Monster Kinematograph - Actualité manga

Monster Kinematograph : Critiques

Monster Kinematograph

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 30 Mai 2019

Après la série en 3 tomes Fluid Rat qui était un brin inégale mais qui révélait en Rem Sakakibara un certain talent et pas mal de bonnes idées, les éditions Black Box ont décidé, en ce printemps 2019, de poursuivre leur exploration de cette autrice en publiant simultanément deux one-shot: un recueil d'histoires courtes, et le titre qui nous intéresse ici: Monster Kinematograph, un récit en 5 chapitres qui est la toute première série de la carrière de la mangaka.

Originellement prépubliée entre mai 2007 et février 2008 dans le magazine Comic Ryû des éditions Tokuma Shôten (magazine où la mangaka entamera Fluid Rat juste après), cette courte oeuvre nous plonge dans la vie pas facile de Mamiya, une jeune femme ayant un petit (gros) problème: dès quelle est sujette à une émotion ou un excitation trop forte, elle se transforme en monstre géant, transformation qu'elle peine à réfréner. Au fil des années, cela lui vaut des expériences tantôt difficiles où elle peine à trouver sa place, tantôt plus bénéfiques où cet étrange pouvoir pourrait lui être utile pour, entre autres, s'intégrer... Mais au bout du compte, pourra-t-elle atteindre son rêve tout simple, celui d'avoir une existence normale et d'être aimée ?

Chacun des 5 chapitres nous invite à suivre un moment différent de la vie de Mamiya, au fil des années: la 2nde Guerre mondiale où son talent est mis au service des soldats japonais, l'année 1954 où son pouvoir souvent handicapant suscite l'intérêt d'une équipe de cinéma, l'année 1958 où elle fait la connaissance d'une jeune semblable, l'arrivée des années 1960 où surgit devant elle une rivale américaine... Le récit s'avère intéressant sur plus d'un point, à commencer par la manière dont Rem Sakakibara arrive à rendre son héroïne attachante. Jolie jeune femme qui n'a jamais demandé à avoir ce pouvoir, Mamiya souffre parfois quand elle est le jouet du destin, comme pendant la guerre ou quand on veut l'emprisonner voire la tuer soi-disant car elle représente une menace à cause de son anormalité (alors que même si elle peut provoquer des dégâts bien malgré elle, elle reste profondément gentille), mais elle connaît également d'autres moments plus heureux, notamment au contact de l'équipe de cinéma qui la traite gentiment comme une humaine, ou quand elle se prend d'affection pour une fillette qui est comme elle et envers qui elle commence à se comporter comme une mère.

Elle trouve en cette enfant un semblant de famille, la rattachant alors à la vie normale à laquelle elle aspire tant... une vie de famille qui pourrait peut-être se concrétiser encore plus à travers un autre personnage: l'agent du gouvernement devant la surveiller. Au départ, celui-ci apparaît froid et peu amical. Mais le temps aidant, son évolution au fil des années constitue l'un des enjeux de l'oeuvre. Son évolution peu sembler un peu rapide sur le coup, mais rien de plus logique puisque plusieurs sauts dans le temps ont lieu. Et dans tous les cas concerne l'essentiel de ses avancées dans sa manière de voir Mamiya: au début il la traite avec froideur et détachement, mais plus le temps passe et plus il voit tous les bons côtés de la jeune femme... au point de s'éprendre d'elle ?

Enfin, l'autre bon point du récit est assurément la manière dont Sakakibara reprend à sa sauce certaines petites étapes de l'Histoire du Japon. Il y a bien sûr la guerre en 1942 au début, mais pas que. La mangaka revisite à sa manière la montée en puissance des films de monstres dans les années 1950 en faisant de Mamiya l'héroïne de l'ombre de l'un des plus célèbres d'entre eux : ce passage du manga se passe en 1954, année de la 1e apparition de Godzilla au cinéma... A l'époque les effets spéciaux du 1er film Godzilla étaient considérés comme très réalistes, ce qui ne serait pas étonnant si on imaginait que Mamiya tenait le rôle principal ! Puis le passage en 1958 nous immisce un peu dans la période d'inauguration de la célèbre Tour de Tokyo, devenu un emblème de la ville.

L'ensemble est présenté sous un dessin qui, comme dans Fluid Rat, est plaisant: il y a quelques inégalités parfois, des trames un peu grossières, mais surtout beaucoup de charme et un trait qui se veut assez fin et plutôt riche, l'ensemble accompagnant alors bien le récit.

Le récit peut paraître parfois un peu rapide (c'est le format qui veut ça), mais dans l'ensemble Rem Sakakibara nous offre là un récit très plaisant à suivre, porté par ses bonnes idées, par son concept de base séduisant et par son héroïne très facilement attachante. Une jolie petite trouvaille, servie dans une édition correcte et pleinement dans les standards de Black Box: grand format sans jaquette et avec rabats, papier blanc, assez souple et sans transparence, impression correcte, et traduction soignée et assez immersive d'Aline Kukor.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction