Moscow 2160 Vol.1 : Critiques

Moscow 2160

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 20 Novembre 2025

Le cyberpunk, étonnamment, reste relativement rare dans les publications françaises de mangas, si bien que l'on accueille avec une certaine curiosité un représentant du genre avec Moscow 2160, dont le premier volume est disponible chez Kurokawa depuis le mois de septembre, tandis que le second opus est prévu début décembre.

A l'origine, cette oeuvre est un light novel inédit en France à ce jour, écrit par Kumo Kagyu et illustré par Noboru Kannatuki, à savoir le duo qui était déjà à l'origine de Goblin Slayer. S'il est question de l'adapter en manga dès 2019 d'après la postface du premier volume, suite à certains contretemps ce n'est qu'en décembre 2022 que cette adaptation est lancée au Japon dans le magazine Big Gangan de Square Enix, celle-ci comptant trois tomes à l'heure où ces lignes sont écrites (mais le 4e opus est prévu là-bas fin décembre). Derrière cette version manga, on découvre pour la première fois en France Kôtarô Sekine, mangaka qui est notamment connu dans son pays d'origine pour avoir dessiné un spin-off de Ninja Slayer ainsi que la version manga du film Blame!, en ayant donc déjà une assez solide expérience dans les mangas d'action et de science-fiction.

Le contexte dystopique de cette série est posé en quelques mots dès les premières pages, et peut se résumer ainsi: suite à plusieurs succès russes (notamment la course à l'espace), la guerre froide opposant l'U.R.S.S. aux Etats-Unis ne s'est aucunement achevée à la fin du siècle dernier, et perdure toujours depuis deux siècles. Ainsi, en 2160, cette oppositions entre l'Est et l'Ouest perdure toujours, et le bloc soviétique est toujours en place, avec toutes les dérives totalitaires qu'on lui connaît (par exemple, le KGB existe toujours) et bien plus encore puisque, en deux siècles, les progrès scientifiques et technologiques ont évidemment continué, entre l'existence de robots et la possibilité de mécaniser partiellement ou totalement son corps. Ce contexte assez particulier, partagé entre le côté futuriste et le côté "passé" où le contexte de guerre froide perdure toujours, les auteurs se font un plaisir de l'exploiter constamment en toile de fond, avec de nombreuses références à l'U.R.S.S. d'il y a quelques décennies et à son fonctionnement, et en imaginant que le système installé par Staline existe toujours. On sent ainsi une certaine documentation pour tirer parti de tout ça et pour offrir un univers de fond assez unique, chose que Kôtarô Sekine s'applique lui aussi à retranscrire efficacement dans ses designs robotisés soigneusement pensés ainsi que dans ses décors froids, sombre et rigides qui font bien écho à l'architecture typique du bloc soviétique.

En somme, en terme d'ambiance, il y a tout ce qu'il faut pour se laisser happer et pour se plonger dans un scénario qui, lui, devra en revanche confirmer par la suite, tant tout se résume pour l'instant à de la mise en place teintée d'action, via deux premières missions exécutées par notre protagoniste: Danila Kouraguine, un homme de 24 ans qui a toujours vécu dans les bas-fonds de Moscow (la Moscou futuriste) avec sa famille et qui, pour subvenir aux besoins de ses proches, effectue quotidiennement le travail de nettoyeur, exerçant généralement en solo ses missions d'assassinat et de protection. Via une narration nous plongeant régulièrement dans ses pensées, le récit nous laisse facilement cerner les conditions de vie déprimantes de cet homme obligé d'effectuer les basses besognes pour survivre, ayant conscience qu'il peut mourir à tout moment, et connaissant la fatalité de son sort où, en tant qu'homme de l'ombre, sa disparition serait cachée et ne chagrinerait que ses proches. Vous l'aurez compris, l'ambiance sans espoir et sans avenir est bien là, et est aussi renforcée par ce que l'on comprend déjà du contexte de cette froide ville: mafias, guerres de gangs, rivalités parfois violentes entre divers organismes...

C'est donc dans tout ça que Danila tâche de voguer et de rester en vie avec ses proches: Mariya sa soeur télégraphiste qui jour à merveille la carte de l'espionnage cybernétique, Nora son autre soeur qui a (à son grand dam) mécanisé une partie de son corps, Valery son un peu trop insouciant petit frère, sans oublier Stasia, sa petite amie danseuse de ballet, faisant fantasmer nombre d'hommes par sa beauté sans égale lui valant le surnom de "Miss Moscow". Ces personnages secondaires ont beau être soigneusement posés par les auteurs, le petit problème est qu'ils ne dégagent pour l'instant rien de plus que les clichés sur lesquels ils reposent, en particulier les personnages féminins, et surtout la fameuse Stasia qui ne sert pour l'instant vraiment que de "caution charme" forcée, avec son petit lot de scènes dénudées et érotiques. Rien de spécialement étonnant de la part de Kumo Kagyu qui proposait déjà, dans Goblin Slayer, un casting secondaire essentiellement composé de clichés sur pattes. On espère juste que l'auteur saura cette fois-ci offrir à ces différents visages plus de substance, contrairement aux aventures du Crève-Gobelins où rien ni personne n'évolue vraiment.

A l'arrivée, ce premier volume de Moscow 2160 accomplit suffisamment bien son rôle, en particulier dans la mise en images du concept de base où Kôtarô Sekine n'a aucune difficulté à faire ressortir une ambiance cyberpunk, froide, impitoyable et sans avenir particulièrement immersif. A présent, on attend juste que l'histoire et les personnages décollent vraiment, ce qui pourrait vite arriver au vu de l'intrigant personnage entrant en scène en dernière page.

Côté édition, enfin, c'est du tout bon de la part de Kurokawa, en particulier du côté de la très efficace traduction de Yuki Kakiichi et du soin accordé aux différentes astérisques précisant certains termes typiquement russes. A part ça, la jaquette est soigneusement adaptée de l'originale japonaise, le lettrage d'AQ est soigné, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont appréciables, le papier allie souplesse et opacité, et l'impression effectuée en France chez Aubin est très satisfaisante. Soulignons aussi la présence d'une petite nouvelle exclusive du romancier d'origine en fin de tome, et les différents commentaires du mangaka entre les chapitres.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs