Kingdom - Deluxe Edition Vol.1 - Manga

Kingdom - Deluxe Edition Vol.1 : Critiques

Kingdom

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 29 Avril 2025

Chronique 2 :


Est-il encore nécessaire de présenter le manga Kingdom, oeuvre qui est, depuis près de vingt, l'une des fresques historiques et épiques les plus intenses riches et populaires qui soient ? Oeuvre de quasiment toute une vie pour son auteur Yasuhisa Hara, elle est publiée au Japon depuis janvier 2006 dans le magazine Young Jump des éditions Shûeisha, et a largement acquis le statut de série culte en ayant cumulé là-bas plus de cent millions d'exemplaires vendus en, à ce jour, 75 tomes.

Reprenant l'histoire des Royaumes Combattants (à ne pas confondre, comme c'est souvent le cas, avec l'histoire des Trois Royaumes qui a lieu quelques siècles plus tard) qui menèrent à l'unification de la Chine, le tout évidemment romancé et dans un déluge d'action épique où des personnages charismatiques s'élancent dans des guerres stratégiques où la bravoure côtoie les rebondissements incessants, cette saga s'est également déclinée sur d'autres supports. Ainsi, depuis 2012, le manga connaît une adaptation animée des mains du studio Pierrot, accompagné par le studio Signpost depuis la saison 3. Cinq saisons ont vu le jour pour l'heure, couvrant les 45 premiers volumes du manga, tandis que la saison 6 vient juste d'être annoncée. Toutes sont disponibles en SVOD sur ADN tandis que Black Box a édité les deux premières en DVD et Blu-ray. Et une adaptation cinéma en live action existe également depuis 2019 en dénombrant actuellement quatre films, tous réalisés par Shinsuke Satô et disponibles chez nous sur Netflix.

Malgré l'immense popularité de la saga, en France la série est longtemps restée inédite, la plupart des éditeurs étant notamment réticents face à sa longueur. Du moins, jusqu'à ce qu'un éditeur encore jeune, à savoir Meian, ne s'empare ambitieusement des droits pour commencer à la publier en septembre 2018, non sans la porter comme il se doit via, entre autres, un système d'abonnement incluant des coffrets et des goodies (posters, ex-libris...). Après plus de six ans et demi de publication française et 73 volumes parus dans notre langue à l'heure où ces lignes sont écrites, Kingdom reste assurément, toujours, le manga le plus ambitieux, le plus emblématique et le plus célèbre de Meian, si bien qu'il n'y a rien d'étonnant à voir l'éditeur la remettre de plus belle en avant avec le lancement, en cette fin avril, d'un superbe et alléchant projet: une édition deluxe directement calquée sur celle qui a été lancée au Japon en mars de l'année dernière et qui a vu paraître vingt tomes sur l'ensemble de 2024.

Le programme de cette version deluxe, dont chaque tome correspond à deux volumes de l'édition simple, vend du rêve: un format A5 agrandi et luxueux, une couverture cartonnée rigide garnie d'un effet métallisé, une sobre et élégante jaquette noire elle aussi rehaussée de marquages métallisés du plus bel effet, une reliure dos cousu agrémenté d'un signet marque-page... Rien que de l'extérieur, l'ouvrage a tout d'un vrai beau livre, et l'intérieur n'est pas en reste avec un papier haut de gamme et bien blanc, une excellente qualité d'impression, les pages couleurs de la prépublication ainsi que des pages couleurs supplémentaires via une galerie d'illustrations incluant les couvertures des tomes 1 et 2 de l'édition simple (pour un total de 15 pages couleur dans cet épais premier tome de plus de 450 pages), une traduction et un lettrage revus quand nécessaire... et des suppléments peut-être encore plus inestimables puisque, en plus d'offrir un long et passionnant texte de six pages où il revient en détails sur la genèse de son manga, Hara a pris soin de commenter un peu chaque chapitre et de retravailler des planches qu'il estimait nécessaires de revoir, tout ceci étant forcément assez inestimable quand on est fan de l'oeuvre (toutefois prenez garde si vous découvrez la série avec cette édition, car certains commentaires de chapitres peuvent spoiler des événements à venir). Ajoutons à ça un prix imbattable de 19,95€ pour un si bel objet, ainsi que la mise en place là aussi d'une formule d'abonnement qui permettra de recevoir automatiquement deux nouveaux tomes tous les deux mois pour le même prix que l'achat standard, et à chaque fois avec des goodies exclusifs, et on peut dire que Meian a vraiment très bien fait les choses.

Mais à présent, même si cette immense fresque n'est normalement plus à présenter, revenons tout de même un petit peu sur le contenu de ce premier volume, avec une histoire qui commence par des premières pages annonciatrices d'un grand destin: celles où un certain général Ri Shin se dresse fièrement sur un champ de bataille, entouré de ses hommes. Puis nous voici en 245 avant notre ère quelque part dans un village de l'Etat de Qin, un royaume de Chine occidentale où vivent les enfants Hyô et Shin. Orphelins de guerre recueillis par un homme horrible qui les traite comme des esclaves, les deux amis combattent ensemble sans relâche jour après jour en s'étant fait une promesse: devenir, plus tard, les plus grands généraux sous ces cieux, pour que l'Histoire retienne leur nom. Cela pourrait semblait n'être qu'un grand rêve de gamins, plus encore dans ce contexte de guerres incessantes où de simples orphelins comme eux n'ont a priori aucune chance d'accéder un jour à des grades aussi prestigieux. Mais quand, un beau jour, un homme du jeune roi Ei Sei passe dans le village et repère immédiatement Hyô qu'il compte faire venir au palais royal, le destin s'emballe pour les deux jeunes garçons... au risque que leur rêve commun ne tourne à la tragédie.

Commençant immédiatement de manière très rythmée, l'oeuvre voit Yasuhisa Hara parvenir à ancrer d'emblée en nous, avec une certaine force, les rêves de gloire des deux garçons, tant leur amitié sans failles et leur volonté de se sortir de leur situation pour graver leurs noms dans l'Histoire transparaît vite sans pouvoir être remise en question. Il s'agit également d'un moyen parfait de cristalliser immédiatement plusieurs choses en Shin: de fortes ambitions mues par son désir de se sortir de sa triste condition, et des qualités au combat déjà évidentes à force d'avoir développé sa puissance, sa vitesse et sa technique au fil de ses duels contre Hyô.

Il faudra alors ensuite, à peine quelques dizaines de pages plus tard, un premier drame fort pour lancer de manière encore plus prenante et marquante le début d'une épopée où, dès ce premier tome, le mangaka impressionne, que ce soit pour sa faculté à exposer peu à peu avec une grande limpidité toutes les grandes lignes du contexte guerrier et tourmenté de l'époque (avec ce qu'il faut de références historiques et d'éléments romancés) et des conflits existant autour du contrôle du trône de Qin, pour la gestion de premiers éléments stratégiques où plus d'un personnage dans chaque camp cherche à tirer son épingle du jeu, pour l'installation d'une galerie de personnages déjà vaste avec des figures bien campées et reconnaissables dans chacun de ces camps (et que l'on ne va pas vous faire l'affront de présenter en détails ici, car ce serait quelque part spoiler un des plaisirs de la lecture tant ces figures en jettent généralement), pour les premières scènes de combat qui ont déjà un goût épique au vu de la force de caractère de certains et de leurs qualités de guerriers parfois presque surhumaines, et de manière générale pour des planches toujours intenses, denses et riches autant dans les designs que dans les expressions, les mouvements, les tenues et bien sûr les décors de paysages et de cités (la capitales du peuple des montagnes, quelle beauté).

Tous les ingrédients sont donc là pour offrir un début de saga ultra prenant, immersif et riche. Si vous n'avez pas craqué jusque-là sur l'édition simple de Kingdom, cette superbe version deluxe est l'aubaine à côté de laquelle il ne faut pas passer. Et si vous êtes un grand fan possédant déjà la première version, eh bien le rachat peut largement se justifier, tant cette édition deluxe est belle et généreuse, en plus de bénéficier d'un rapport qualité/prix impressionnant !



