Manga 10 000 images - Le manga au féminin Vol.3 - Actualité manga

Manga 10 000 images - Le manga au féminin Vol.3 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 08 Février 2011


Après deux excellents premiers numéros respectivement consacrés au yaoi et au "Dieu du manga" Osamu Tezuka, les éditions H reviennent pour nous proposer, cette fois-ci, un troisième opus de leur série documentaire, opus cette fois-ci consacré au "manga au féminin". Un sujet large, qui se voit ici traité dans toutes ses spécificités, et sous tous les angles, pendant 224 pages d'une très grande richesse.

Face à un sujet aussi vaste, le grand mérite des auteurs de ce troisième volet de Manga 10 000 images est de ne pas se cantonner strictement au manga pour filles et femmes, puisque l'ouvrage accordera tout autant d'importance aux autres genres du manga, à partir du moment où les titres sont conçus par des mangaka féminins.

La lecture débute fort logiquement sur un long article revenant sur les différents codes du shôjo, tels les grands yeux si typiques. En se basant sur de nombreux repères historiques, du début du vingtième siècle à nos jours, sur les influences de nombreux artistes et auteurs (dont, évidemment, des mangaka, à commencer par Tezuka, mais aussi d'autres auteurs masculins comme Macoto Takahashi, ou féminins comme Hideko Mizuno), et sur des comparatifs entre les styles de différents auteurs incontournables d'époques variées, comme Moto Hagio, Riyoko Ikeda, Moyocco Anno et Ai Yazawa, ce premier article d'une quarantaine de pages s'avère être d'une richesse inouïe, et l'énorme travail de documentation est perceptible à chaque page.

Puis se suivent différents articles, plus courts mais tout aussi intéressants, sur l'influence d'Osamu Tezuka sur le shôjo manga, puis sur le yuri et le josei, genres souvent assimilés au shôjo dans nos contrées, souvent à mauvais escient. Quelles sont les spécificités de ces genres moins représentés en France ? Quels sont les points communs, les différences, les influences et les liens entre ces différents genres ? Les réponses se situent ici.

Parole est ensuite laissée à différents éditeurs au sujet de leur perception du shôjo manga. Des éditeurs tout aussi bien japonais que français, puisque nous retrouverons successivement des entretiens avec les représentants des éditions Shodensha et Hakusensha, puis avec Yves Schlirf des éditions Kana. Entretiens intéressants, dotés de questions la plupart du temps pertinentes et de réponses souvent largement développées, et qui a le mérite de voir se dresser les regards des deux principaux pays concernés par l'ouvrage. Toutefois, et il s'agit bien là de chipotage, on aurait pu apprécier de voir un ou deux autres éditeurs, notamment français (puisque seul Kana a ici été questionné), offrir leur point de vue, notamment un éditeur misant plus sur le shôjo que Kana, comme Akata/Delcourt.

L'article suivant se focalise sur un tout autre aspect du "manga au féminin", puisqu'il porte sur ces auteurs féminins offrant des oeuvres majoritairement adressées à un public masculin: l'incontournable Rumiko Takahashi pour l'ensemble de son oeuvre (Urusei Yatsura/Lamu, Ranma 1/2, Inu Yasha...), les Clamp pour des titres comme Chobits ou Angelic Layer, Yellow Tanabe (Kekkaishi), Kei Toume pour ses seinen, Hiromu Arakawa (Full Metal Alchemist), voire des auteures de récits érotiques et de hentai comme Kyô Hatsuki (Love Junkies)... pour ne citer que quelques-unes des plus connues dans nos contrées, mais également des auteures publiées également en France mais moins connues, ou des auteures tout simplement inédites à ce jour chez nous. Ici, l'enjeu de l'article sera d'aborder ces différentes auteures, et les influences qu'elles ont pu avoir ces dernières décennies en ce qui concerne la place accordée à la femme mangaka dans le milieu du manga non-dédié de prime abord au public féminin.

Après un article sur l'avenir réservé au manga pour filles et femmes depuis le début d'une importante remise en question dans les années 90, l'ouvrage nous invite à découvrir un entretien avec l'une des grandes figures du genre de ces dernières années: Setona Mizushiro, auteure, entre autres, du shôjo fantastique L'infirmerie après les cours, du josei homosexuel le Jeu du Chat et de la Souris, ou encore du shôjo réaliste et psychologique X Day. Une longue et belle entrevue, rendue très riche évidemment grâce à l'abord du parcours de la mangaka, mais également éclectique grâce à la variété des thèmes abordés par l'auteure.

Arrive ensuite un article revenant sur la place de la sexualité dans le manga pour adolescentes. Un article à nouveau riche abordant la thématique sous l'angle d'oeuvres de différents courants, dont ce que l'on appelle souvent le shôjo mature (terme apparemment purement français), cette catégorie de titres se faisant volontiers plus explicite que la moyenne dans le genre. On trouve ici différentes sous-parties venant expliquer l'intérêt que les lectrices peuvent trouver à ce genre de manga et à la façon dont la sexualité y est représentée, le tout flirtant volontiers avec la psychanalyse. Ca se confirme donc à nouveau ici: la volonté d'aborder les thèmes en profondeur est indéniable.

Après ces nombreux articles de fond, l'ouvrage laisse place au désormais habituel "coin des chroniques", où les auteurs proposent de découvrir leurs avis sur une palette choisie d'oeuvres fortement représentatives de ce qu'ils ont développé précédemment. Ainsi, les oeuvres chroniquées s'avèrent très variées, les titres populaires (X, Fushigi Yugi, Host Club) côtoyant des oeuvres moins vendeuses mais qui peuvent mériter tout autant le coup d'oeil (Nodame Cantabile, le Pavillon des Hommes, 7 Seeds...). On ne peut que saluer la variété des genres et des thèmes représentés à travers les titres choisis ici, et si, comme le font comprendre d'emblée les auteurs, les avis ici présents, comme toute chronique, restent évidemment pourvus d'une forte part de subjectivité, l'argumentaire développé reste très appréciable.

Pour refermer l'ouvrage, les 30 dernières pages nous proposent de découvrir en sens de lecture japonais deux courtes nouvelles de Junkjo Kawakami, auteure de l'excellent It's your world. Deux courtes oeuvres sympathique à suivre, venant illustrer quelque peu le contenu développé précédemment dans le magazine.

Au final, le troisième numéro de Manga 10 000 Images confirme pleinement la grande qualité de ce magazine érudit, et l'on comprend aisément pourquoi il faut attendre autant de temps entre chaque numéro, tant le travail de recherche et de documentation est conséquent. Véritable régal pour quiconque s'intéresse de près au manga, ce troisième volet apprend à son lecteur un nombre incalculable de choses à chacune de ses pages. A vrai dire, cette grande qualité peut également s'avérer être le principal problème à la lecture, puisque si le travail d'écriture est pourvu d'une fluidité indéniable (fort heureusement, la petite tendance à l'autosatisfaction - justifiée - des auteurs ne gâche en rien ceci), les informations sont tellement nombreuses que l'on préfèrera lire l'ouvrage par petite touches pour bien accumuler le tout... ou le relire plusieurs fois. D'autant que, sur la longueur, le fait de toujours devoir aller à la fin d'un article pour parcourir l'une des très nombreuses notes informatives peut vite paraître barbant. S'il faut vraiment signaler un défaut à Manga 10 000 images, il s'agira bien de celui-ci: une certaine austérité dans la forme. Très nombreuses notes en fin d'article (72 rien que pour le premier !) obligeant à virevolter sans cesse entre les pages, gros pavés de textes pouvant rebuter les plus flemmards des lecteurs... ce qui, répétons-le, serait vraiment dommage tant le contenu est excellent.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs