Mimizuku et le roi de la nuit Vol.1 - Actualité manga

Mimizuku et le roi de la nuit Vol.1 : Critiques

Mimizuku to Yoru no ô

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 29 Août 2022

Les mangas catégorisés shôjo sont rares chez Vega-Dupuis, alors quand l'éditeur en sort un il y a de quoi être interpellé. D'autant que Mimizuku et le roi de la nuit, lancé en France en juin dernier, propose un pitch qui dénote assez dans le genre, en étant donc de ces oeuvres pouvant aider à démontrer que le shôjo est un genre infiniment varié. De son nom original Mimizuku to Yoru no ô (dont le titre français est une traduction littérale), cette série en 4 volumes a été prépubliée au Japon à partir de 2020 et jusqu'à cette année dans les pages du magazine Lala des éditions Hakusensha, magazine dont proviennent notamment les séries Elle et Lui (KareKano), Library Wars et Vampire Knight. Elle voit la mangaka Yû Suzuki (dont c'est la toute première série) adapter un roman de l'écrivaine Kougyoku Iduki.

Tout commence ici par les images d'une petite fille errant seule dans une grande et sombre forêt dont on ne voit pas le bout. Elle est maigre comme un clou, elle a des éraflures un peu partout, elle à un numéro gravé sur la chair de son front, elle a des chaînes aux bras et aux jambes, et elle n'est vêtue que d'un haillon. Pourquoi est-elle là ? Nous le découvrirons bien assez vite. Quel est son but en errant ainsi ? Eh bien, il est simple: mourir. Alors quand elle croise un démon nommé Kuro puis un roi-démon si magnifique qu'il la subjugue avec son visage parfait et ses yeux reflétant tout, elle n'a qu'une seule demande à leur faire: qu'ils la mangent et mettent fin à son existence....

C'est, mine de rien, un début de récit assez dérangeant et dur que les autrices nous proposent, dureté et malaise qui persisteront à de nombreuses reprise tout au long du tome, et cela pour une raison: l'existence désastreuse de Mimizuku, puisque c'est le nom donné à la fillette, ou plutôt qu'elle s'est donné (cela signifie "Chouette" en japonais, comme l'animal nocturne). Au vu de son état (les chaînes, le nombre sur son front, le haillon...) on comprend vite que cette pauvre enfant n'a toujours été qu'une esclave et n'a rien connu d'autre que ce statut que le rejet de ses pairs l'ayant sans cesse rabaissée, ce qui permet d'évoquer de façon classique mais rudement efficace toute la noirceur dont est capable l'être humain y compris envers des gosses. Et le cas de notre héroïne est si grave qu'elle ne se considère même pas comme une humaine, ne cesse de se dénigrer avec même parfois un sourire comme si c'était normal, et n'a absolument aucune considération pour sa propre vie au vu de la façon dont elle a vécu jusqu'à présent.

La voir si souvent se ficher de son sort, se rabaisser et rechercher la mort a de quoi fendre le coeur... et pourtant, ni le roi-démon ni Kuro ne font quoi que ce soit pour abréger ses souffrances, tout comme ils ne font pas grand chose pour montrer un intérêt envers elle. Et pourtant, de fil en aiguille, à force de persévérance, Mimizuku s'entête à attirer leur attention, essaie même de se rendre utile auprès du roi-démon... mais est-ce vraiment pour qu'il accepte enfin de la manger ? Petit à petit, on sent bien qu'il y a encore un espoir en Mimizuku, qu'il y a peut-être encore en elle une envie de vivre. Et si elle a fui les humains, peut-être finira-t-elle par consolider cette envie de vivre auprès du roi-démon... à moins qu'autre chose ne l'en empêche. Car à côté de ça, l'espèce humaine est toujours là, et le royaume a bientôt vent de la présence d'un roi-démon à chasser dans la forêt. Là aussi, l'idée est on ne peut plus standard des récits typés fantasy et n'est qu'esquissée pour l'instant, et il restera alors à voir comment cela se développera par la suite.

Sur le plan visuel, Yû Suzuki rend assez bien les choses. Bon, on ne va pas se mentir, on sent vraiment qu'il s'agit d'une première oeuvre, en particulier pour certaines inégalités de design, pour certaines pages plus relâchées/pauvres, et pour quelques gros raccourcis narratifs (notamment des transition parfois absentes) qui peuvent parfois nuire légèrement à l'immersion. Mais il y a aussi une volonté d'offrir des allures recherchées (que ce soit la silhouette malingre de Mimizuku, le design du roi-démon ou celui de Kuro) et des décors capables d'êtres très convaincants quand l'autrice se donne à fond, ainsi que quelques planches pouvant beaucoup séduire dans leur composition.

On attendra donc avec un certain intérêt la suite de cette courte série. pour l'heure, on passe facilement outre les quelques limités évoquées précédemment pour découvrir une mise en place assez intrigante même si l'histoire de fond est pour l'instant classique, l'oeuvre pouvant pour le moment surtout compter sur le portrait dur de sa jeune héroïne pour vraiment marquer (et parfois faire un peu bader, vu comment elle se considère elle-même).

Au niveau de l'édition, on a un petit format typique shônen/shôjo assez convaincant, avec un papier légèrement transparent mais souple et suffisamment qualitatif pour permettre une impression satisfaisante, un très bon travail de lettrage de Daphné Belt, une traduction plutôt convaincante de Patrick Alfonsi qui essaie d'offrir un parler "enfantin" crédible à Mimizuku même si certaines tournures de phrases sont un peu lourdes, et une jaquette proche de l'originale japonaise tout en bénéficiant d'un logo-titre assez soigné.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction