Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 12 Décembre 2024
Chronique 2 :
Rongé par la culpabilité, Haruaki avoue ses méfaits et expie son état de perdition. Sous les yeux des camarades qu'il a voulu assassiner, il tente de mettre fin à ses jours. Mais c'est sans compter la détermination de Mizuki à en réchapper avec l'ensemble des survivants, aussi la jeune fille attrape la main de son ami au moment fatidique...
Avec ce sixième tome, nous voici déjà à la fin de "Limit", le drame de survie de Keiko Suenobu qui, avouons-le, aurait mérité d'être un peu plus long. La série se prêtait totalement à une composition plus dense, et ce dernier volume, aussi bon soit-il, nous guide vers cette impression.
Ainsi, le sort réservé à Haruaki dirige le récit vers son dénouement, une fin qui ne relève finalement que de l'envie de la mangaka d'apporter des secours à ses personnages survivants. Sa décision semble alors guidée par l'idée que l'autrice a dit ce qu'elle avait à dire autour de ses protagonistes, et mené ses thématiques là où elle l'espérait. Un constat qui se tient puisque, effectivement, ce dernier volume apporte quelques derniers déboires qui donnent des résolutions aux différents arcs de personnages. Tous ressortent changés de cette aventure tragique, à commencer par Mizuki qui assume un vrai statut d'héroïne, là où Chieko accepte le soutien d'autrui et qu'Arisa renonce à ses idées de vengeance sociales. Il est clair que jusqu'au bout, Keiko Suenobu a tenu à développer cette fine équipe, dans leurs individualités comme dans leur très fragile union. Au terme de la lecture, il en ressort un constat globalement satisfaisant de ce côté, même si ce dernier tome n'est pas exempt de facilités. On reprochera, par exemple, la stature quasi parfaite de Mizuki, elle qui a pourtant des choses à se reprocher vis-à-vis d'Arisa tandis que cette dernière aurait mérité de vraies excuses. Il est possible que la mangaka voulait ne pas mettre le harcèlement scolaire au premier plan de son scénario, elle qui est à l'origine du très bon "Life", mais un juste milieu était possible.
Malgré ça, le dénouement proposé se révèle prenant et riche en diverses émotions, bien que certaines petites surprises soient assez prévisibles (un gros indice sur l'un de ces rebondissements est donné depuis l'opus précédent sur la page de présentations des personnages). La fin est honnête, pleine d'espoir et jamais larmoyante, ce qui achève le périple des survivants du lycée Hino sur un bel équilibre. Si on enlève le côté expéditif de certains éléments de l'ensemble du récit, il n'y a rien à reprocher à cette conclusion qui se tient. De bout en bout, "Limit" aura donc su nous convaincre, certes sans être parfait, mais résulte du travail d'une mangaka impliquée et sans cesse prise de remises en question, comme elle nous le prouve dans les quelques mots de sa préface. Alors, on acceptera volontiers de légères irrégularités comme la marque de la progression de l'autrice qui ne renonce jamais à son optimiste. Aussi, on espère bien revoir Keiko Suenobu être publiée dans nos contrées. Répétons-le encore : C'est le moment opportun pour publier de nouveau "Life" en version physique, surtout à l'heure où parler du harcèlement scolaire et ses dégâts est plus important que jamais !
Chronique 1 :
Maintenant que la vérité a été levée sur la mort d'Usui et sur les actes de Hinata, la situation reste très critique: Kamiya est gravement blessée au dos et sa blessure pourrait vite s'infecter, Morishige est perdue dans ses tourments intérieurs, et Hinata lui-même, accablé par les remords, vient de se jeter dans le vide. Pourtant, alors que tout semble perdu, Konno refuse cette issue dramatique: désireuse de voir le bon chez autrui, elle est déterminée de ramener ses compagnons d'infortune en vie auprès de leurs proches...
Limit s'achève avec ce sixième et dernier tome, au fil de rebondissements qui restent tantôt un peu gros (l'hélicoptère qui apparaît au moment opportun), tantôt un peu idiots (ce que fait Konno au pont), tantôt légèrement difficiles à digérer (on pense là surtout à ce que dit un certain personnage en page 148, un brin indigeste quand on se rappelle qu'il a failli faire à Konno). Et pourtant, au-delà de ces derniers rebondissements parfois un petit peu maladroits, en réalité on voit enfin Keiko Suenobu nous satisfaire plus concrètement dans Limit.
Cette réussite permettant de compenser les quelques petites lacunes, on la doit notamment à certains moments de suspense classiques mais plutôt bien gérés (notamment au sujet de la blessure de Kamiya qui sonne comme un compte à rebours pour elle), qui entretiennent bien la curiosité quant à la survie ou non de chacun(e). Mais c'est avant tout dans ses sujets de prédilection autour du harcèlement, de ses méfaits, de la détresse psychologique et de la valeur de la vie que l'autrice brille enfin pleinement: maintenant que ses plutôt moyens événements "survival" sont réglés pour la plupart, elle se consacre soigneusement à cristalliser les évolutions humaines de chacun de ses personnages qui font le point. Hinata fait face à ses remords, Morishige se confronte à ce que son père lui fait subir et à ce qu'elle a elle-même fait subir aux autres, Kamiya se demande si elle s'est vraiment comportée de la bonne façon jusque-là... et pour ça, ils peuvent compter sur le soutien nouveau d'une Konno qui aura joliment changé au fil de la série: en ayant pris conscience des limites qu'elle s'est longtemps imposées, simplement pour ne plus souffrir ou se heurter à des murs. Les messages que la jeune fille véhicules sont aussi simples qu'humains et vrais. Tout le monde commet des erreurs, l'important étant de saisir les occasions de se rattraper. Tout le monde peut souffrir intérieurement, et c'est là qu'il faut oser faire face, s'exprimer et se confier. Arrêter de choisir la facilité est quelque chose de difficile, mais c'est aussi comme ça qu'on avance et que l'on vit réellement. Tout simplement, Keiko Suenobu, au bout de son éprouvante histoire, livre un cri d'amour envers la vie et l'entraide qui sonne fort, car son dessin hyper expressif et ses dialogues sans détours l''accompagnent bien.
A l'arrivée, la série a beau s'être montrée inégale et afficher encore des petites lacunes dans ce dernier volume, on ne peut nier que Keiko Suenobu lui offre une dernière ligne droite suffisamment aboutie dans les évolutions de ses personnages et, surtout, dans la mise en avant des thématiques humaines et sociales qui occupent depuis toujours sa carrière. On restera donc sur une bonne impression globale grâce à ce dernier tome très satisfaisant à sa façon !