Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 04 Janvier 2024
Comme il est de coutume dans la série avant le début d'un nouveau témoignage, ce 5e volume de Mibu Gishi Den s'ouvre sur des premières dizaines de pages (dont certaines, superbe, sont en couleurs sur papier glacé) revenant au plus près de Kan'ichiro Yoshimura à l'aube de sa mort. On y voit l'homme repenser encore à sa famille, témoigner du respect pour ses anciens compagnons, exprimer certains regrets vis-à-vis des élèves de Nanbu qu'il a autrefois lâchés, s'interroger de plus belle sur le cas de son ancien ami Jiroe, réfléchir sur la sournoiserie de son époque, et surtout laisser apparaître encore un peu plus sa vision de la guerre. une vision qui, pour lui, ne consiste surtout pas à aller mourir, mais plutôt à tuer pour survivre, ce qui n'était pas vraiment en adéquation avec les valeurs des samouraï de son époque...
C'est sur ces entre-faits importants que peut ensuite commencer le nouveau témoignage: celui de Shichisaburô Ikeda, alias Rihachi Hieda de son vrai nom, un cas intéressant puisque cet homme a réellement vécu de tout fin décembre 1849 (ou 1850, les sources varient) jusqu'à 1938. On commence par découvrir quelqu'un qui, dans son enfance, a bravé l'autorité parentale pour devenir ce qu'il voyait alors comme "un véritable samouraï" en s'engageant au sein du Shinsen-Gumi, où Kan'ichirô fut son instructeur pendant environ deux mois. En déballant ses souvenirs, Hieda nous offre notamment l'occasion d'approfondir encore un peu plus une vision de différents éléments historiques, à commencer par une interprétation de l'assassinat de Ryôma Sakamoto et Shintarô Nakaoka, un double-meurtre qui reste encore aujourd'hui (et sûrement à tout jamais) incertain quant à la vraie identité du tueur qui n'a jamais pu être définitivement établie. Mais on pense surtout à ce qui nous est conté sur le Goryô Eji, un groupe dissident du Shinsen-Gumi resté moins célèbre que son homologue et rival, dont on découvre notamment certaines figures centrales comme Kashitarô Itô et Arinosuke Mônai, et où l'on nous expose aussi le rôle à-part du célèbre Hajime Saitô.
C'est plus particulièrement dans le climat tendu entre les deux groupes que Hieda nous décrit la force dont était capable Kan'ichirô, sabre en main, pour vivre et pour guider ses élèves afin qu'eux aussi restent en vie, ce qui aurait pu le montrer comme un samouraï impitoyable. Et pourtant, si Hieda garde un souvenir impérissable de cet instructeur qu'il a finalement côtoyé pendant peu de temps au point de le voir comme un père, c'est bien pour ce qu'il montrait au quotidien: un désir d'inculquer des connaissances utiles aux plus jeunes, un respect envers eux, une volonté de les traiter d'égal à égal là où beaucoup d'aînés du Shinsen-Gumi se gênaient pas pour faire valoir leur supériorité, si bien que le personnage central de l'oeuvre passait parfois pour un nigaud auprès de ses congénères sans en faire grand cas. En sorte de moment cristallisant bien tout ceci, on notera une scène où le jeune Shichisaburô Ikeda aurait pu être qualifié de traître, et où nombre d'autres membres du Shinsen-Gumi l'auraient exécuté là où Kan'ichirô l'a écouté.
"Cet homme portait un regard franc et droit sur un monde rempli d'imperfections..."
Entre la richesse historique du récit, le portrait toujours plus nuancé et humain qui se dessine sur Kan'ichirô Yoshimura, et l'habituelle rigueur visuelle du mangaka Takumi Nagayasu, on reste sur un récit réaliste véritablement passionnant.