On The Frontier - Manga

On The Frontier : Critiques

Henkyo de izutoru sakuhin-shu

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 30 Avril 2020

Encore remarqué il y a quelques semaines avec sa nomination au 24e Prix Culturel Osamu Tezuka pour son oeuvre Jûza no Uruna, Tôri Izu est un mangaka qui, en une douzaine d'années de carrière professionnelle, a déjà été récompensé à plusieurs reprises, notamment via certaines de ses histoires courtes, ou grâce à Jûza no Uruna (encore cette oeuvre) qui avait empoché en 2018 le Prix d'excellence du Japan Media Arts Award. En France, pourtant, on ne le connaît pour aucune de ses séries-phares, mais uniquement pour un recueil de ses histoires courtes, que les éditions Kana ont eu la très bonne idée de publier dans leur collection Made In en mars 2018.

Paru au Japon chez l'éditeur Enterbain (Kadokawa) en février 2016 sous le titre Henkyo de Izu Toru sakuhinshu, On the Frontier regroupe, sur environ 230 pages, quelques histoires courtes du mangaka (dont 2 récompensées au Japon). Si l'une d'elles date de 2015 et a été publiée dans le prestigieux magazine Comic Beam d'Enterbrain, toute les autres proviennent des tous débuts de carrière du mangaka: certaines furent initialement publiées en 2007-2008 dans le magazine Monthly Action de Futabasha, une autre (en réalité composée de 3 petits récits) n'avait été jusque-là publiée qu'à compte d'auteur par Izu, et la dernière est même encore plus ancienne, n'ayant ni date ni réel titre, et ayant été dessinée avant que l'auteur ne fasse du manga sa profession.

Une étudiante en école de graphisme qui est bien décidée à aller au bout de son projet de fin d'étude, quand bien même celui-ci est si particulier qu'il ne peut être noté. Une fillette, déjà désabusée et mélancolique à son âge, et trouvant les garçons idiots, qui finit par trouver le sourire en suivant deux gaillards de son âge dans une folle péripétie. Un adolescent n'ayant que 4 orteils à chaque pied et cherchant des chaussures qui lui conviennent, tout en menant en parallèle son petit boulot et sa vie dans un foyer. Des ouvriers du rail qui, pendant la construction d'une nouvelle ligne de train au début de l'époque des chemins de fer, doivent composer avec les aléas parfois tragique de leur métier ainsi qu'avec des conditions de travail déplorables. 3 courts récits faisant suite à une autre oeuvre de l'auteur, Onsa no Hibiki. Un adolescent déterminé à aller le plus loin possible en prenant clandestinement des trains à vapeur, jusqu'à rencontrer un employé du rail qui a déjà traversé nombre de choses, est proche de la retraite et n'envisage pourtant pas de laisser tomber son travail.

Tels sont les braves pitchs des différents récits composant ce recueil, pour un résultat assez hétéroclite, où il est question de différentes choses: une certaine verve de la jeunesse pour vivre ses rêves avec détermination ( comme cette étudiante décidée à finir son projet malgré l'incompréhension des autres, ou cet ado voulant parcourir clandestinement des milliers de km en train), une autre jeunesse plus désabusée (la jeune fille de la 2e histoire...), la différence (une nouvelle fois cette étudiante incomprise, ou bien ce garçon aux 4 orteils), la confrontation à des conditions de travail difficiles d'une autre époque... Ce que l'on remarquera le plus chez Izu, c'est toutefois un certain goût pour des éléments revenant dans plusieurs histoires: les trains, les chemins de fer, le métal, le travail du métal... chose qui se voit d'ailleurs dès la jaquette.

On parcourt ces différents récits avec plaisir, essentiellement parce que, dès ces histoires datant pour la plupart de ses débuts de carrière, Izu démontre de très grandes qualités visuelles. Il y a quelques petites inégalités (surtout dans les visages et anatomies), certes, mais c'est surtout généreux et fin, avec un crayon très présent (les trames ne sont pas surexploitées, bien au contraire), des angles et perspectives parfois canons et ambitieux, des décors (paysages, trains, ville, intérieurs...) omniprésents et très bien travaillés sans être surchargés (et on a vraiment l'impression que les personnages y évoluent)...

C'est donc un vrai plaisir... quand bien même les récits ne sont pas toujours à la hauteur, pour différentes raisons. Il y a en premier lieu l'aspect bref qui n'est pas toujours très bien dosé, mais surtout le fait que plusieurs de ces récits se référencent à une autre série d'Izu inconnue en France Onsa no Hibiki. Entre une sorte de "chapitre 0" de cette série ou plusieurs petites suites, on est parfois perdus, car on n'a pas toutes les clés en mains pour saisir tout l'intérêt de ces récits. Et malheureusement, les mots de l'auteur sont toujours beaucoup trop succincts, et l'édition française ne contextualise rien du tout. Ne serait-ce que quelques lignes présentant Onsa no Hibiki pour bien poser le contexte, ça aurait été chouette, car là n a bien souvent l'impression de passer à côté de quelque chose. Et le flou est d'autant plus présent que, bien souvent, des personnages semblent ici revenir d'une histoire à l'autre, parfois à des moments différents de leur vie. Par exemple, l'étudiante de la 1e histoire semble également être la fillette de la 2e histoire, et ce n'est pas le seul cas. Et vu que tout ceci se rattache parfois à Onsa no Hibiki... Enfin, il y a le sentiment que la traduction de pascale Simon, sans être mauvaise, peine à faire ressortir certaines émotions et certaines idées chez les personnages, ceux-ci semblant un peu lisses.

A part ça, l'édition, justement,e st satisfaisante pour son grand format, mais aussi pour sa jaquette au bel effet un peu brillant. Bien que fin, le papier ne souffre d'aucune transparence. Quant à l'impression, elle est tout à fait honnête.

Au bout du compte, les histoires d'On the Frontier s'avèrent plaisantes à parcourir mais, pour diverses raisons, ne laisseront pas forcément un souvenir impérissable. En revanche, Tôru Izu présente une patte visuelle bien à lui et vraiment excellente la plupart du temps, ainsi que de jolies idées dans ses courts récits. Tout ceci donne surtout largement envie de retrouver le mangaka sur des travaux plus longs et plus récents... Editeurs français, c'est quand vous voulez pour la publication d'Onsa no Hibiki et Jûza no Uruna !
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs