Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 18 Février 2025
Comme à l'accoutumée, ce tome s'ouvre sur de nouvelles pages d'introduction revenant encore un petit peu plus sur les pensées de Kan'ichiro Yoshimura peu de temps avant de mourir, se souvenant cette fois-ci de sa jeune fille Mitsu, qu'il n'a pas pu voir et chérir autant qu'il l'aurait voulu, regrettant d'avoir ainsi dû l'abandonner, et s'inquiétant pour sa vie à venir. Puis le récit nous immisce en 1915 auprès de Chiaki Ôno, médecin d'âge mûr, tenant une clinique dans la ville de Shenyang quelque part en Mandchourie, et récemment contacté depuis le Japon par l'homme continue de retracer la vie de Kan'ichiro. Avant d'être médecin, Chiaki connut très bien Kan'ichirô qu'il peut pour maître, ainsi que son fils Kaichirô qui avait le même page que lui et qui était un véritable ami. Ses obligations de médecin, le manque de temps, le besoin d'oublier le passé, et surtout le refus de son épouse, sont autant de raisons faisant qu'Ôno a d'abord refusé de témoigner. Cependant, il accepte enfin de répondre à son interlocuteur à travers quelques lettres à sens unique. Tout en lui demandant, après cet échange, de ne plus le solliciter.
Riche de près de 270 pages, cet épais volume forme à lui seul un nouvel arc se concentrant entièrement sur le témoignage de ce médecin. Et quand bien même la narration sous forme de lettres à sens unique rend parfois la lecture lente et un brin redondante, le fond est toujours aussi passionnant dans ce qu'il raconte, ne serait-ce que pour les différents apartés d'Ôno où il revient un peu sur sa vie de médecin en Mandchourie, histoire de contextualiser un peu plus cette région en 1915 et de nous offrir un récit d'autant plus immersif. De même, certains aspects "annexes" du témoignage d'Ôno sur sa jeunesse, sur sa rencontre avec son mentor ou encore sur la marginalisation des "perdants" dans le Tokyo post-Bakufu, sont autant d'éléments enrichissant de plus belle l'oeuvre et permettant de s'attacher plus facilement à ce nouveau témoin.
Mais il va de soi que le plus gros et le plus intéressant du tome se trouve dans le parcours commun que Chiaki Ôno a pu avoir et a encore avec les Yoshimura. Bien sûr, dès le début de tome, on devine totalement quel fut l'avenir de Mitsu, cette fille que Kan'ichiro regretta de ne pas pouvoir chérir autant qu'il l'aurait souhaité, et l'on restera facilement touché par l'existence heureuse qu'elle a pu mener malgré les douleurs du passé. Le reste est alors à chercher dans l'abord par Chiaki de son rapport avec les Yoshimura père et fils, entre Kan'ichiro qui a été son maître/instructeur pendant son enfance et Kaichirô qui, jusqu'au bout, est resté un précieux ami, avant que la société guerrière de cette époque, ses injustices et ses contradictions ne rattrapent ces deux hommes. Enfin, ce nouveau témoignage ne s'arrête pas tout à fait à ça puisque, tandis que le cas de Mitsu permet d'évoquer un petit peu plus la condition des femmes en cette période, ces lettres sont aussi le moyen pour Chiaki Ôno d'évoquer les facettes de son père Jirôemon qui fut lui aussi très proche de Kan'ichirô et eut un rôle crucial et cruel auprès de lui, et de réhabiliter cette figure paternelle reste longtemps ambivalente aux yeux du témoin.
En résulte une lecture peut-être légèrement moins limpide au vu de la formule épistolaire choisie, mais toujours aussi riche, humaine et touchante dans son propos.