Chronique 1 :


Fresque historique et épique, l’œuvre ‘Kingdom’ de Yasuhisa Hara marque les esprits des lecteurs japonais depuis près de 20 ans. Lancé le 26 janvier 2006 dans le magazine Young Jump de l’écurie Shûeisha, le manga cumule 75 volumes reliés sur l’Archipel. Il faut dire que les arguments du récit sont plus que convaincants : le mangaka romance la période des Royaumes combattants, ère qui mena à l’unification de la Chine plus de 200 ans avant Jésus-Christ. Par la bravoure de ses personnages, l’intensité de ses conflits, la direction intelligente du vaste échiquier politique et une action jamais avare en rebondissements, couplé au trait fourni de l’artiste, Kingdom s’est aujourd’hui imposé comme une référence du récit épique historique.

L’histoire du récit en France est assez particulière. Kingdom gagne d’abord un fort succès d’estime auprès d’une communauté de fans de plus en plus fournie au fil des années, par le prisme du scantrad. Plus la série s’étendait dans le temps, et moins un éditeur ne voulait se risquer à une publication qui atteignait la quarantaine, puis la cinquantaine de tomes. Il faut attendre 2018 pour que Meian, à l’époque très jeune éditeur, prenne les choses en main et tente le pari de publier le récit de Yasuhisa Hara sur une parution à forte cadence, soutenue par un système d’abonnement permettant de fidéliser le lectorat en leur offrant, entre autres, des box de rangement et des goodies tels que des ex-libris et des posters. L’audace a porté ses fruits puisqu’aujourd’hui, nous talonnons l’édition japonaise avec 73 opus disponibles dans nos librairies.

Entre-temps, l’engouement autour de Kingdom s’est largement intensifié au Japon. Après deux premières saisons qui n’ont pas franchement fait l’unanimité (notamment la première entièrement faite d’une CGI qu’on se contentera de qualifier de douteuse), l’adaptation animée a repris via trois nouvelles parties plus convaincantes et diffusées sur un calendrier régulier, tandis qu’une sixième saison a fraîchement été officialisée. Du côté du cinéma, l’adaptation live a connu un succès fulgurant via quatre films réalisés par Shinsuke Satô, sortis entre 2019 et 2024. Des longs métrages qui nous sont d’ailleurs rendus disponibles via Netflix, chose suffisamment rare dans le vaste monde des adaptations en prise de vue réelle pour être soulignée.

Peut-être est-ce grâce à cet engouement autour de Kingdom que le manga d’origine, toujours en cours et qui ne semble pas prêt d’atteindre son climax, profite déjà d’une édition Deluxe. En mars 2024, l’éditeur japonais Shûeisha inaugure une édition dite kanzenban de la série, compilant le récit en volumes doubles au plus grand format, aux couvertures aux allures d’anciens ouvrages chinois, proposant les pages couleur de la prépublication ainsi que de nombreux commentaires de l’auteur. À première vue, un must have pour tout fan du manga. Cette édition compte à ce jour 20 tomes, ce qui correspond aux 40 premiers opus et à la première grande partie du manga, et semble être en pause, peut-être le temps que la publication prenne de l’avance.

Voir arriver une telle mouture semblait assez idyllique, ou au moins hâtif. Pourtant, Meian choisit de battre le fer tant qu’il est chaud en nous proposant cette Deluxe dès ce mois d’avril 2025, soit à peine plus d’un an après son lancement nippon. Une initiative qui a de quoi ravir tant Kingdom s’est imposée comme une référence du genre depuis son émergence dans nos contrées en 2018, d’autant plus que le planning prévisionnel annonce une parution soutenue de manière à aboutir à deux volumes tous les deux mois. À la lecture de cette longue introduction, un bilan s’impose alors : les fans de Kingdom sont largement gâtés depuis quelques années, y compris dans la francophonie !

