Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 23 Juillet 2019
Ce n'est pas nouveau, les éditions Doki-Doki ont toujours aimé les mangas teintés de folklore nippon. Depuis leurs débuts, avec des titres comme le malheureux Cortège des Cent Démons qui n'a pas eu le succès qu'il aurait mérité chez nous. Puis au fil des années avec divers titres, et encore récemment via la très bon Ken'en - Comme chien et singe. L'éditeur profite donc de l'été pour nous propose sa nouvelle trouvaille du genre, issue tout droit du magazine Comic Garden des éditions Mag Garden où elle est prépubliée aux côtés d'oeuvres comme The Ancient Magus Bride et L'Enfant et le Maudit: Ayashikoto-gatari, série renommée chez nous Mes Voisins les Esprits. Démarrée au Japon en 2018, il s'agit de la toute première série d'Ushio Shirotori, et celle-ci va nous plonger aux côtés d'une lycéenne ayant un don surprenant.
Yachiho Takahara, puisque c'est son nom, vient tout juste d'emménager avec son chat dans une vieille maison de province à la réputation plutôt effrayante auprès des locaux: personne n'y reste jamais bien longtemps, car elle serait hantée et des choses bizarres s'y passent souvent. Si l'adolescente a emménagé là, c'est pour une raison précise: son père ethnologue le lui a demandé, car elle pourrait y trouver les "notes sur le royaume des morts", un écrit qui pourrait lui permettre d'en apprendre plus sur la disparition énigmatique de sa mère, volatilisée 5 ans auparavant. Mais à peine commence-t-elle à s'habituer à son nouveau cadre de vie, entre le lycée et la maison, que la jeune fille se retrouve déjà confrontée aux fameux événements bizarres de sa nouvelle demeure: de l'eau qui apparaît au sol mystérieusement, des murs qui ont des yeux... des étrangetés derrière lesquelles elle ne tarde pas à découvrir qu'il y a des "esprits" ! Il s'avère que Yachiho a la capacité de voir ces êtres fokloriques censés être bien souvent invisibles aux yeux des humains. Et dans la foulée, elle fait la connaissance de Moro, un esprit un peu irascible vivant sur place car il est le gardien de la maison, passage obligatoire pour les esprits entre le monde humain et le "monde éternel" où ils sont un jour voués à retourner une fois leur rôle accompli sur Terre...
Ce premier tome nous plonge dans une tranche de vie fantastique tout d'abord ravissante sur le plan visuel. C'est bien simple: pour une toute première oeuvre, Ushio Shirotori impressionne, avec des planches qui ne sont jamais vides, des décors très présentes, clairs et agréables que ce soit pour la bâtisse ou la nature proche, une héroïne aussi jolie qu'expressive, et surtout des créatures surnaturelles aux designs souvent originaux et très bien travaillés, il suffit de voir la jaquette pour s'en convaincre. Bien souvent pour celles-ci la mangaka reprend des caractéristiques typiques du folklore nippon: dragon longiligne avec une fine moustache, divinités de la pluie et de la foudre sur leur petit nuage, kodamas aux yeux ronds et noirs... Mais à tout ces mononokes, l'autrice parvient toujours à apporter une petite touche personnelle séduisante.
C'est donc en étant d'emblée charmé par les dessins que l'on profite d'un récit gérant très bien son atmosphère entre folklore et tranche de vie, au gré de premières rencontres étonnantes pour notre jeune héroïne, rencontre où elle aura souvent un joli rôle en entrant volontiers en contacts avec ces êtres, en tentant de les aider dans leur petits tourments, en veillant sur eux... tout simplement, en souhaitant en apprendre plus sur eux. Mais attention, car certains pourraient être facilement capricieux, et la cohabitation pourrait parfois être mouvementée ! Ainsi, si les différents mononokes rencontrés ne manquent pas de charme, il en est tout autant pour cette jeune héroïne affichant une personnalité attachante, et que l'on a très envie de voir progresser dans sa quête.
Car n'oublions pas que Yachiho a une tâche à accomplir: retrouver ce fameux écrit qui pourrait l'aider à en apprendre plus sur la disparition de sa mère. La mangaka n'oublie jamais d'évoquer ce fil rouge, elle en profite aussi pour apporter un peu plus de background sur l'histoire de la demeure et de son précédent habitant, et elle semble même déjà installer des problèmes plus concret à travers un mystérieux personnage, Kamô, qui a une vision des esprits bien différente de notre héroïne, et qui a lui aussi un but qui risque fort d'être incompatible avec celui de la lycéenne...
A côté de tout ceci, enfin, on se régale de l'ambiance que propose la mangaka, de la façon dont elle choisit d'aborder le rôle des mononokes comme des êtres veillant à leur manière sur notre monde impermanent, dans une sorte de cycle dont font partie les humains.
En somme, les éditions Doki-Doki semblent avoir déniché là une nouvelle petite perle en matière de manga folklorique. C'est beau, immersif, attachant... On suivra assurément la suite avec beaucoup de plaisir !
Du côté de l'édition, Doki-Doki livre une très jolie copie, avec ne jaquette attirant bien l'oeil, un papier bien épais et souple, une très bonne qualité d'impression, une première page en couleur, et une traduction très claire de Pénélope Roullon-Ishihara qui colle bien à l'univers folklorique.