Lunatic lover's : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 12 Juillet 2011

Lunatic Lover's regroupe 6 histoires courtes de Suehiro Maruo toutes parues entre 1988 et 1993. Avec ce recueil, l'auteur abandonne le genre de l'ero-guro qui fait pourtant sa renommée pour nous proposer des récits tout de même assez dérangeants. Le point commun entre ces 6 histoires est l'attrait du personnage pour la mort. Selon les nouvelles, ce thème est abordé de différentes manières.
 
Hôichi-sans-oreille est la première histoire. Celle-ci est composée de deux parties. Hôichi Koizumi est un lycéen rencontrant des problèmes auditifs. Le jeune homme est secrètement amoureux de l'une de ses camarades de classe et se passionne pour la chanson. Hôichi va se voir repousser par sa camarade et les vivants en général, et, dans un même temps, accepter par les morts.
L'auteur revisite le conte traditionnel japonais éponyme de manière morderne et personnelle. Ce premier récit nous donne d'emblée le ton du manga. Ce sera gore et fantastique. L'idée de voir un adolescent, dérangé à la base, sombrer de plus en plus dans les abysses de la folie est réjouissante. Seulement Hôichi-sans-oreille manque de clarté. Dans cette histoire, les évènements s'enchaînent trop vite. Ajouté à cela, la part de fantastique proposée ici tend à rendre la narration trop confuse. On a du mal à comprendre tout ce qu'il se passe.
 
La seconde histoire s'intitule La troupe du Paradis. Un groupe de 6 forains est hanté par le fantôme de l'un des leurs. Celui ci s'amuse à faire des farces à ses anciens compagnons. Il va même jusqu'à leur faire boire son urine, ce qui mettra les membres de la troupe du Paradis dans un état de folie.
Une nouvelle fois, Suehiro Maruo déçoit. Cette très courte histoire paraît anecdotique et ne suscite aucun intérêt. Ce second récit n'est pas abouti. Les motivations du fantôme paraissent peu claires et on a vraiment du mal à comprendre comment l'urine de ce dernier peut provoquer des hallucinations aux membres de la troupe. Reste que le talent narratif de l'auteur et bien là. Les pages se tournent rapidement et la lecture est agréable.
 
Le philosophe dans le grenier constitue la troisième histoire du livre. Dans ce court récit, un jeune homme prend un plaisir pervers à épier, du grenier, sa voisine enceinte. Cette dernière donne naissance à son enfant et le tue aussitôt avant de l'abandonner dans son grenier. Ainsi démarre un jeu macabre entre les voisins.
Enfin Suehiro Maruo nous offre une histoire compréhensible. Le philosophe du grenier a aussi le mérite de bien remuer le lecteur. Les scènes représentant le cadavre du bébé sont insoutenables. En l'espace de seulement 7 pages, l'auteur a su redonner de l'intérêt à son recueil.
 
L'histoire suivante a pour titre Les sourcils rouges. Tout comme Le philosophe du grenier ce récit met en scène un jeune homme épiant d'autres personnes. Ici, Bashun, un domestique, a creusé un trou sous le plancher afin d'espionner le maître du domaine et une servante durant leurs ébats sexuels. Un fois découvert, il fut exécuté par son maître. C'est à ce moment qu'il lança un semblant de malédiction à l'encontre de ce dernier.
Comme la précédente, cette histoire est relativement courte puisqu'elle est dessinée en 6 pages. De ce fait, Les sourcils rouges manque cruellement d'intérêt. L'auteur use de facilités dans son scénario et ne développe pas assez son récit. On en vient à se demander comment le jeune Bashun arrive t-il à creuser un tunnel de sa chambre à celle de la servante sans se faire remarquer.
 
