Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 18 Juin 2024
Le début de ce mois de juin fut l'occasion, pour les éditions Omaké Manga, de lancer ce qui est leur tout premier manga "historique": La Lame du Samuraï, un titre dont vous avez peut-être déjà entendu un peu parler si vous suivez le vidéaste Nota Bene, puisque les deux premiers tomes faisaient partie des contreparties du financement participatif de son livre consacré aux samuraï et lui aussi voué à paraître ce mois-ci. Ce n'est donc pas un hasard si le célèbre vulgarisateur historique signe lui-même l'accroche du bandeau entourant le premier tome de ce manga !
De son nom original Shamo Zamuraï (que l'on pourrait traduire par "Le Samuraï Coq de Combat", reprenant ainsi le surnom du personnage principal dans l'oeuvre), cette série est la toute première publication française de Yasuhito Yamamoto, un auteur pourtant vétéran puisque sa carrière dure depuis la fin des années 1980 et qu'il a à son actif une vingtaine de séries dans des thématiques assez différentes (même s'il a, entre autres, un certains penchant pour le sport). Ici, Yamamoto met en images une histoire conçue par Taku Noguchi. Achevé au Japon au tout début de cette année pour un total de 5 volumes, le manga était prépublié là-bas depuis 2017 dans le magazine Comic Ran Twins de l'éditeur Leed, un magazine habitué à publier pas mal d'oeuvres à connotation historique.
Prenant place dans le Japon féodal, à l'époque des samuraï, ce récit nous immisce auprès de l'un d'eux: Gendayû Iwakura, ancien intendant du clan Sonose, qui a profité de la naissance de son petit-fils l'année précédente pour se retirer de sa fonction et ranger son sabre. Désormais âgé de 40 ans et veuf, il profite d'une vie paisible avec les siens, notamment en prenant le plus grand soin de ses coq de combat, volatiles pour lesquels il a de l'admiration. Mais même s'il a été autorisé à se retirer, il va de soi qu'en réalité, on ne peut pas totalement couper les pont avec le monde des samuraï si facilement: Gendayû était particulièrement reconnu et respecté pour une technique au sabre qu'il a développée et qui n'appartient qu'à lui, et le clan Sonose a encore besoin de lui pour certaines missions, en le contraignant alors à devoir sortir de sa retraite.
Dans ce premier tome de 190 pages, les auteurs nous proposent tout simplement de découvrir deux missions de longueur égale que Gendayû se retrouve à devoir accomplir: tout d'abord punir certains cadres dont les manigances risquent de ternir l'honneur du clan Sonose, puis régler son compte à un membre du clan qui, en punissant son épouse et son supérieur pour leur infidélité avant de fuir, est allé à l'encontre du code d'honneur du clan. Si ces deux affaires semblent plutôt basiques au premier abord, il va de soi que quelques imprévus et autres retournements de situations vont venir complexifier un peu plus les choses, jusqu'à parfois leur faire prendre une tournure assez dramatique, comme quand notre héros se retrouve à devoir affronter son ancien meilleur ami, qui a lui-même connu bien des désillusions au fil des années. Loin de se cantonner à un déroulement totalement classique, les auteurs savent alors en profiter pour esquisser, certes très rapidement mais de façon suffisante, certaines nuances et contradictions du statut de samuraï, une condition parfois assez triste au vu de ses règles bien définies (code d'honneur, respect de la hiérarchie, mépris des familles nobles et anciennes de samuraï envers les samuraï plus modestes ou "nouveaux"...).
Parallèlement à tout ceci, Yamamoto et Noguchi n'oublient pas d'apporter une certaine humanité à leur personnage principal, ce qui passe essentiellement par ses propres évolutions personnelles (surtout familiales) et par la découverte de certains de ses loisirs, comme les coq ou la pêche. Bien que rapide, cet aspect est suffisamment présent pour apporter une saveur supplémentaire à Gendayû, qui ainsi n'est pas qu'un simple samuraï cliché.
Enfin, pour accompagner le tout, on appréciera assez le travail visuel de Yamamoto, qui s'inscrit dans une veine réaliste et "old school" que l'on retrouve dans pas mal de mangas de ce genre (parmi les mangas lancés ces derniers temps en France, on peut notamment citer Mibu Gishi Den aux éditions Mangetsu). Ce réalisme passe par un peu tous les éléments graphiques: les corps, les expressions faciales, les coiffures typiques, les sabres, les vêtements d'alors, les paysages et habitations d'époque qui semblent suffisamment crédibles... Dans tout ça, on regrettera uniquement deux choses. Tout d'abord, la peinture des moments de combat au sabre, plutôt basique dans le découpage, dans les angles et donc dans le rendu des coups, sans être pour autant fouillis. Ensuite, la narration externe parfois trop envahissante et trop plan-plan, racontant les choses sans les mettre en scène, pour un résultat qui est légèrement poussif par moments.
Il ne s'agit toutefois que de détails face à l'efficacité et à l'immersion que propose ce premier tome efficace. Il s'agit d'une bonne entrée en matière, qui devrait plaire à quiconque aime ce genre de manga de samuraï un peu à l'ancienne, et dont on suivra la suite avec intérêt !
Pour finir, quelques mots sur l'édition française, qui s'avère tout à fait correcte. A l'extérieur, l'éditeur a choisi d'adapter la jaquette originale japonaise en reprenant certes fidèlement l'illustration, mais en la recadrant pour en offrir une vision plus complète, en ajoutant la couleur mauve en fond, et évidemment en concevant un logo-titre spécifique à notre langue, pour un résultat global assez convaincant. Et à l'intérieur, on a une impression suffisamment satisfaisante sur un papier souple et assez opaque, un lettrage assez propre de Munii Prod., et une traduction très soignée et sans couac de la part de Guillaume Mistrot.