Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 24 Octobre 2016
Durant l’été 1977, le premier Jeu du Roi a eu lieu. Kazunari et Natsuko Hondo habitent dans le village isolé de Yonaki. Cousins, ils sont néanmoins amoureux bien que leurs voisins ne voient pas la liaison d’un très bon œil. Le quotidien des deux jeunes gens bascule soudainement quand Kazunari reçoit une lettre, noire et écrite d’une main tremblante, convoquant la totalité du village à un Jeu du Roi. C’est le début du cauchemar, car si personne ne croit à la véracité des sanctions dans un premier temps, tous se rendront à l’évidence lorsque les villageois tomberont comme des mouches…
King’s Game Origin, Kigen en langue originale, constitue le troisième segment de la saga King’s Game de Nobuaki Kanazawa. Si nous avons d’abord découvert ce nouvel arc par le biais de l’adaptation manga en six tomes, parue chez Ki-oon et dessinée par J-Ta Yamada, la version d’origine paraît en septembre 2015 et a permis aux plus impatients de découvrir l’issue de cette manche afin de fin de la publication du manga chez nous. Mais plus important encore : le chapitre Origin semblait jouer un rôle majeur dans son synopsis puisqu’il conte la toute première partie du Jeu du Roi, celle qui lancera des hostilités plus sévères des années plus tard. Et effectivement, ce nouveau volet n’a pas usurpé son titre puisqu’il apporte énormément d’éclaircissements, tout en poursuivant sur une intrigue rythmée et riche en sensations…
Après deux premiers tomes, le lecteur est désormais familiarisé avec le concept de King’s Game et dans son déroulement, Origin ne surprendra personne. Au contraire, les romans précédents nous ont largement renseignés sur l’issue du Jeu du Roi d’origine, aussi tout lecteur qui suit la saga depuis ses débuts connaît les aboutissants de la partie qui attend les habitants de Yonaki. Néanmoins, l’intérêt premier est de relater des événements concrets et d’en apprendre plus sur le village qui était de l’ordre du mythe jusqu’à présent. Le déroulement du jeu ne surprend, certains ordres sont recyclés et certains rebondissements s’avèrent prévisible tant ils ont un air de déjà-vu, mais la sauce parvient à prendre encore grâce aux tentatives de l’écrivain de faire sortir cet arc du lot.
D’abord, l’accent est fortement mis sur l’aura de Yonaki, petit village comptant plus d’une trentaine d’habitants, ayant ses propres rites et reposant sur une convivialité que le roman ne met pas longtemps à développer. Ainsi, les premières pages présentent l’entourage de Kazunari Hondo, sa bande de copains aussi bien que les adultes qui évoluent autour de lui, et sa cousine Natsuko dont il est amoureux, un nom qu’il faut d’ailleurs attentivement retenir. Jouant énormément avec cette atmosphère pour nous happer dans un premier temps, Nobuaki Kanazawa fait volontairement traîner le massacre si bien que l’ouvrage met un certain temps à vraiment se lancer… avant que le carnage soit total. Certes, le Jeu du Roi ne surprend plus dans son déroulement, mais il est ici très bien traité et développe toute une sensation claustrophobe du fait de l’enfermement du village et de l’implication des autorités et du gouvernement, chose absente des deux premières parties et donnant aussi plus de crédibilité aux événements présents. Sans se trahit, le Jeu du Roi propose un petit renouveau, rendant alors la lecture addictive passé un certain cap.
Mais finalement, quels enjeux pour le chapitre Origin ? Ce troisième roman se contente-t-il de proposer un nouveau chapitre, certes divertissant, mais n’apportant rien à l’univers ? Au contraire, ce volet est loin de mentir par son nom. Sa prouesse est de réussir à se fixer avec les deux opus précédents, expliquer de nombreux éléments, et bien évidemment les origines du Jeu du Roi. Depuis le premier tome, Natsuko Hondo est de l’ordre du mythe, son aura plane sur la partie de Nobuaki dans le premier volume et s’est fortement ressentie autour d’un personnage homonyme bien que différent dans King’s Game Extreme. Origin apporte alors beaucoup d’éclaircissements bien qu’il faille attendre les dernières pages pour avoir certaines explications, et montrent que l’écrivain a bien pensé la continuité de son œuvre. On pourrait cependant regretter les explications autour du Roi, capillotractées à souhait, que nous avons découvert dans le second tome et qui sont ici reprises bien que davantage développées. Il faut désormais accepter cette idée bien qu’elle soit exagérée. Toutefois, la pilule a tendance à mieux passer ici du fait que le virus trouve des origines, et le Jeu du Roi un véritable point de départ au cauchemar qui frappera Yonaki, puis plusieurs classes de lycéens. Aussi délirant soit l’univers de l’écrivain et ses histoires de virus qui poussent les individus à s’automutiler, il demeure ainsi cohérent et ne laisse que peu de place à des zones d’ombre.
Gageons alors que le seul vrai bémol de cette troisième histoire (et la première chronologiquement) vient de ses personnages, plus caricaturaux que dans les deux premiers volumes. Kazunari est typiquement le héros sans aucun défaut, pire que Nobuaki précédemment, et d’autres figures comme Michiko sont eux aussi très surfaites dans leurs allures de psychopathe prêts à tout pour s’en sortir. Derrière ces personnages, l’écrivain tente parfois une critique des comportements humains, mais n’explore que trop peu cette idée pour qu’on ait là un discours véritablement construit.
Côté édition, la copie de Lumen se voit entachée par quelques coquilles et erreurs du côté des noms de personnages. Certains noms sont parfois écorchés et d’autres totalement confondus, ce qui peut perdre le lecteur qui ne sera pas entièrement attentif à sa lecture.
King’s Game Origin honore le pari de réutiliser la recette désormais bien connue du Jeu du Roi tout en apportant une dimension novatrice à la série et en éclaircissant un très grand nombre de zones d’ombre pour fluidifier l’intrigue globale de la saga. Si en soi la lecture est l’équivalent littéraire d’un slasher et ne propose pas une intrigue particulièrement innovante, la manière qu’à l’écrivain de peaufiner son univers reste pertinente, même si cela implique de devoir accepter une curieuse histoire de virus. Le divertissement est néanmoins très efficace et permet de mieux comprendre l’histoire de King’s Game. Pourvu que les prochains opus restent de cet acabit, et que l’auteur ne cherche pas à partir trop loin dans ses développements…