Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 20 Septembre 2022
Voici déjà quelques années que l'on a découvert en France, aux éditions Kana, la dessinatrice Aruko tout d'abord avec l'excellente romance Mon Histoire, puis avec deux recueils d'histoires courtes inscrites dans l'anthologie Short Love Stories. Depuis, il faut avouer qu'ici on attendait avec une certaine impatience le retour en France de cette artiste, qui n'a pas son pareil pour offrir un rendu aussi doux qu'expressif dans ses designs, pour un résultat ayant souvent de quoi laisser gaga. Et cet espoir se voit enfin comblé grâce aux éditions Akata qui, en tout début de mois, ont lancé dans notre pays Love Mix-Up ! De son nom original Kieta Hatsukoi (littéralement "Premier Amour Perdu"), l'oeuvre est la toute dernière en date d'Aruko, la dessinatrice s'étant associée cette fois-ci, pour le scénario, à Wataru Hinekure dont ça a été le tout premier manga. De juin 2019 jusqu'à très récemment, à savoir cet été 2022, la série fut l'un des fers de lance du célèbre magazine Margaret des éditions Shûeisha, dont elle a été un important succès, si bien qu'un drama a vu le jour au Japon l'an dernier, et qu'elle a empoché plusieurs récompenses: en 2020 elle reçoit le Grand Prix du « Ebook Japan Manga 2021 », en 2021 elle est en neuvième position du classement « manga féminin » du « Kono Manga ga sugoi », et en janvier 2022 elle est élue « Meilleur Shôjo » lors des 67e Shogakukan Manga Awards.
Love Mix-Up démarre dans un lycée japonais lambda, où le jeune Aoki se languit secrètement d'amour pour sa voisine de classe Hashimoto, qui lui apparaît parfaite en tous points: mignonne à souhait, attentionnée, douce, mais également fidèle à sa personnalité, elle apparaît comme un ange aux yeux de l'adolescent, et on le comprend tant elle a des airs adorables. Et c'est précisément lors d'un des nombreux moments de gentillesse naturelle de Hashimoto, qui lui prête sa gomme lors d'un examen, qu'Aoki découvre le secret de l'élue de son coeur: sur l'objet est écrit le nom d'Ida, avec un coeur... Ida ? Eh bien, il s'agit du voisin de devant d'Aoki. Un garçon beau, serviable, sérieux, qui a a priori tout pour plaire. Pour Aoki, c'est le déchirement: sa bien-aimée éprouve des sentiments pour un autre que lui ! Mais notre héros étant aussi un garçon bien plus gentil qu'il ne le pense lui-même, il se jure de préserver le premier amour de sa dulcinée en évitant à tout prix d'ébruiter son secret, elle qui est si timide qu'elle n'ose aucunement se déclarer. Alors forcément, quand Ida en personne ramasse la fameuse gomme et découvre son nom dessus, la complexe situation par un peu en cacahuète...
Difficile de parler en détails de ce premier tome sans trop en dévoiler sur le rebondissement majeur du tout début, un rebondissement qui va précisément faire tout le sel du récit sur base d'un quiproquo monumental et hilarant. On va donc soigneusement éviter de spoiler cet événement, afin de plutôt souligner toute la maestria du duo de mangakas pour lancer leur comédie romantique au fil d'un premier volume enlevé, déjà ponctué de quelques moments incontournables de toute série lycéenne (ici le festival culturel avec son lot d'activités) qui ne manqueront pas de faire sourire mais aussi d'attendrir.
Faire sourire, car sur la base du quiproquo initial les deux autrices montreront un don pour exploiter ça, essentiellement en malmenant le petit coeur de notre cher Aoki qui se retrouve plutôt tiraillé (mais pas toujours pour les raisons que l'on croit), tandis qu'à côté de lui on trouve notamment un Akkun (le meilleur pote d'Aoki) un peu léger et envahissant, et surtout un Ida si sérieux qu'il ne capte pas toujours tout. Et attendrir, car à partir de là se bâtit entre les trois personnages principaux une relation qui oscille entre l'amitié naissante et les sentiments, où les mangakas exploitent à merveille des amours adolescents qui commencent tout juste à s'éveiller au point de ne pas encore savoir qu'elle est leur orientation exacte, et où elles excellent dès qu'il faut faire ressortir toute la bienveillance de cette relation. Car entre une Hashimoto toujours attentionnés et prête à l'écoute, un Aoki qui prend le rôle de confident ou un Ida si droit qu'il ne juge pas à la hâte et sait voir le bon en chacun (en tête toute la gentillesse d'Aoki), on a des jeunes gens qui font très attention les uns aux autres, qui s'écoutent, qui communiquent sainement.
Avec en prime le dessin d'Aruko dont on a déjà vanté la mérites plus haut, Love Mix-Up se pose comme LA comédie romantique de la rentrée. Auréolée d'une très bonne réputation, la série démarre fort en sachant être à la fois moderne, drôle et maligne, pour un résultat assurément touchant et attachant. D'autant qu'un quiproquo supplémentaire vient déjà rabattre avec ferveur les cartes dans les toutes dernières pages !
Et côté édition, c'est du tout bon de la part d'Akata, en particulier grâce à la traduction enlevée, vivante et naturelle d'Aline Kukor. On soulignera aussi le soin apporté par Kelly Cotaquispe au lettrage, le papier souple, l'impression très honnête, et la jaquette pour laquelle Clémence Aresu est restée très proche de l'originale japonaise.