Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Juin 2023
Seiichi pensait n'avoir fait qu'un long cauchemar dans lequel il tuait son alter ego enfantin en le poussant dans le vide. Et pourtant, le lendemain matin, tandis qu'il constate que ses bottes et son manteau sont humides, la police vient le voir à la maison pour l'interroger sur la disparition soudaine de Shigeru en pleine nuit. Calmement, comme s'il était en partie déconnecté de toute cette situation, il guide alors les policiers jusqu'au belvédère, et indique en contrebas l'endroit où il affirme s'être tué lui-même. Là, sous la neige, est retrouvé le corps sans vie de son cousin...
Après un 11e volume particulièrement brillant sur tous les plans (le rendu visuel et narratif, la profondeur psychologique d'un Seiichi instable, son rapport à sa mère le hantant toujours, la maestria de l'auteur pour nous déstabiliser...), on retrouve alors, ici, un Seiichi emprisonné dans sa petite cellule du centre de détention provisoire, en attendant son jugement au tribunal après avoir passé différents interrogatoires. Mais au fil des rencontres avec les enquêteurs et de son avocat, un constat s'impose en permanence, tout comme c'était déjà le cas dans le volume précédent: tout semble désormais glisser sur l'adolescent. Il a le visage en permanence neutre voire éteint, il refuse de parler, il n'a que faire des questions qu'on lui pose, et quand il parle c'est pour dire des choses qui ont de quoi dérouter son entourage, par exemple quand il affirme que Shigeru est mort pour rien car il pensait se tuer lui-même. On le sent bien, le jeune garçon perd contact avec la réalité, et c'est d'autant plus visible qu'Oshimi soigne très bien son rendu visuel pour nous le faire ressentir, en offrant un gros contraste entre d'un côté les moments de vie dans le centre qui sont dessinés avec réalisme et sobriété et où Seiichi ne parle et n'écoute quasiment pas, et de l'autre côté les scènes nous plongeant dans les cauchemars, les pensées, la psychologie de l'adolescent, ainsi que dans les instants où il perd pied et dans les chimères qui l'obsèdent.
Et puisque l'on parle d'obsession, il y en a précisément une qui frappe ici, forcément: sa mère, encore elle. A l'heure où il est incarcéré, il n'y a que deux choses qui l'intéressent: savoir si sa mère est au courant de ce qu'il a fait, et ce qu'elle pense désormais de lui si c'est le cas. Seiko domine ses pensées et semble alors tout représenter pour lui, à tel point que les enquêteurs se demandent s'il n'a pas tué Shigeru juste pour suivre le moule dans lequel sa mère l'a enfermé, tout incapable qu'il serait alors d'exprimer son vrai "moi" face au possible côté castratrice de sa génitrice. Mais qu'en est-il en réalité ? Alors qu'il y a encore quelques rebondissements sur le déroulement du jour où Shigeru est tombé du belvédère puis sur l'incarcération et le jugement de Seiko, l'un des points d'orgue du volume arrive dans les dernières dizaines de pages, avec des retrouvailles aussi attendues que craintes, et des réactions qui déroutent de plus belle entre les deux principaux concernés...
Une nouvelle fois, Shuzo Oshimi reste totalement maître de son récit, sondant avec force ses deux personnages principaux tout en faisant atteindre à son histoire ce qui s'apparente à un nouveau virage important.