Made in Heaven - Ako Shimaki Vol.1 - Actualité manga
Made in Heaven - Ako Shimaki Vol.1 - Manga

Made in Heaven - Ako Shimaki Vol.1 : Critiques

Boku no rinne

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 18 Octobre 2018

Le catalogue WTF ?! des éditions Akata, comme son nom l'indique, est un merveille de pépites absurdes et délirantes, avec souvent un petit fond de satire sociale. En ce début d'automne 2018, un nouveau titre entre dans les rangs de cette collection : Made in Heaven, une série toujours en cours au Japon avec six tomes au compteur pour l'instant. La mangaka à l'origine du titre, nous la connaissons bien. Ako Shimaki est reconnue pour ses romances et publiée chez nous depuis un certain temps, depuis Sous un rayon de lune aux éditions J'ai Lu. Depuis, il y a eu Le chemin des fleurs ou encore Secret Girl... C'est donc une toute autre facette de l'autrice que nous font découvrir les éditions Akata avec ce shôjo plus que surprenant, attestant à lui seul l'une des grandes volontés de l'éditeur qui est de prouver toute la richesse de ce type de parution qui ne se limite pas aux romances scolaires mielleuses...

Mangaka, Atsurô Nogi est totalement désintéressé des relations amoureuses et du sexe. Pourtant, son éditeur lui demande d'inclure des scènes beaucoup plus tendancieuses dans son œuvre en cours, chose qui pourrait poser problème à cet auteur qui n'a aucune connaissance du sujet. Pour son manga, inspiré par un rêve qu'Atsurô a fait récemment, son éditeur lui envoie une nouvelle assistante : Kanade Murofushi, dont la beauté n'a d'égale la taille incroyable de sa poitrine, si bien que même Atsurô est impressionné ! Pour lui, son assistante peut servir de modèle idéale pour les scènes frivoles qu'il doit inclure dans son œuvre... Mais ce dont Atsurô n'est pas conscient, c'est que Kanade a fait le même rêve que le mangaka, et pour cause : Eiken et Yai, les deux personnages du rêve vivant une attirance physique forte l'un pour l'autre, sont les vies antérieures des deux concernés... C'est donc bien de son existence précédente qu'Atsurô tire son inspiration, et c'est en s'aidant de son assistante qu'il dépeint sans le savoir cette vie d'autrefois !

Sacré bazar qu'est le synopsis de Made in Heaven, tout à fait à l'image de ce premier tome qui constitue une succession d'événements tous plus abracadabrants les uns que les autres. En partant d'un pitch qu'on voit de plus en plus ces dernières années, celui d'un auteur d’œuvre coquine totalement désintéressé du sexe et des romances (point de scénario qui fait d'ailleurs écho à (A)romantic Love Story, toujours chez Akata), Ako Shimaki parvient à livrer un tite humoristique totalement débridé où la seule limite de l'humour sera la frontière où osera se risquer la mangaka. A ce titre, le synopsis de la quatrième de couverture (et même celle de cette chronique) en dit déjà beaucoup sur l'intrigue déjantée que développe ce premier opus. La première surprise vient justement d'un pitch basique qui dévie très rapidement dans une narration au rythme rocambolesque. Car le quotidien d'Atsurô tourne vite au vinaigre avec l'entrée en scène de Kanade dans sa vie, tandis le volume jongle entre ces phases de travail « passionné » où l'assistante sert de cobaye humain à l'auteur et les phases narrant la vie antérieure des personnages, qui constitue aussi le manga dépeint par le protagoniste. Une mise en abîme totalement délirante qui donne une forme et un rythme endiabler à ce premier opus, l'idéal pour pousser loin les sketchs d'Ako Shimaki.

Et c'est dans les nombreuses séquences de la vie précédente des personnages que le récit montre toute sa saveur. L'autrice nous livre ainsi une sorte de triangle amoureux totalement débridé où le moine Eiken est la proie corporelle de Yai, cette jeune femme recueillie par le religieux, et son collègue fortement épris de lui. Une situation délirante au possible qui prend rapidement des proportions inouies au fil de l'avancée du tome. Car pages après pages, cette vie antérieure se mêle à celle du présent, les rivalités d'autrefois refont face dans ce quotidien moderne, aboutissant à tout un tas de situation improbable... et forcément savoureuses aux yeux du lecteur. Il est clairement difficile d'envisager la page suivante du récit tant l'autrice a l'art de mener la situation là où on ne s'y attend pas, à grand renfort de gags qui s'appuient sur les caractères improbables des trois figures centrales. Au final, tout devient si improbable qu'il est difficile de dire si le manga que dépeint le protagoniste correspond exactement à ce qu'il s'est passé autrefois, mais c'est justement ce délire organisé qui rend ce premier tome jouissif.

On notera aussi que Made in Heaven s'inscrit dans le cadre de la satire sociale. Dès les premières pages, il est question d'un mangaka désintéressé de l'amour et des relations charnelles qui doit justement dépeindre une œuvre aux relents coquins. Une manière de s'intéresser aux individus qui ne voient pas d'intérêt dans les relations sentimentales et sexuelles, bien que le thème soit ensuite relégué au second plan. Néanmoins, la suite pourrait très bien développer cette idée qui est l’essence même de l'intrigue de la série.

Enfin, comment ne pas évoquer la patte visuelle d'Ako Shimaki, précise, chaleureuse et décalée dès qu'il s'agit de faire de la mise en scène ? L'identité « shôjo » de la mangaka est très présente, mais ce n'est pas ce qui ressort le plus de l'aspect visuel de Made in Heaven. C'est bien la manière qu'a l'autrice d'exprimer son humour par la narration et les différents plans de case qui s'avère remarquable. Dans ce premier tome, tout est osé et dépeint dans l'excès, de manière à ne jamais prendre le titre au sérieux et à crédibiliser sa portée absurde. La couverture, merveille de débilité, en est la preuve, et le lecteur comprend assez vite à quoi il s'attaque.

Côté édition, Akata nous livre une nouvelle très bonne copie : un papier fin mais de qualité, et une traduction particulièrement vivante signée Marie-Saskia Raynal.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs