emballe dans un récit mené tambour battant de nombreuses interrogations sur la place de l'auteur vis-à-vis de son oeuvre, à travers une successions de mises en abyme vertigineuses. Une oeuvre quasiment indispensable, qui n'a pas volé son prix de la critique ACBD 2013.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs