Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 25 Février 2025
Les mangas avec le patinage artistique comme toile de fond ne sont pas les plus communs des titres sportifs. Pourtant, Medalist est certainement l’une des étoiles montantes du genre tant l’œuvre a déjà gagné une reconnaissance dans son pays d’origine tandis que son succès international tend à s’élargir grâce à la diffusion récente de son adaptation animée, bien que sa disponibilité chez Disney+, les spécialistes de la non-communication de leurs titres en termes d’animation japonaise, permet de nuancer cette optique.
Medalist est la toute première série de Tsurumaikada, artiste qui a fait ses débuts avec l’histoire courte « Can’t be a Goddess » en 2019, avant de lancer son œuvre phare l’année suivante. Publié dans le magazine Afternoon des éditions Kôdansha, le manga dénombre à ce jour 12 volumes au Japon. La série a vite gagné un succès d’estime puis un succès commercial, lui valant de très bonne vente ainsi que plusieurs prix : différentes figurations aux Tsutaya Comic Awards, une première place aux Next Manga Awards de 2022, la première place de la catégorie grand public aux Shôgakukan Manga Awards de début 2023, et une victoire dans la catégorie générale des 48e Kôdansha Manga Awards en 2024. Un palmarès qui a de quoi attirer l’œil, aussi nobi nobi ! a jeté son dévolu sur le titre qu’il nous propose depuis février 2024, avec 7 volumes disponibles à ce jour. Notons d’ailleurs une édition léchée, ne serait-ce par les effets métallisés de la couverture qui rappellent toute la brillance et la majesté de la glace, élément de prédilection de l’histoire.
Car « Medalist » narre une aventure profondément humaine dans l’univers du patinage artistique. Après avoir dédié sa vie à ce sport et démontré un certain talent, Tsukasa n’a malheureusement pu faire de sa passion une carrière. Aujourd’hui, il cherche à concilier son amour du patinage à son avenir professionnel en postulant à différents spectacles sur glace… mais sans succès. Son avenir bascule lorsqu’il rencontre Inori, une fillette de 11 ans mésestimée par son entourage, timide et plutôt faible à l’école, mais qui nourrit une vraie passion pour le patinage en plus de démontrer un talent indéniable. Un don qui tape dans l’œil de Tsukasa qui décide de croire en Inori au point de la prendre sous son aile et devenir son entraîneur, dans le but d’en faire une future championne du patinage artistique. Les embûches seront certainement nombreuses, mais leur détermination semble sans faille !
Avec sa dimension de fable humaine, le premier tome de « Medalist » nous frappe d’entrée de jeu par son approche censée du patinage artistique, un univers pour lequel "beaucoup d’appelés, peu d’élus" semble avoir un sens particulièrement authentique. D’abord dramatique, et même assez triste, l’amorce du récit met l’accent sur ces deux personnages que sont Tsukasa et Inori, un adulte et une enfant qui ont pour point commun leur nature de laissés pour compte dans ce domaine sportif, pour sa cruelle réalité ou par l’absence de rêves de leurs entourages qui ne croient guère en leurs réussites. Leur rencontre est donc ce qui pouvait leur arriver de vieux. L’association de ces deux caractères rêveurs aboutit immédiatement à la formation d’un duo choc, tantôt extrêmement drôle, tantôt diablement touchant, leur alchimie donnant envie de croire en eux et, par conséquent, accentue le plaisir des premiers pas du binôme. La petite force de Tsurumaikada est de jouer sur deux figures principales séparées par les années, et de donner autant de force à l’adulte qu’est Tsukasa qu’à l’enfant qu’est Iori. Il en découle une vision qui rappelle un grand frère et une petite sœur, ce qui garantit un capital sympathie particulièrement fort pour la disciple et son mentor qu’on souhaite voir progresser le plus loin possible.
À côté de cette proposition de départ des plus réussies, les débuts de « Medalist » cochent les cases classiques du manga sportif, à commencer par l’apparition de rivaux qui excellent dans leur domaine. L’approche, classique en apparence, est pourtant traitée dans de belles dimensions, que ce soit par la justesse du propos et du rapport à la compétition entre enfants dans le milieu, et dans une forme d’excentricité liée aux caractères variés de ces jeunes personnages qui feront office d’adversaires et/ou d’amis pour Iori. Ces rivaux amènent des interactions réussies, mais contribuent aussi à l’écriture d’un propos qui gagnera certainement en force au fil des opus. Pour l’heure, « Medalist » ne se contente pas de proposer une épopée sportive, mais questionne aussi sur la dimension impitoyable du patinage artistique par le prisme d’enfants a qui on donne ou on retire le droit de rêver au nom d’une compétitivité qui s’oppose parfois à la notion de rêve qu’entretiennes les protagonistes. Tsurumaikada entretient déjà une vraie richesse dans son scénario, ce qui va de pair avec une narration vraiment dense, très équilibrée dans son décryptage du patinage et l’ascension d’Iori, tout en proposant des chorégraphies déjà majestueuses à certains moments clés du volume.
Alors, la lecture de ce premier volume est foisonnante, fourmille de détails, jongle entre les divers aspects du début de l’aventure, mais aussi entre les ambiances, via un premier opus imposant par ses 230 pages. C’est une première lecture qui impose une certaine richesse, mais qui sait nous capter par tous ses éléments et par sa manière de raconter son histoire, ce qui augure forcément une suite prometteuse étant donné que le récit a dépassé la dizaine de volumes aujourd’hui. À « Medalist » comme à Tsurumaikada, on ne peut que souhaiter une belle ascension !