La cinquième histoire se déroule en deux parties et s'intitule Le docteur chien-dieu. Barbarossa, un berger allemand, agresse un écolier qui s'était disputé avec son jeune maître qui répond au nom d'Osamu Koga. Le père de la victime accuse l'enfant à qui appartient Barbarossa d'avoir donné au chien l'ordre d'attaquer. Soucieux de l'avenir de son chien, Osamu décide d'aller le cacher. C'est à partir d'ici que commence cette histoire se déroulant au sein de la famille Koga.
Tout d'abord, il faut savoir que Le docteur chien-dieu était prévu en 40 pages par Suehiro Maruo. Seulement le magazine SM Spirits n'a publié que les 30 premières pages. On assiste donc à un récit dépourvu de fin. Ensuite, même si l'histoire démarrait bien et au bout de juste quelques pages, le chien, jusqu'alors le fil conducteur du récit, disparaît définitivement de l'histoire. C'est assez déroutant et on ne comprend plus très bien le sens du titre. Peut être que Suehiro Maruo avait prévu son retour dans les dernières pages ? On ne le saura pas. Avec Le docteur chien-dieu, on pourra faire le même reproche que pour Hôichi-sans-oreille, à savoir que les différentes scènes se suivent trop vite et de manière peu claire. Mis à part le personnage d'Osamu Koga, il sera difficile de trouver des liens entre la première et la seconde partie. L'histoire se conclut sur un cliffhanger des plus frustrants donc, puisque que nous ne verrons jamais la fin.
 
Enfin la dernière histoire se nomme Ville sans défense. L'histoire se déroule à Tokyo en 1946 durant l'occupation américaine. Setsuko vit dans la pauvreté avec Hikaru, son fils. Elle attend le retour de son mari parti à la guerre. Alors qu'elle est assise dans la rue devant son étalage, un homme, se nommant Hirai, propose à Setsuko et Hikaru de quoi se nourrir. La jeune femme  est obligée d'accepter. Le problème est que Setsuko pense que Hirai propose son aide pour obtenir d'elle des faveurs sexuelles. Et le charitable Hirai n'est pas au goût de Setsuko. Au contraire même, il la dégoutte.
Ville sans défense est le principal récit de Lunatic Lover's. Même s'il n'est composé que d'une seule partie, Ville sans défense constitue près de la moitié du livre. Autant dire qu'il est le principal intérêt du manga. C'est aussi l'histoire la plus développée et la plus aboutie. Suehiro Maruo nous pond une histoire dérangeante sur bien des points. Tout d'abord, le contexte. Ville sans défense se passe durant l'occupation américaine du Japon. Cette période est source de traumatisme pour les japonais. L'auteur nous présente des locaux, vivant dans la pauvreté, acculés par les soldats américains. Ensuite l'auteur va nous présenter un homme prêt à tout pour séduire une femme qu'il dégoutte. Entre ces deux personnages, l'ambiance est pesante. Ensuite l'auteur ne manquera pas d'écœurer le lecteur par des scènes aussi gores qu'ingénieuses. On assiste ainsi à l'élément central du manga.
Malgré l'irrégularité de la qualité des histoires, le trait de l'auteur ne change pas d'un récit à l'autre. Le dessin est l'un des points forts de Suehiro Maruo. Le style de l'auteur est vieillot et très agréable. A travers les expressions de ses personnages, on ressent leurs sentiments: l'envie, la peur, le dégout, tout est parfaitement maitrisé. Les décors, vraiment agréables, accentuent l'impression d'avoir à faire à une oeuvre des années 50. On regrettera néanmoins que  les scènes fantastiques soient extrêmement confuses.
 
Côté édition, on remarquera que la couverture de Lunatic Lover's est en sens français. Mais, surprise, une fois le livre ouvert, l'histoire est publiée en sens original. C'est assez déroutant. Pour 19 euros, Le Lézard Noir nous offre une œuvre de qualité. En lui même, Lunatic Lover's est un bel ouvrage. Le papier, épais, est très appréciable. La traduction est aussi bonne. Malheureusement, on notera de nombreux problèmes de lettrage tout au long du one shot. Le fait que les dialogues sortent des cases n'est pas vraiment gênant, mais au prix que coute le livre, on est en droit de s'attendre à une édition dépourvue de reproche, surtout d'aussi visibles.
 
Lunatic Lover's est un manga très gore réservé à un public adulte averti. Même si ces différentes histoires se déroulent dans un environnement traditionnel, on est loin de l'horreur à la japonaise comme la pratique Junji Ito par exemple. Ce manga à la qualité variable ravira les fans de l'auteur. Néanmoins, il n'est pas l'idéal pour commencer à lire du Suehiro Maruo. Dans ce cas, débuter par une histoire complète telle que La jeune fille aux camélias ou Vampyre serait préférable. 


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
jojo81
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs