Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 06 Mai 2024
Les éditions Meian sont bien décidées, en cette année 2024, à continuer d'explorer le vaste univers de la licence de magical girls devenue culte Puella Magi Madoka Magica: ainsi, après avoir lancé en février dernier le manga "Magia Record - Puella Magi Madoka Magica Side Story" qui se déroule dans une autre ville et qui a pour personnages principaux des filles différentes du PMMM d'origine, elles proposent depuis mars les deux premiers tomes de "Magia Record - Puella Magi Madoka Magica Another Story", pour lequel tout est dans le titre. Lancée au Japon en 2019 (donc quelques mois après Magia Record Side Story qui a vu le jour en 2018) sur l'application de lecture en ligne Comic Fuz des éditions Hôbunsha (et donc, étrangement, ni dans le Manga Time Kirara Forward ni dans le Manga Time Kirara Magica, magazines s'étant partagé tous les autres nombreux mangas de la licence), la série a été confiée à une dessinatrice se faisant appeler U35 (ou Umiko), surtout connue avant ça pour ses illustrations de certains light novels et pour sa participation à quelques anthologies collectives autour de licences connues (comme Freaky Girls), tout ceci restant inédit en France à ce jour.
Comme le laisse bien deviner la jaquette, ce premier tome nous immisce avant tout auprès d'une Puella Magi bien connue du PMMM d'origine: Mami Tomoe, qui est en train de mener son enquête sur un fait étrange: voici un moment qu'il n'y a quasiment plus de sorcières à chasser dans sa ville de Mitakihara, si bien qu'à ce train-là, les Puella Magi risquent d'avoir des difficultés à obtenir la puissance magique dont elles ont besoin pour subsister. En cherchant ailleurs des sorcières, elle croise la route de Kyôko Sakura, autre magical girl emblématique de la série d'origine, qui lui confirme que la situation semble similaire dans sa propre ville de Kazamino. Alors, où sont donc passées les Sorcières ? Et que se passerait-il sans elles, qui sont le rouage de ce cycle ? Au fil de ses investigations, Mami finit par arriver à Kamihama, où rapidement la situation lui semble très particulière: les sorcières y semblent exagérément présentes, comme si elles avaient quitté les autres villes pour se rejoindre ici. Qui plus est, sorcières comme familiers y sont extrêmement forts, il y a des labyrinthes à foison... Et en rencontrant d'autres Puella Magi sur place, elle finit même par apprendre l'existence d'une autre menace mystérieuse: les rumeurs...
Au vu du titre de ce manga et des quelques lignes ci-dessus, vous l'aurez sans doute déjà bien compris: Magia Record Another Story n'est autre qu'une histoire se déroulant parallèlement à celle du manga Magia Record Side Story, celui-là même qui a été lancé au Japon quelques mois auparavant et en France en février dernier, Meian ayant donc bien jaugé son timing de lancement des deux oeuvres, pour le coup. De ce fait, autant dire tout de suite que lire Another Story sans connaître Side Story n'a pas grand intérêt, tant ce "spin-off d'un spin-off" cible avant tout (voire uniquement) les personnes connaissant déjà suffisamment l'univers de l'oeuvre.
Effectivement, le principal petit plaisir de cette série, tout du moins sur ce premier volume, est de reparcourir certains événements de Magia Record Side Story depuis le point de vue de Mami, celle-ci connaissant sa propre quête (cerner pourquoi il y a tant de sorcières dans cette ville) et donc sa propre aventure parallèlement à celle d'Iroha, de Yachiyo et des autres Puella Magi de Kamihama. U35 s'applique plutôt bien à narrer les débuts de ces péripéties, particulièrement quand les routes de Mami et des héroïnes de Magia Record Side Story se croisent réellement, à l'image de la fin de tome nous faisant vivre sous un autre angle les soupçons de Mami à l'égard d'Iroha qu'elle pense être une sorcière camouflée. Mais à part ça, il faut quand même avouer que l'intrigue reste pour l'instant un peu pauvre: le récit se contente vraiment de poser rapidement les quelques éléments plus ou moins inédits autour de la quête personnelle de Mami, sans en faire ressortir grand chose, mais en intriguant quand même suffisamment pour donner envie de connaître le fin mot de tout ça... Seulement, ce fin mot, le connaîtra-t-on vraiment un jour ?
C'est là l'autre gros souci, voire le principal problème de ce spin-off: tout porte à croire qu'il a été discrètement annulé au Jap on après deux tomes (d'où, peut-être, la volonté de Meian de s'en débarrasser rapidement en publiant simultanément les deux volumes). En effet, après un tome 1 sorti en mars 2020 et un volume 2 paru en juin 2021, voici trois ans qu'il n'y a plus la moindre nouvelle de l'oeuvre là-bas. Quand on effectue quelques recherches, on découvre assez vite que la série a connu des pauses et un rythme irrégulier dès le volume 2, que l'éditeur japonais Hôbunsha semble ne plus du tout parler de cette oeuvre depuis longtemps (quasiment comme si elle n'avait jamais existé), et que la mangaka elle-même n'a jamais fait la promotion de ce manga sur son compte twitter/X personnel, où elle est pourtant très active et parle régulièrement de ses autres projets. Pourquoi cet arrêt au Japon ? On imagine qu'il y a eu des conflits internes ou un gros manque de succès. Et du coup, pourquoi sortir en France un manga qui a été rapidement laissé en plan dans son pays d'origine il y a un bon moment ? Là aussi, les hypothèses peuvent être nombreuses (par exemple, on peut imaginer que l'éditeur nippon a imposé à l'éditeur français l'achat de ce spin-off pour acquérir la série principale, pratique qui se fait régulièrement avec les ayant-droit japonais).
A part ça, que dire d'autre ? Eh bien, qu'il faut avouer que là où ce spin-off pèche aussi un peu, c'est sur le plan graphique: malgré une narration visuelle assez rythmée et toujours claire, ce manga ne brille pas par ses brèves séquences d'action un peu brouillonnes, ni par ses designs un peu plus rigides voire impersonnels (prenez typiquement le design de Mami, normalement très identifiable: dès qu'il y a des plans très rapprochés sur son visage et donc que l'on ne voit plus sa coiffure emblématique, on n'a pas l'impression que c'est elle). L'ensemble n'est pas désagréable du tout, mais peine à faire ressortir une part du charme propre à la licence PMMM.
A l'arrivée, Meian a beau soigner son édition (jaquette fidèle à l'originale nippone et rehaussée d'un vernis sélectif, première page en couleurs sur papier glacé, qualité de papier et d'impression convaincante malgré une légère transparence, lettrage propre d'Elodie Baunard, et très bonne traduction d'Angélique Mariet qui connaît bien cet univers puisqu'elle oeuvre sur les manga PMMM depuis l'arrivée de la licence chez Meian), le résultat est en demi-teinte pour ce premier tome. Malgré la perspective intéressante sur le papier, les enjeux propres à la quête de Mami peinent un peu à décoller, visuellement il y a des limites, et surtout l'abandon apparent de la série au Japon ne donne vraiment pas confiance.