Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 26 Mars 2025
Mangaka célébrée pour sa comédie atypique Hoshi dans le jardin des filles (publiée en France par les éditions Le Lézard Noir) et pour son travail avec Usamaru Furuya sur Litchi Hikari Club Collaboration (sorti dans notre langue aux éditions IMHO), Yama Wayama débarque cette fois-ci dans le catalogue des éditions Vega avec deux one-shot qui sont issus du prestigieux magazine Comic Beam et qui, quelque part, sont assez liés puisqu'ils seront tous les deux adaptés en anime cet été. L'un est Captivated by you, récit dessiné au Japon en 2019, tandis que l'autre, à savoir celui qui nous intéresse dans cette chronique, est Let's go karaoke!, un récit en deux chapitres que l'autrice proposa initialement sous forme de doujinshi en 2019 au salon Comitia, avant d'être repérée par l'éditeur Enterbrain qui lui offrit une prépublication puis une parution en septembre 2020 en un volume broché agrémenté d'un chapitre bonus, pour un total d'environ 160 pages.
Cette oeuvre nous immisce auprès de Satomi Oka, une adolescent en dernière année de collège tout à fait banal, et qui ne 'attendait donc pas du tout à ce que son quotidien soit soudainement chamboulé par un drôle de yakuza ! Capitaine de la chorale de son collège avec laquelle il se prépare à une ultime compétition, le jeune garçon est effectivement, un beau jour, accosté par Kyôji Narita, un mafieux de 39 ans qui a une périlleuse mission à lui confier: lui apprendre à mieux chanter. La raison ? Eh bien, le boss de Narita est un chef plutôt surprenant qui a deux passions dans la vie: les tatouages et les karaoke, si bien que quatre fois par an il organise un concours de chant dont la lanterne rogue doit subir un terrible sort: être tatoué par le chef lui-même, sauf que ce dernier dessine comme un pied et choisit toujours les zones les plus douloureuses pour concevoir ses "créations artistiques". Prêt à tout pour éviter ça, Narita en est donc arriver à quémander des cours de chant au collégien... Mais Satomi, en plus de flipper tout naturellement à l'idée de fréquenter un milieu yakuza si éloigné de lui, sera-t-il à la hauteur, lui qui est justement en plein doute sur ses capacités en voyant sa voix muer ?
Nouvelle reine de la comédie absurde, Yama Wayama nous livre ici un court récit dont la base repose précisément sur ça, entre l'association insolite d'un collégien sérieux et d'un yakuza pas banal et les enjeux improbables autour du concours de chant, du karaoké et des facultés largement limitées du boss mafieux en matière de tatouages. Malgré les assez nombreux gags tantôt discrets tantôt plus gros et très efficaces (le yakuza qui a la phobie de Hello Kitty, fallait le trouver), l'autrice développe, tout comme dans sa série phare Hoshi dans le jardin des filles, un humour très ponce-sans-rire, atypique et auquel il faut bien accrocher pour en saisir la qualité. mais une fois que l'on est dedans, le fait est que, ici aussi, la mangaka gère soigneusement chaque élément comique au fil de ses planches, de ses découpages et de ses cases, le tout étant appuyé par son dessin presque neutre où les expressions faciales presque contenues sont juste suffisamment décalées pour faire sourire.
Mais Let's go karaoke! n'est pas tout à fait qu'un manga d'humour, au vu du lien étonnant qui se bâtit entre les deux personnages. Elève sérieux et se demandant forcément dans quoi il a été embarqué et pourquoi il s'est retrouvé malgré lui là-dedans, entretient avec Narita une relation tantôt assez amicale tantôt plus houleuse, ce qui fait ressortir son statut d'adolescent et, plus précisément, de jeune garçon arrivé à l'âge difficile de la puberté, vivant notamment très mal le fait de voir sa voix muer avec ce que ça peut impliquer de difficultés de plus en plus prononcées à chanter juste. Et étonnamment, malgré sa nature de yakuza et son côté un peu forceur par moments, Narita pourrait bien, en faisant de lui une sorte de mentor de chant, l'aider à se confronter aux quelques tourments liés à cette période délicate de son adolescence.
A l'arrivée, la lecture de Let's go karaoke défile toute seule si l'on est client de l'humour décalée et pince-sans-rire typique de cette mangaka, d'autant plus que celle-ci va un petit peu plus loin que ça dans le souffle que s'apportent mutuellement les deux personnages principaux. Quant à l'édition française proposée au sein de la collection Alpha, elle est très correcte avec un grand format sans jaquette mais avec rabats, sa couverture soigneusement adaptée de l'originale japonaise par Daphné Belt, son papier souple et assez opaque, sa qualité d'impression très correcte, sa traduction très convaincante de la part d'Alexandre Fournier, et son lettrage assez propre de Vibrant Publishing Studio même si une nouvelle fois, on regrettera que l'éditeur délocalise cette dernière étape à l'autre bout du monde (en Inde).