Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 14 Janvier 2025
Première nouveauté des éditions Doki-Doki pour cette année 2025, Lord of the Fans fut présenté par l'éditeur comme une comédie faisant se rencontrer le monde des démons et celui des idols. De son nom original "Maô ga Zutto Mite Iru" (littéralement "Le Roi Démon veille toujours" ), cette série en cinq volumes a été prépubliée au Japon en 2022-2023 dans le magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan. On y retrouve au scénario Hiroshi Noda, déjà connu en France pour l'histoire de No longer allowed in another world publié par Kana, et on y découvre au dessin Masayasu Fukushima qui signe là la quatrième série de sa carrière.
Dans un monde de fantasy, on suit ici l'éternelle lutte entre les humains et les démons, les héros humains étant particulièrement vénérés par leurs pairs de par la vaillante mission qu'ils se sont confiée... et cela, même si Reynolds, le nouveau roi démon et troisième fils de la famille Draculos, n'a jamais voulu se retrouver là ni mener la guerre ! Doté d'un intellect et d'un mana si forts que ça l'a propulsé sur le trône à l'insu de son plein gré, il fait la fierté de sa mère qui, en plus de lui chercher un bon parti pour le mariage, est persuadée qu'il surveille constamment les humains à des fins machiavéliques. Mais la réalité est tout autre: Reynolds trouve la charge de roi démon éprouvante entre les exigences d'extermination, de mariage et de descendance, lui qui déteste tout ce qui relève de la violence, du sang et du coït. Alors, pour fuir un tant soit peu son quotidien de souffrance, il s'est pris de passion pour une jeune humaine prénommée Ellie... qui n'est autre que la nouvelle héroïne humaine déterminée à le faire tomber ! Jour après jour, le roi démon admire secrètement sa ferveur et sa façon de tout donner dans sa mission, de haut de son petit gabarit et avec sa bouille toute mignonne. Avec son oeil démoniaque, il l'observe constamment et ne loupe aucune de ses péripéties, tout en veillant à ne pas être trop intrusif. Et gare à ceux qui oseraient lui mettre des bâtons dans les roue, car Reynolds n'hésitera jamais à protéger et à faire aller de l'avant celle qui a pourtant pour mission de l'abattre !
Après No longer allowed in another world où il s'amuse à détourner les clichés de l'isekai par l'intermédiaire d'un héros romancier dépressif directement inspiré d'Osamu Dazai, Hiroshi Noda récidive donc dans l'humour un peu parodique, en reprenant à sa manière les grosses ficelles des histoires de lutte entre humains et démons pour y ajouter des éléments propres aux idols. Et pour le moment, ça marche plutôt bien, notamment parce que, à l'instar de Reynolds qui devient complètement fan de celle qui est censée l'éliminer, il semble assez difficile de résister aux aspects les plus attachants d'Ellie, jeune héroïne qui reprend tous les clichés d'une idol: toute mignonne, pleine de ferveur et de persévérance, ayant facilement des mots très encourageants même envers ceux qui lui mettent initialement des bâtons dans les roues, poursuivant vaillamment son rêve malgré les inquiétudes de sa famille qui voudrait une autre vie pour elle, elle regroupe un peu tout ce qui fait que des fans d'idols ont eux-mêmes envie d'encourager leur égérie, la situation étant facilement rendue rigolote à la fois par le fanatisme que lui voue notre démoniaque héros et par quelques personnages secondaires bien campés (coucou la très drôle Sailor, secrétaire feignasse qui ne s'en cache pas), tandis que le dessinateur mais tout ceci en images avec clarté, en jouant surtout sur des designs pas spécialement originaux mais soignés.
Mais sur ces bases sympathiques, il reste à voir ce que le scénariste compte exactement développer par la suite, dans la mesure où ce premier tome se contente surtout de petites péripéties très vite vues et se réglant facilement. Il faut espérer que Hiroshi Noda ne se contente pas d'un schéma trop simple et redondant, et qu'il parvienne à faire évoluer les choses derrière son concept après ce tome de mise en place. Tout en sachant que, s'il s'avérait que ce n'est pas le cas, le risque de lassitude serait amoindri par la brièveté de la série, qui est achevée en cinq volumes.
En attendant de voir ce qu'il en sera, ce premier opus de Lord of the Fans se suit avec un certain plaisir. L'idée de base prête immédiatement à sourire, les éléments comiques font généralement assez bien mouche, le rendu visuel est bien calibré... Affaire à suivre, donc, pour cette courte série qui pourrait facilement gagner en capital-sympathie.
Côté édition, enfin la copie de Doki-Doki est excellente: jaquette soigneusement adaptée de l'originale japonaise avec un logo-titre bien pensé, traduction très efficace d'Arnaud Delage, lettrage propre de la part de Jean-François Leyssène, papier à la fois assez souple et épais, et très bonne qualité d'impression.