En amorce, abordons l’intérêt majeur de ce format : son édition. Très clairement, l’ouvrage n’usurpe pas son titre de Deluxe, ce grâce à la présence de nombreuses pages couleur dont certaines semblent assez fraîchement conçues par Yasuhisa Hara, par une fabrication de haute qualité avec papier couché brillant, belle reliure, couvertures rigides et jaquette au grain élégant ponctué d’une dorure bleutée, et par les fameux commentaires du maître. Pour ce tome 1, ce dernier n’est clairement pas avare puisqu’il revient en détail sur ses années précédent le lancement de son œuvre, et tout bonnement ce qui l’a mené à se passionner pour la période des Royaumes combattants, et de facto à la naissance de sa série. Le summum vient d’une initiative suffisamment rare pour être soulignée : après chaque chapitre, Yasuhisa Hara apporte quelques commentaires sur sa vision des événements, et parfois quelques anecdotes de conception qui prouvent tout l’attachement de l’auteur pour son œuvre. Pour un fan de Kingdom, c’est du pain béni pour une édition qui s’impose comme un Graal. Enfin, il convient de noter des retouches significatives du côté du texte français. Enfin, la romanisation des noms des personnages s’avère plus conforme, et surtout plus digeste. À titre d’exemple, exit ‘Ouki’, et faites place au Général Oh Ki. Plus conforme à la méthode hepburn de transcription des kanas japonais, ce nouveau texte est donc plus cohérent vis-à-vis de nos standards franchouillards, et par conséquent plus agréable à parcourir.

Une édition plus que soignée, donc, et assez idéale pour découvrir ou redécouvrir les prémices de cette œuvre-fleuve. L’histoire débute par un duo de serviteurs, presque esclaves, de l’état de Qin : Shin et Hyô. Fougueux combattants qui s’entraînent entre eux, ils se sont juré de s’extirper de leur condition misérable pour devenir, un jour, de Grands Généraux sous les cieux. Au même moment, un conflit interne ébranle secrètement la contrée. Ei Sei, le monarque légitime, est cible d’un coup d’État de la part de son frère. En exilé, cherchant un moyen de récupérer son trône, sa contre-attaque impliquera l’histoire des deux orphelins et sera le point de départ de Shin vers son rêve : celui de devenir un Grand Général.

Difficile d’en dire davantage pour ne pas gâcher toute surprise au lecteur nouveau venu. Si les premières pages de Kingdom peuvent sembler chancelantes, et le trait d’origine de Yasuhira Hara parfois maladroit, une lecture en bloc de cet équivalent des deux premiers tomes de la numérotation initiale atteste des bases particulièrement solides de la saga. Progressivement, l’auteur instaure avec une belle fluidité les enjeux et les rapports de force de ce premier arc, tout en plantant les graines des événements futurs. Un point qui se remarque notamment avec le rôle très ambigu de Oh Ki, d’ores et déjà destiné à devenir un personnage unique dans l’aura qui l’enveloppe. Les notes écrites par l’auteur aident grandement à comprendre l’évolution de Kingdom lors de son émergence. On comprend ainsi que l’œuvre n’a pas directement été un hit, ce qui a mis Hara dans une situation parfois délicate pour développer son histoire. Lui qui rêvait de fresque d’ampleur, peut-être est-il passé à deux pas de l’annulation de sa série. On comprend ainsi un ton parfois léger qui se trouve mis de côté au profit d’une aura plus noble et chevaleresque, un ton qui caractérisera le manga sur le long terme.

Pourtant, quand on ne connaît pas ces informations, tout semble bien calibré pour aboutir à un premier arc à la montée en puissance remarquable. D’une sorte de road trip un poil naïf, l’aventure gagne une envergure intense tandis que les objectifs qui se dessinent prouvent les hautes ambitions du récit. Le tout est d’autant plus prenant que le mangaka avait déjà une vraie maîtrise de son rythme, malgré les quelques remords qu’il présente après coup. Du côté de son style, si on est encore loin du niveau de détail qu’il atteindra par la suite, ses planches fourmillent d’idées et de précisions, notamment dans des décors très travaillés. La série étant publiée depuis presque 20 ans pour un rendu actuel de 75 tomes, ce constat est d’autant plus remarquable. Le grand format de cette Deluxe, ainsi que la qualité de son papier, rend justice au trait du maître, quand bien même il est encore balbutiant. Le format aide aussi à se rendre compte des apports de Takehiko Inoue, son mentor, sur son style, notamment via quelques designs ci et là.

En définitive, difficile de ne pas conseiller cette édition Deluxe tant la qualité de l’ouvrage se conjugue à un contenu de qualité et à un début de récit qui, malgré son statut de première série d’un jeune auteur d’époque, demeure toujours aussi fascinant et immersif. Redécouvrir Kingdom par une telle mouture est un bonheur presque jouissif, et on a d’ores et déjà hâte d’arriver aux moments marquants de la saga. Espérons simplement que côté Japon, la parution ira bien au-delà du vingtième tome.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs