Moon of the Moon - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 04 Février 2020

Né en 1965, Li Chi Tak est sans nul doute l'un des fers de lance de la bande dessinée hongkongaise. Ayant démarré sa carrière d'auteur de BD il y a environ 25 ans (un peu sur le tard), surnommé "le parrain" dans son pays dans le milieu de la bande dessinée, ayant eu droit à une exposition au FIBD d'Angoulême en 2016, déjà invité plusieurs fois en France, ayant été très remarqué pour ses qualités visuelles dont certaines influences se revendiquent de Katsuhiro Otomo et de Moebius, il a pourtant été rarement publié dans nos contrées. On retient de lui Spirit - Le Dieu Rocher, publié par Dargaud en 1998, puis The Beast, une collaboration avec le scénariste français Jean Dufaux sortie chez Kana en 2016... et, enfin, l'oeuvre qui nous intéresse aujourd'hui, Moon of the moon. Publiée fin 2019 par Futuropolis et les éditions du Louvre, cette oeuvre graphique d'environ 120 pages s'inscrit donc dans la lignée des BD mettant en scène le célèbre musée parisien. Et côté auteurs asiatiques, Li Chi Tak succède ainsi à Hirohiko Araki (Rohan au Louvre), Jirô Taniguchi (Les Gardiens du Louvre), Taiyô Matsumoto (Les Chats du Louvre), ou encore Naoki Urasawa (Le Signe des Rêves), excusez du peu.

L'oeuvre nous plonge dans une réalité semblant légèrement futuriste, et où deux scientifiques nommés Rainer et Werner semblent à la recherche de 5 êtres artificiels qu'ils ont autrefois créés dans le cadre d'une expérience ayant échoué. L'objectif de ces recherches: créer des clones d'un dictateur belliciste mégalomane, avant que tout ne prenne fin avec la chute de celui-ci. Rainer et Werner ont néanmoins cherché à achever leur expérience visant à dépasser l'humain... mais à quel prix ? D'abord détruits puis remontés et reprogrammés par les deux hommes qui souhaitaient leur offrir une vie de liberté, les 5 entités ont très vite disparu en ne laissant aucune trace, et leur parcours s'avère rapidement un peu chaotique: quand certains ne savent tout simplement pas quel sens donner à leur existence dans ce monde, d'autres cherchent à se retourner contre leurs créateurs. Tous ces cyborgs semblent en perdition... Tous, sauf une: Mary. Avec son visage clair, naïf et curieux, elle se retrouve devant le musée du Louvre, le visite, et trouve une possible et apaisante voie à suivre en observant les oeuvres exposées, cherchant l'étincelle de vivre donnant tout son sens à l'Art...

On ne va pas le cacher: en seulement 120 pages, le récit s'écoule vitre, et Li Chi Tak doit donc faire des choix de narration parfois peu évidents. Ses transitions et ses brèves explications sur le contexte peuvent sembler parfois difficiles à appréhender ou peu suffisantes, tout comme la mise en avant des cyborgs autres que Mary et les jeux entre le présent et le passé/les souvenirs. Néanmoins, difficile de ne pas penser que c'est parfois clairement voulu par l'auteur, qui semble régulièrement s'amuser à brouiller un petit peu les pistes afin d'offrir à son récit quelque chose d'assez libre d'interprétation et d'un brin hypnotique. Ainsi, tandis que la touche SF possède également quelque chose d'assez politique qui n'est pas nouveau chez l'artiste, la quête désespérée des deux chercheurs ainsi que le parcours apaisé de Mary au Louvre, eux, amènes des choses plus propices à la réflexion autour de l'Art: son utilité, l'éveil qu'il apporte, le rapport des artistes à leur art (un point presque méta ici)...

On ressort de la lecture en ayant certes le sentiment que c'est passé un peu trop vite, mais également en ayant la sensation d'avoir lu une oeuvre plus profonde qu'il n'y paraît et assez fascinante. D'autant plus fascinante que toutes les qualités visuelles de Li Chi Tak sont là, et que certaines idées de mise en scène et petits changements de style sont très séduisants: planches souvent très denses dans les décors où seules viennent jurer les dernières pages plus épurées et symbolisant le renouveau de Mary, angles travaillés, "caméras" astucieuses offrant plein de bonnes petites choses, découpages des mouvements de case en case...

Du côté de l'édition, le grand format BD cartonné de Futuropolis est, comme, toujours, idéal pour profiter de tout le travail graphique. Le papier et l'impression sont d'excellente facture, on a là un bien bel objet.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction