Kylooe Vol.3 - Actualité manga

Kylooe Vol.3 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 29 Juin 2012

Il y a deux ans, Little Thunder nous présentait, sous forme de véritable claque, Kylooe et s'imposait immédiatement comme un auteur talentueux à souhait à suivre de très près. Un an plus tard, la voila qui remettait le couvert avec un second opus étonnant, différent, mais possédant à coup sûr le même charme que le précédent. Et tandis que l'été pointe le bout de son nez, voici le troisième et ultime tome de Kylooe à paraitre dans nos contrées. D'emblée, au détour d'une couverture dégageant une sérénité dont on goutera à la substance une fois la lecture achevée et d'une beauté à pleurer, Little Thunder vient nous happer dans un univers qui se montrera une fois encore aussi singulier que surprenant. Et c'est sans une once de retenue que l'on se laisse emporter dans une histoire qui, aussi surréaliste puisse-t-elle être, ne manquera aucunement de venir épouser des réalités quant à elles bien encrées dans notre société.

Toucher le coeur du lecteur en lui donnant des sensations puissantes. C'est cela que s'attache à faire l'auteur et il lui faudra environ trois pages, tout au plus, pour atteindre ce but une première fois. Dans un monde ubuesque où exprimer la moindre émotion équivaut à commettre la pire des infractions, nous suivons Mile, d'abord jeune garçon de 8 ans, ensuite adolescent, qui ne parvient pas à s'adapter à cette règle absurde instaurée on ne sait trop pourquoi. Toujours est-il qu'il ne tarde pas à se faire arrêter et à faire la connaissance, dans sa cellule, d'un extravagant personnage dénommé Nath. Rieur et dragueur, il se présente comme l'idéal opposé de tout être parfaitement intégré à cette humanité. Le propos de Little Thunder, qui se veut clair et limpide, rejoint ainsi et avec brio l'attitude d'une certaine majorité de la population de notre propre monde. Suivre et copier de manière décérébrée à défaut d'exprimer ses propres idées, de se montrer vulnérable à tout un chacun. Surtout, ne rien exprimer. Paraitre à tout prix, quitte à ce que ça en devienne ridicule. Suivre les règles, aussi aberrantes soient-elles. Oublier de vivre et de ressentir, pourrait-on dire. Et des scènes marquantes, vibrantes, celle du cimetière notamment, viendront appuyer ce grief de maitresse manière, allumant en nous cette étincelle d'émotion qui nous anime sans toutefois tomber dans un excès qui serait malvenu. L'auteur, oubliant habilement de s'embourber dans un pathos stérilisant, impose son discours avec force et simplicité, rendant son rayonnement d'autant plus acéré. Et, cette sobriété, Little Thunder la conservera dans la rencontre et la relation naissante entre Nath et Léa, jeune femme au regard fixé sur un amour égaré. Et c'est justement cela qui lui donnera toute son authenticité.

Entrecroisant les destins d'hommes et de femmes, d'adultes et d'enfants, refusant de se plier à l'absurdité assommante de leur quotidien, ce troisième tome de la série vient plus que jamais donner tout son sens au nom qu'on lui a accordé. Kylooe. Rêve. Et, si pour certains le rêve est un moyen d'échapper à la réalité, pour d'autres il est parvenu à la supplanter après avoir longuement cherché, essayé, échoué. Emergeant du paradoxe de notre insatiable envie de tout sans rien pour nous satisfaire jusqu'à finalement nous offrir un petit coin de paradis. Les différentes histoires, les différentes périodes de la vie évoquées au fil de cette trilogie, aussi indépendantes soient-elles, viennent finalement former une unité qui se sera intimement construite en notre compagnie.

Bien entendu, Little Thunder se montrera également irréprochable au niveau du dessin. Si l'on a déjà évoqué en ouverture la splendeur de la couverture, il serait malvenu de ne pas s'arrêter quelques instants sur les différentes planches que renferme cet écrin tant elles viennent servir le récit à la perfection. Optant tantôt pour des tons chatoyants, tantôt pour des teintes plus feutrées, la dessinatrice chinoise reste toujours en accord avec son intrigue et nous gratifie, en outre, d'un exercice de style, à savoir rendre ses protagonistes parfois inexpressifs au possible, souvent débordants de sentiments, loin d'être aussi évident qu'on pourrait le croire. Il est en tout cas bien difficile de décrire tout ce que peut transmettre le trait de l'auteur et, en définitive, la description qu'il en fait en guise d'introduction est sans doute la plus pertinente: un état de mélancolie saupoudré d'un zeste de chaleur et d'hystérie où les contraires se chevauchent.

Kylooe s'achève mais laissera une empreinte profonde dans l'histoire du manhua et de la bande dessinée de manière plus générale. Adroite dans sa construction, pertinente dans son propos, ineffable dans son dessin, la série, évitant facilité et complaisance, aura puisé dans la diversité pour se conclure dans une cohérence rare. Et cet ultime volume qui, à l'image du bon vin, s'appréciera d'autant plus en laissant son souvenir se bonifier avec le temps, lui fait honneur une dernière fois. Que dire d'autre si ce n'est que l'espoir et l'envie d'érafler une nouvelle fois de nos doigts la perfection en compagnie de Little Thunder sont à la hauteur de l'oeuvre dont il est ici question. Incommensurable.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Shaedhen
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs