Quand la neige m'appelle - Actualité manga
Quand la neige m'appelle - Manga

Quand la neige m'appelle : Critiques

Yuki Onna

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 03 Avril 2019

Les jeunes éditions Chattochatto ont fait parler d'elles avec Carciphona, titre fantastique de l'autrice Shilin Huang. En cette amorce de printemps 2019, alors que Chattochatto souffle sa première bougie, l'éditeur propose son second ouvrage : Quand la neige m'appelle. One-shot initialement publié au Japon en 2016, il est d'abord sorti chez nous aux éditions Asiatika, qui ont depuis cessé leurs activités éditoriales. Près de deux ans après, c'est donc une nouvelle édition que nous propose Chattochatto, l'idéal pour découvrir l’œuvre du jeune auteur qu'est Makoto Aizawa.

Soldat, le jeune Sakai s'égare dans des contrées enneigées, en compagnie d'un camarade d'armes blessé. Tous deux trouvent refuge dans une cabane, lieu où ils pourront attendre d'être secourus. Durant la nuit, Sakai ouvre un œil et voit une jeune femme au teint blanc, prêt de son compagnon. Celle-ci consent à laisser le jeune homme en vie, surprise par sa beauté, à condition qu'il ne répète rien de ce qui vient de se produire. Le lendemain, tandis que son camarade est décédé, Sakai est retrouvé vivant. Peu de temps après, il fait une rencontre qui va bouleverser sa vie, celle de Yuki, une jeune fille égarée qui trouve refuge chez lui.

Yuki-Onna, littéralement « La femme des neiges », est un mythe particulièrement connu au Japon, et que l'on retrouve dans de nombreux mangas et séries d'animation. On citera par exemple Snow Illusion, one-shot publié chez nous aux éditions Komikku en 2015, ou différentes références dans des œuvres populaires comme One Piece, Détective Conan ou Yo-Kai Watch. Dans l'histoire originale, un apprenti bucheron et son mentor se réfugient dans une cabane, dans la forêt, lors d'une tempête. A son réveil, l'élève aperçoit une femme face à son maître, tandis que le jeune homme subi un sort similaire à celui de Sakai dans le présent one-shot. Le court récit de Makoto Aizawa est donc une adaptation de ce myth, dans mis aux goûts du jour. Ses origines remontent, au plus tôt, au XIXe siècle, par les descriptions de Lafcadio Hearn. La présente version se déroule à notre ère, en atteste les nouvelles technologies présentes, permettant au mangaka d'apporter une vision différente, que ce soit en ce qui concerne l'intrigue ou l'esthétique globale.

Car le plus flagrant, dès les premières pages, c'est le style graphique de Makoto Aizawa. Ce dernier a un trait vivant et particulièrement doux : ses noirs utilisés sont toujours nuancés, de manière à créer différents effets de relief sur chacune des planches, et conférant au récit un cachet visuel et une densité graphique particulièrement séduisante. Une grande douceur se dégage de cette patte, une douceur qui va de pair avec le thème de la neige, central au récit puisque les contrées enneigées forment le noyau de l'histoire, son point de départ comme le noyau de sa conclusion. Rien n'est laissé au hasard dans les choix graphiques, et on se laisse porter efficacement par cette atmosphère qui a le mérite de servir une ambiance, et par conséquent l'oeuvre puisque Quand la neige m'appelle s'appuie à bien des reprises sur cette tonalité.

Ici, l'auteur ne cherche pas à happer son lectorat par l'intrigue à proprement parler. Les événements sont, pour la plupart du temps, prévisible, et le scénario conserve une grande dose de non-dit. Frustrante dans bon nombre d’œuvre, cette mécanique sert l'origine mythologique de la femme des neiges, aussi le récit n'aura sans donc pas le même effet, ni la même magie, si le mangaka avait pris soin de développer cette figure de légende dans les moindres détails. Alors, plutôt que de chercher à savoir à tout prix qui est la femme apparue brièvement devant Sakai dans ces contrées enneigées, on se laisse plutôt porter par la poésie de la narration, cette insistance sur les émotions visuelles des personnages, et la chaleur de la vie du héros, en parfait contraste avec l'idée récurrente de la neige. Chose appréciable, le récit semble même se payer le luxe d'une ouverture qui abordes les idées de la famille et du destin. Celles-ci collent particulièrement bien à l'ambiance globale du récit, et permet de donner une conclusion satisfaisante, qui aura apporté du sens à l'aventure sentimentale et familiale de Sakai. On pourra alors relever toutes sortes d'opposition dans la courte intrigue : celle de la chaleur au froid, des campagnes couvertures de neige aux grandes villes bétonnées, de la figure mythique qu'est Yuki-Onna à celle, peu chatoyante, du soldat... Tant de métaphores qui permettent au titre de dégager cette atmosphère particulière, si bien qu'on pourra relire le one-shot plusieurs fois afin d'en saisir toutes les nuances.

Du côté de l'édition, Chattochatto nous offre un travail de qualité : papier épais et de bonne facture, et couverture particulièrement rigide pour le format, qui a son petit effet au touché. La traduction comme le lettrage ont été confiés à B.L.A.C.K Studio, qui fournit un travail de qualité, avec notamment des choix de police et de taille de texte qui sont raccords avec l'atmosphère globale de l’œuvre.

Pour ceux qui avaient raté Neige d'Amour à l'époque de sa parution chez Asiatika, le moment est donc idéal pour un rattrapage. L'histoire, si elle peut donner l'impression d'aller très vite, constitue une belle expérience de lecture poétique, parfois glaçante mais globalement chaleureuse. Sa richesse narrative et l'utilisation de différentes métaphores contribuent à un ouvrage qu'il faudra relire quelques fois pour en saisir toutes les nuances. Pour une œuvre de débutant, Makoto Aizawa s'est donc montré particulièrement habile, et on ne peut que croire en une belle et passionnante carrière.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs