Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 13 Août 2024
En juin, les éditions nobi nobi! ont profité de la diffusion de son adaptation animée (toujours disponible sur Crunchyroll à l'heure où ces lignes sont écrites) pour lancer en France le manga "Tonari no Yôkai-san", renommé chez nous Nos Voisins les Yôkai (ce qui est une traduction littérale du titre japonais). Toute première série d'une mangaka se faisant appeler noho, l'oeuvre a initialement vu le jour en août 2017 sur le compte twitter de l'artiste, avant d'être rapidement repérée par l'éditeur East Press qui, à partir de juillet 2018, lui a alors offert une prépublication professionnelle sur son site Matogrosso. Achevée en janvier 2022 pour un total de quatre volumes,la série connaît toutefois, depuis 2023, un spin-off proposant des side stories,comptant à ce jour un seul tome et sobrement intitulé "Tonari no Yôkai-san Gaiden".
L'oeuvre imaginée par noho nous plonge dans un Japon contemporain similaire à notre réalité, à ceci près que les humains y cohabitent au grand jour et en harmonie avec les créatures surnaturelles et plus spécifiquement les yôkai, ces célèbres êtres peuplant le folklore nippon et que l'on ne présente plus. L'histoire démarre en plein coeur de l'été à Fuchigamori, un paisible village de montagne situé dans une plaine venteuse et entouré de forêts, où un chat du nom de Buchio est en train de connaître un étonnant événement: à l'âge vénérable de 20 ans, ce félin autrefois sauvé par la famille du jeune maître Takumi est en train de se transformer en nekomata, un type de yôkai félin. Sa queue s'est dédoublée, il peut désormais parler et se tenir sur ses pattes arrières... mais il a encore beaucoup de mal à comprendre tout ce qu'implique sa transformation. Pourquoi est-il en train de devenir un yôkai ? Comment va-t-il gérer les changements s'opérant en lui ? Quelle sera sa place dans le monde et parmi ses proches une fois qu'il sera entièrement transformé ? Pour l'aider à y voir plus clair, il pourra sur les êtres humains et yôkai peuplant le village, à commencer par Jirô, un tengu corbeau protecteur de la vallée, Mutsumi, une petite fille humaine attachée à lui et à Jirô, ou encore Yuri, une kitsune qui va devenir sa professeure de métamorphose.
Vous aimez les histoires de yôkai et, plus généralement, les tranches de vie surnaturelles, assez hautes en couleurs et paisibles qui sont ancrées dans un Japon reculé et très folklorique ? Dans ce cas, il ne fait quasiment aucun doute que Nos Voisins les Yôkai saura vous charmer, tant noho démontre un paquet de qualités pour faire de son oeuvre une réussite, à commencer par le soin apporté à son rendu visuel: entre les décors du village et de la nature environnante qui sont bien présents, précis, aérés et agréables (mention spéciale à certains jeux d'ombres et de lumière), les designs soigneusement élaborés et, de manière générale, le trait un peu arrondi, doux, expressif et chaleureux, on ressent impeccablement l'atmosphère souhaitée par la mangaka.
C'est en profitant de ce joli et immersif travail graphique que l'on suit, au fil de l'été (chacun des tomes suivants est voué à s'intéresser à une nouvelle saison), les premières évolutions de Buchio vers son futur nouveau statut de yôkai, avec ce que ça peut impliquer d'apprentissage et d'incertitudes. Mais qu'on se le dise, si le cas de ce chat/nekomata se positionne comme le fil conducteur principal de l'oeuvre (ou, en tout cas, l'un des fils conducteurs), noho est très loin de s'arrêter à lui: au fil des courts chapitres de huit pages chacun, l'autrice ne va cesse d'enrichir sa galerie de personnages humains et yôkai, et de déjà apporter différentes sortes d'approfondissements à ceux-ci. De l'adorable et rafraîchissante petite Mutsumi dont on découvre un facette familiale un peu plus triste et mystérieuse, jusqu'à Jirô qui doit composer avec certains dangers issus de son passé, en passant par la timide kappa Rain ne sachant pas comment déclarer son amour à l'humain Ryô, et bien d'autres encore, l'autrice développe à petites doses, tour à tour, une galerie bien vivante et attachante, ce qui lui permet même d'esquisser sans lourdeur certains sujets plus sérieux (l'absence d'un être cher ou le pardon, par exemple).
Enfin, au gré de tout ceci, ce qui frappe aussi en bien, c'est la beauté des liens que la mangaka dépeint: entre entraide, inquiétude pour les êtres chers, amitiés et amours, l'autrice parvient à bien tisser des relations assez jolies, fortes et bénéfiques qui sont facilement plaisantes à observer.
A l'arrivée, c'est donc un grand oui pour ce premier volume, au fil duquel noho développe un petit univers bourré de charme,pour toutes les raisons précédemment évoquées. Qui plus est,l'édition française est à la hauteur pour ce premier opus d'environ 240 pages: la traduction de Vincent Marcantognini est excellente et naturelle, les astérisques sont très présentes pour préciser certains termes spécifiques pour le jeune public ou les néophytes en folklore japonais, l'adaptation graphique du Studio Charon est propre, l'impression est de bonne facture, le papier est souple et agréable malgré une légère transparence parfois, et la jaquette, bien que différente de la version japonaise, est bien dans le ton de l'oeuvre, en plus de bénéficier d'un logo-titre soigné.