Limbo Vol.1 - Manga

Limbo Vol.1 : Critiques Un monde déformé

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 11 Juillet 2023

Après les très beaux one-shot "tranche de vie" Alter Ego et Sirius, l'autrice espagnole Ana C. Sanchez a fait son retour aux éditions Glénat en juin avec ce qui est à la fois sa toute première série longue et son tout premier shônen: Limbo, qu'elle publie en Espagne depuis 2021 pour le compte de l'éditeur Planeta S.A.

On découvre ici Aurora Edelweiss, une jeune fille qui vit seule et qui, à presque 16 ans, a toujours eu en elle l'étrange don de voir les esprits de personnes défuntes, voire même d'interagir avec eux. Autrefois, cela lui a posé bien des problèmes, et même encore aujourd'hui elle reste quasiment solitaire si l'on excepte son amie d'enfance Nadine, et elle est vue par beaucoup de ses camarades de classe comme une illuminée qu'ils surnomment "SOS Fantômes". Alors par défaut, plutôt que de continuer à vivre avec le poids de ce pouvoir, elle a choisi de l'utiliser pour enquêter sur les phénomènes surnaturels que des clients lui rapportent. Certes, sa petite affaire a parfois des allures d'arnaque avec ses grigris qui n'en sont pas, et la plupart des affaires qu'on lui propose n'ont en réalité rien de fantastique. mais il arrive parfois qu'elle se retrouve bel et bien face à des situations surnaturelles, ce qui lui permet aussi d'enquêter sur de mystérieux objets dont elle a entendu parler: les "essences de l'âme", des objets spirituels nommés si importants que s'ils tombaient entre de mauvaises mains les conséquences seraient catastrophiques.

Un jour, alors qu’elle tombe sur un monstre terrifiant et qu’une inconnue s’interpose, Aurora est projetée dans les Limbes, lieu mystérieux à la frontière de la mort, où elle rencontre un mystérieux enfant Orion, qui n'a apparemment aucune idée de son identité exacte. Toutefois celui-ci, après lui avoir révélé ce que sont exactement les "essences de l’âme" et les monstres, passe un pacte avec elle: Orion loge désormais dans son esprit et lui permet manipuler à volonté son énergie spirituelle pour affronter les monstrueux onirios, des bêtes nées des ténèbres de l'âme humaine qui résident à la frontière de la mort. La jeune fille espère ainsi récupérer les "essences de l'âme" qu'elle semble convoiter pour une raison mystérieuse, mais elle va vite se rendre compte qu'en faisant ça elle se met en concurrence avec les Anges, des êtres non-humains venus d'ailleurs. Et quand elle découvre que Lieza, l'une de ces Anges, est une de ses camarades de classe, c'est le début d'une relation entre rivales ambigüe.

La lecture du premier tome de Limbo demandera peut-être un petit effort pour adhérer au récit dans les premières dizaines, non seulement parce que sur le coup les bases du récit ne semblent rien avoir de spécialement originales (une fille dotée de pouvoirs combats des monstres dans diverses affaires, en gros), mais aussi parce que les premiers temps du récit sont vraiment très bavards et installent toutes les bases du concept de manière un peu poussive. Néanmoins, on sent également assez vite que Limbo a le potentiel pour se dépêtrer du simple manga d'action surnaturel, et ça se confirme à petites doses, avec assez vite de premières interrogations qui arrivent: Pourquoi Aurora vit-elle seule , Qu'est-il arrivé à ses proches ? Qu'a-t-elle vécu ces derniers mois qui semble l'avoir beaucoup affectée ? Pourquoi recherche-t-elle les "essences d'âme" ? Et, surtout pourquoi est-elle si solitaire, au point d'affirmer qu'elle n'a plus aucune confiance en l'humanité ?

Si la suite du tome prend un schéma assez classique avec de premières petites affaires paranormales à régler et des concepts simples mais efficaces comme les distorsions, cela permet surtout à Ana C. Sanchez de développer les différents autres aspects de son oeuvre, qui tournent beaucoup autour des personnages en eux-mêmes. On découvre petit à petit le passé tourmenté, assez tragique et même parfois vraiment dur d'Aurora sans que l'autrice n'ait besoin d'en faire trop, et de ce côté-là elle distille vraiment bien ses bribes d'informations pour toujours maintenir notre curiosité. En filigrane, c'est aussi sa relation d'amitié avec Nadine qui se développe, et pas forcément de manière attendue, surtout au vu des toutes dernières pages qui semblent aborder les limites de cette amitié par le prisme du mal-être d'Aurora, jeune fille qui, pour des raisons valables, a décidément beaucoup de mal à accorder sa confiance aux autres. Enfin, l'un des aspects clairement voués à gagner en importance au fil des pages est le lien à part que notre héroïne risque de bâtir avec Lieza, cette Ange censée être sa rivale mais qui devrait visiblement transcender ce simple statut, de manière d'autant plus intéressante que Lieza elle-même montre déjà des zones d'ombre elle aussi (quel est son état de santé exactement ?), et qu'elle montre une personnalité quelque part opposée à celle d'Aurora: alors qu'Aurora est une humaine qui déteste l'humanité, Lieza est une Ange qui hait son statut d'Ange et qui semble réellement aimer les humains. De quoi nous promettre un rapport nuancé autour des humains, de leurs tares, de leurs limites, mais aussi, peut-être à travers Lieza, de ce qu'ils peuvent avoir de beau

Visuellement, si l'on reconnaît assez bien la patte d'Ana C. Sanchez, il va de soi que l'autrice, pour s'adapter au style shônen, s'éloigne un peu de ce qu'elle faisait dans Alter Ego et Sirius: son découpage se veut plus dynamique, ses cases souvent plus petites, et sont rait un peu plus fin et moins doux/ronds afin d'amener une vivacité supplémentaire. Le look de chaque personnage humain s'avère soigné, en particulier celui d'Aurora bien sûr, tandis que les designs plus monstrueux restent plus standard en dehors d'Orion avec ses allures de mascotte en peluche. Enfin, si les décors sont généralement classiques, quelques originalités sont à chercher quand l'autrice met en scène les distorsions, afin de bien appuyer l'ambiance particulière de ces moments-là.

A l'arrivée, après des premières dizaines de pages pouvant éventuellement être un peu lourdes à lire, Limbo trouve bien ses marques au fil d'un épais premier volume de 260 pages qui se fait de plus en plus prenant au rythme des développements de personnages. On attendra alors avec curiosité la suite de ce récit qui, globalement, est assez prometteur !

Côté édition, si l'on excepte quelques pages très dures à lire en fin de tome (du texte blanc sur fond noir mal imprimé), c'est de qualité honnête. Le papier est souple et peu transparent, les huit premières pages en couleurs sur papier glacé sont un joli plus, le lettrage d'Asian Quest est propre, la traduction depuis l'espagnol par Anne-Sophie Thévenon est claire, et la jaquette est à la fois sobre et jolie.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs