Moriarty - Collector Vol.1 - Actualité manga
Moriarty - Collector Vol.1 - Manga

Moriarty - Collector Vol.1 : Critiques

Yûkoku no Moriarty

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 22 Juin 2018

Sherlock Holmes est un personnage qu'il ne semble plus nécessaire de présenter. D'abord parce la série de romans dont il est le héros est un classique du genre, mais aussi parce que les multiples adaptations dont il a été sujet le place dans le rang des personnages phares de la culture populaire. Que ce soit les films où Holmes est incarné par Robert Downey Junior ou la version moderne qui a fait connaître un certain Benedict Cumberbatch, Sherlock Holmes est un personnage qui continue de vivre en 2018, sous diverses formes.


Pourtant, c'est l'adversaire phare du détective qui a intéressé les auteurs Ryôsuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi. Deux auteurs qui sont loin d'être inconnus en France, le scénariste ayant aussi œuvré sur l'intrigue des mangas All You Need is Kill et ST&RS. Quant à Hikaru Miyoshi, il a signé la version Akane Tsunemori du manga Psycho-Pass. Un élément important de sa carrière d'ailleurs, le style des personnages sur Moriarty présentant ainsi des similitudes avec celui d'Akira Amano sur Reborn et Psycho-Pass.


Avec Moriarty, les mangaka inventent la jeunesse de ce mystérieux personnage qui, malgré son nombre assez léger d'apparitions dans les romans de Conan Doyle, a gagné une place particulière dans le cœur des lecteurs. Populaire au point que la simple évocation de son nom fasse frissonner, Moriarty a droit à son propre récit, un seinen actuellement publié dans la revue Jump SQ. Les éditions Kana s'emparent de ce phénomène, le manga rencontrant un très bon succès au Japon, nous proposant ce premier volume en grande pompe...


Dans l'Angleterre du XIXè siècle, la famille Moriarty remplit son devoir en adoptant deux orphelins, William et Louis. Véritables larbins, les deux enfants recueillis n'ont droit qu'au mépris de la part de leurs « parents » et des majordomes de la maison. William et Louis sont en bas de l'échelle sociale et, malgré leur adoption, ils ne valent pas mieux que des insectes aux yeux de la société.


Une vision des choses que rejette Albert, fils ainé de la famille Moriarty qui voit ses deux nouveaux frères comme une bénédiction. Son plus grand rêve est de détruire cette hiérarchie sociale qui engendre toujours plus d'inégalités. Voyant en William un véritable génie, un génie du mal et de la mort, il accepte de lui céder son titre, son héritage et ses richesses à condition qu'il aide à anéantir sa famille, et détruire la pyramide sociale qui règne actuellement...


L'évocation d'un manga Moriarty laisse entendre un récit de la jeunesse de ce génie du crime, jusqu'à sa rencontre avec Sherlock Holmes. L'introduction du manga laisse entendre ce cheminera puisqu'il démarre par la fameuse scène des chutes du Reichenbach, lieu où les deux adversaires trouveront la mort (avant que Conan Doyle fasse machine arrière et établisse la survie de Holmes, suite au mécontentement des lecteurs). L'opposition entre les deux personnages est donc mise en évidence, une opposition qui marquera subtilement l'entièreté de ce premier opus.


Car là où Sherlock Holmes (la série de romans) propose les affaires du détective atypique qui lutte contre le mal, Moriarty s'annonce pour être l'exact opposé : une succession d'épisodes où William James Moriarty utilisera son intelligence pour mettre en place des crimes. Ce premier volume suit donc un schéma linéaire, mais qui prend déjà beaucoup de sens une fois cette dualité entre les deux adversaires imaginés par Conan Doyle soulevé.


Le manga aurait toutefois pu montrer ses limites en se contentant de montrer du crime sous cette forme, mais l'aspect majeur du récit lui donne une véritable couleur : sa dimension sociale. Dès le premier chapitre, il est question d'une violente lutte des classes, une volonté pour les personnages principaux de détruire la hiérarchie en commettant des crimes envers les plus fortunés qui piétineraient le peuple. Chaque affaire de ce premier tome présente ainsi une situation, une « affaire » face à un riche abusant de ses pouvoirs que Moriarty va régler à l'aide de son intelligence. La formule fonctionne très bien malgré un schéma classique évident : le message social fonctionne et donne une grande subtilité au personnage de Moriarty qu'il est difficile de considérer comme un méchant. Lui, le génie du mal et plus grand adversaire de Sherlock Holmes, use des grands remèdes pour créer une égalité dans cette Angleterre du XIXè siècle. Un antihéros qui a son charme, donc, mais on se demande à quel point les auteurs entretiendront cette balance entre protagonistes qui accepte de se salir les mains et pur méchant, par la suite.


A ceci s'ajoute toute l'ambiance de cette Angleterre victorienne, un cadre retranscrit de manière assez fidèle et sans excès. Les architectures fonctionnent et aident à notre immersion, de même pour la représentation des hiérarchies sociales qui permet de constater qu'à une époque pourtant pas si lointaine, certaines inégalités étaient pourtant bien présentes.


Concernant l'esthétique globale de l’œuvre, certains pourront regretter la patte du dessinateur Hikaru Miyoshi sur les personnages, celui-ci faisant de Moriarty un beau et séduisant jeune homme là où l'individu n'est que très rarement dépeint comme tel (une contradiction dont les auteurs s'amusent volontairement dans les bonus du tome). Il serait toutefois dommage de bouder le titre pour cet aspect visuel, ce premier tome proposant de très bonnes choses et la marge d'évolution du titre étant assez grande.


Concernant l'édition, on sent que Kana est aux petits soins avec cette série au fort potentiel commercial. Outre la bonne traduction de Patrick Honnoré, qui insiste peut-être un peu trop sur les patois paysans, l'éditeur nous offre une bonne fabrication, un papier de bonne facture avec page couleur en début de volume. Le gros point fort de ce premier volume vient de son édition, d'un très bel effet grâce au coffret aux allures de grimoire qui vient enrober l'ouvrage. Les feuilles accompagnées de leurs enveloppes, au style très victorien, constituent un bonus sympathique, mais c'est bien la forme du coffret en elle-même qui mérite qu'on s'intéresse à cette version limitée du premier tome.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs