Keiji Vol.1 - Actualité manga
Keiji Vol.1 - Manga

Keiji Vol.1 : Critiques

Hana no Keiji ~ Kumo no kanata ni

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 24 Août 2021

Dire que Tetsuo Hara est un mangaka de légende ne serait pas exagéré. Surtout connu pour avoir dessiné Hokuto no Ken sur le scénario de Buronson, l'artiste devra sa renommée à la fois pour le succès de l'aventure de Kenshiro qui marquera les années 80 du Shônen Jump, mais aussi pour sa patte détaillée, grave et exacerbée qui marquera de nombreux artistes dont Masanori Morita (Racailles Blues, Rookies) et Tetsuya Hasegawa (Napoléon) qui furent ses assistantes. De notre côté, c'est avec regret que nous avons pu observer la trop grande absence du maître dans nos librairies, ce dernier ayant surtout brillé durant la décennie dernière avec les rééditions de Hokuto no Ken. Néanmoins, le jeune éditeur Mangetsu a décidé de changer la donne, notamment avec une réédition prochaine de Sôten no Ken et une parution d'Ikusa no Ko, mais dans un premier temps avec un retour de la série Keiji.

Keiji, c'est un titre qui jouit d'un grand succès au Japon, mais qui fut plus discret chez nous. En 1989, Hokuto no Ken est terminé, aussi Tetsuo Hara réfléchit à son nouveau manga. Avec des croquis préparatoires, il approche le scénariste et romancier Keiichirô Ryû, alors rongé par la maladie. Ce dernier accepte de collaborer avec le mangaka dans l'adaptation manga de son roman Ichi-Mu-An Fûryûki, basé sur la vie du samouraï Keiji Maeda. Tetsuo Hara publie l'histoire sous la forme de one-shot la même année, tandis que Keiichirô Ryû s'éteint au mois de novembre 1989. L'année suivante, Tetsuo Hara lance la série Keiji dans le Shônen Jump, une aventure qui s'achèvera en 1993 avec le volume 18, mais que le mangaka reprendra dès 2008 avec une suite. Depuis, il dessine ponctuellement de nouvelles aventures de Keiji. La dernière série en date, Maeda Keiji Kabuki Tabi, est en cours depuis 2019. Sa saga fut aussi adaptée en série animée de 25 épisodes en 2013, celle-ci étant produite par le studio Deen sur la réalisation de Bob Shirahata, et restant disponible chez nous sur Crunchyroll.

En 1582, le Japon est divisé. Nobunaga Oda s'est donné la mort lors de l'incident du Honnôji, et différentes factions du pays se livrent querelle. A cette époque, d'étranges samouraï se sont élevés : Les Kabuki-mono. Ces fiers guerriers affichaient une apparence excentrique en plus de montrer une forte indépendance, et Keiji Maeda est l'un deux. Adopté par une lignée de renom affiliée à Nobunaga Oda, le colosse n'a jamais été soumis par ses pairs. Bien qu'il reste un fier guerrier dans l'âme, il aime son indépendance qui n'a d'égal sa puissance. Et un personnage comme lui ne pouvait monter un simple cheval. C'est ainsi que ce premier tome s'ouvre sur la rencontre entre Keiji et Matsukaze, une imposante monture surnommée « l'Etalon du diable ».

Durant cette année 2021, plusieurs mangas historiques ont été publiés chez différents éditeurs, de quoi donner à un lectorat français non initié plusieurs clés de l'Histoire nippone. Parfois, c'est par hasard qui certaines chronologies se suivent où se répondent. Aussi, le contexte de Keiji est planté juste après la période dépeinte dans « L'homme qui tua Nobunaga », titre de Yutaka Tôdô s'appuyant sur les écrits et recherches de Kenzaburô Akechi, narrant l'incident du Honnôji. Keiji a donc un portée historique intéressante puisque le récit est planté dans un Japon en proie aux conflits intérieurs. Ponctuellement, ce premier tome donne quelques dates et insiste sur différents personnages, de quoi donner une crédibilité au titre de Tetsuo Hara qui puise dans l'Histoire à partir du roman de Keiichirô Ryû, tout en narrant l'aventure d'un guerrier robuste et atypique, pour un cocktail qui le rend d'entrée de jeu très attachant.

Car Keiji, c'est un héros qui semble à part des grandes figures guerrières historiques, un véritable personnage de fiction à proprement parler. Indépendant au point d'être "je-m'en-foutiste", séducteur, puissant et rieur, sa personnalité imprègne les premières pages du tome, et nous porte à chaque péripétie du Kabuki-mono. Le concept sert d'ailleurs à décrire la personnalité originale de ce Keiji, tandis que chaque chapitre de ce premier opus vient narrer une péripétie, un schéma épisodique que l'auteur préfère à l'installation d'une trame véritable pour le moment.

En tant qu'introduction, ce premier tome fait donc de très bons choix qui demeurent efficaces pour un lecteur non japonais d'aujourd'hui qui doit digérer tout un contexte auquel il n'est pas forcément familier. Ce premier tome ne nous bombarde pas inutilement de données, préférant la simplicité des situations qui seront résolues grâce au tempérament particulier du protagoniste. Et en tant qu'amoureux de la patte de Tetsuo Hara, le style qu'avait l'auteur sur Hokuto no Ken demeure intact. Visuellement, son travail reste précis et fouillé, avec une exagération de la violence qui lui est toujours propre, tandis que certaines ambiances rappellent légèrement le périple de Kenshiro. Car si Keiji est un personnage presque humoristique de par sa légèreté, c'est lorsque le fier samouraï s'illustre que ce premier tome devient un récit guerrier touchant et nuancé. Tous ces aspects combinés, alors il devient difficile de bouder son plaisir, quand bien même ces premiers chapitres ne sont que différentes aventures sans réel fil rouge, l'unique chemin scénaristique demeurant l'épopée d'un Keiji si libre qu'on ne sait vraiment de quoi ses lendemains seront faits.

Reste que l'ensemble est lié par un contexte historique, et que des ennemis sont naturellement définis. A partir de là, la fin du volume tente des avancées, l'ultime page de cet opus introductif promettant même un champ de bataille. Outre le régale des retrouvailles avec Tetsuo Hara, il y a donc bien une forme de curiosité quant à la suite de récit, au terme de cette première lecture.

Mangetsu s'imposant déjà comme un éditeur d'auteurs, avec en tête la collection Junji Itô, il est agréable de voir que Tetsuo Hara soit une autre figure phare de la maison, au point de jouir de sa collection dédiée. Le travail de fabrication proposé est alors d'excellente facture : Mangetsu privilégie cette fois le format poche (là où la collection Junji Itô se forge sur du grand format), avec un agréable travail de fabrication tant par la couverture matte et légèrement granuleuse qui atteste le côté « ancien » du récit, la présence d'une page couleur en ouverture de tome ou encore le papier fin mais qualitatif sélectionné. Le traducteur, Odilon Grevet, livre un texte fort dans ses ambiances, tout à l'image de Keiji, tandis que l'adaptation graphique de Bakayaro! se révèle de bonne facture. Une belle édition poche qui a un coût, puisque chaque tome est proposé au prix de 8,45€, un tarif fair-play étant donné la qualité de conception.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs