Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 07 Avril 2015
Après un premier tome réussi et qui nous offrait une fin qui attisait notre curiosité quant à la suite de l’histoire, les éditions Lumen n’en restent pas là avec le Jeu du Roi et nous proposent King’s Game Extreme, suite directe du premier volume que beaucoup ont peut-être déjà dégusté en manga. Seulement, d’un support à l’autre, tout n’est pas forcément identique. Le premier opus nous l’a prouvé, et le second récidive admirablement.
Sept mois après la mort de tous ces camarades à cause du Jeu du Roi, Nobuaki n’est plus que l’ombre de lui-même. Inscrit dans un nouveau lycée, il se montre temporairement distant avec ses camarades, ceci dans le but de ne plus tisser de liens et ne plus souffrir. Mais avec le temps, le jeune homme s’est fait de sincères compagnons et Nobuaki commence à reprendre goût à la vie… du moins jusqu’à ce que le Jeu du Roi reprenne. Aussitôt, le carnage est total et les cadavres s’empilent tandis que les élèves apprennent que Nobuaki a déjà vécu un jeu similaire et le prennent en grippe. Mais le plus intrigant reste Natsuko Honda, radieuse avant le début du Jeu du Roi, mais qui, depuis, montre une personnalité des plus féroces…
Avec un titre horrifique comme King’s Game, il y a une crainte qui est légitime : celle d’avoir un copier / coller du volet précédent d’un tome à l’autre, dans l’enjeu et le déroulement de la partie. Et pourtant, si le Jeu du Roi reprend comme dans le premier tome, cette suite évite complètement la redite avec une recette très simple : chambouler légèrement le déroulement de la partie, et surtout tenir compte des acquis du scénario. Car avec ce nouveau Jeu du Roi, nous avons affaire à un Nobuaki plus sombre qu’avant, bien résolu à faire face seul à une malédiction dont il ignore l’origine, ce qui l’amène d’emblée à tout mettre en œuvre pour en découvrir davantage plutôt que de chercher à protéger chacun de ses camarades, chose qu’il cherche à faire, mais de manière plus indirecte. D’un autre côté, difficile pour ce héros de se soucier de tous ses compagnons puisque le jeu voit ses règles chamboulées : De nombreux ordres surviennent d’un coup et les cadavres ne tardent pas à se compter. Plutôt que de faire mourir les personnages lentement mais sûrement, le récit décime littéralement la classe de lycéens, faisant plonger le héros dans un enfer comme il n’en a jamais connu. Avec une stratégie si directe de la part du Roi, la dimension horrifique est plus que jamais présente tant chacun peut y passer à tout moment, et la machination du Roi semble impossible à arrêter. L’inconvénient est qu’avec différents ordres arrivant simultanément, l’auteur ne peut pas développer la psychologie de ses personnages comme il le faisait avec le premier tome qui entretenait un rythme de croisière. A la place, le chapitre « Extreme » s’intéresse à quelques figures qui joueront un rôle au sein de la partie, tandis que les autres servent à constituer les futures victimes du Roi. Le ressenti de cette seconde partie est donc nettement différent et le volume assume pleinement son titre tant le rythme endiablé du jeu ne laisse pas de place au répit.
Là où le premier tome ne développait que peu l’intrigue, notamment autour des origines du Roi, cette suite est l’occasion d’être plus vaste à ce sujet. Le village de Yonaki est alors rapidement évoqué et il ne tient qu’à Nobuaki d’aller y découvrir quelques informations supplémentaires. Le personnage de Natsuko Honda apporte lui aussi son lot d’indices et tous les éléments parviennent à tisser un fil cohérent dans le scénario afin de comprendre la manière dont le Jeu du Roi a frappé la classe de Nobuaki. Cette impression est à l’opposé du manga où les quelques bribes de l’intrigue étaient distillées assez maladroitement quand elles n’étaient pas tout simplement éludées de l’adaptation. On pense notamment aux révélations de la fin de tome, essentielles pour découvrir la véritable nature du Roi, qui sont largement mieux développées dans le roman bien qu’assez tirées par les cheveux, là où le manga les passait en revue très brièvement. Le seul point commun, c’est que ces révélations arrivent comme un cheveu sur la soupe.
Comme pour le premier tome, le style de Nobuaki Kanazawa est direct et percutant, ce qui permet d’ailleurs une lecture assez rapide du pavé. Bien que simpliste, une obligation étant donné que me roman était initialement diffusé sur téléphones portables, l’écriture de l’auteur ne manque pas de cachet quand celui-ci s’en donne la peine, et certaines séquences se révèlent d’ailleurs très émouvantes. En réalité, l’œuvre aurait sans doute eu une toute autre dimension littéraire si elle avait été destinée d’emblée au support physique.
Une fois n’est pas coutume, Lumen livre une édition de très bonne facture, impliquant un texte fluide et cohérent ainsi qu’un ouvrage correctement édité qui se paie le luxe d’intégrer du relief à sa couverture. Espérons maintenant que Lumen ne tardera pas à publier la suite de la saga, car si King’s Game est loin d’être l’œuvre la plus originale qui soit et se contente de surfer sur la vague survival-horror, sa lecture a quelque chose d’addictif.
Plus intense et prenant que le premier volet, King’s Game Extreme assume son statut de roman adolescent efficace et hautement divertissant, en cherchant à procurer des sensations sortes et directes tout en développant son scénario, quitte à aboutir à des révélations capillotractées. Le roman, version d’origine de la saga, s’affirme comme un excellent complément au manga qui paraît avant la version romancée de Nobuaki Kanazawa, une excellente raison pour ne pas bouder l’œuvre.