Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 20 Septembre 2024
Calmement, Seiichi a suivi jusque-là tout ce que Seiko, sa mère, avait enfin à lui confesser sur sa vie et sur tout ce qu'elle a enduré, au fil d'un éprouvant et impressionnant 15e tome dont la fin nous laissait sur un moment crucial de ces confessions: le moment où elle avait précipité dans le vide ce fils qu'elle s'était pourtant juré de choyer, avant de récidiver quelques années plus tard avec Shige. C'est là la dernière étape de ce que la femme désormais âgée avait à affirmer, dans un élan de lucidité qu'elle ne semblait plus avoir depuis longtemps.
Cette dernière étape, Shuzo Oshimi la mène à nouveau à merveille sur le plan visuel, entre son rendu crayonné assez net qui souligne bien l'importance de ces souvenirs difficiles dans l'esprit de Seiko, sa manière de montrer que ce passé la hante encore, et des trouvailles géniales et hypnotiques à commencer par le moment où Seiko est présentée comme une enfant à côté de son fils adulte, métaphore assez puissante de sa perte de repères, de son immaturité et de son échec en tant que mère sur qui se reposer. Le mangaka frappe alors très fort, à nouveau, dans un tout début de volume dont il reste désormais à découvrir les conséquences. Car après ça, que fera Seiichi vis-à-vis de cette femme ?
Alors que le temps passe, que la routine reprend et que notre héros semble enfin faire la paix avec certains des derniers tourments profonds de son passé (on pense ici à Shige), c'est un certain événement qui va précipiter à nouveau d'inévitables retrouvailles mère/fils, dans un contexte encore différent où Seiichi comprend bien qu'il ne peut échapper au lien du sang: après une jeunesse où Seiko s'est occupée (avec tous les soucis que l'on connaît) de lui, c'est au tour du fils de s'occuper d'une mère devenue incapable de s'occuper d'elle-même toute seule.
Shuzo Oshimi enchaîne alors les scènes d'un réalisme éprouvant, montrant de manière difficile les ravages de la vieillesse, et nous laissant longtemps sur une interrogation: dans la mesure où pendant des dizaines de pages le mangaka ne propose aucune pensée/introspection sur son personnages principal pendant qu'il s'occupe de sa mère, que peut-il bien ressentir en faisant tout ça ? C'est à travers le retour progressif de métaphores visuelles saisissantes qu'on le devine petit à petit, jusqu'à des dernières pages hautement intrigantes quant à ce qui attend, dans le 17e et dernier tome, ce duo mère-fils si lié, jusque dans sa pire toxicité, par ce qu'ils ont vécu.