Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 01 Décembre 2021
Bien qu'il soit considéré comme l'un des maîtres de la science-fiction au Japon, au point d'avoir remporté plusieurs prix dans le domaine, Yukinobu Hoshino est un mangaka qui fut boudé pendant pas mal d'années en France, avant de revenir à plusieurs reprises ces dernières années. Pendant longtemps, nous ne le connaissions dans notre pays que pour Le Trou Bleu, l'un des premiers mangas édités par Casterman dès 1996 dans une édition qui souffrait de tous les défauts de l'époque, et qui a été réédité par Pika cette année tandis que sa suite Blue World arrivera en 2022. Il a ensuite fallu attendre fin 2012 pour que Glénat fasse découvrir son chef d'oeuvre 2001 Night Stories dans une édition difficile d'accès (édition collector limitée, vendue au prix fort), puis 2017 pour que Panini entame l'édition d'une autre série de l'auteur, Rain Man, dont on attend malheureusement toujours la suite. Pour un auteur si reconnu, c'est peu... mais dans tout ça, les éditions Black Box ont, elles aussi, eu l'excellente idée de vouloir faire découvrir un peu plus Hoshino en publiant simultanément, au mois de mai 2019, deux de ses oeuvres. Tout d'abord, Moon Lost -Une nuit sans lune-, fresque SF en deux tomes véritablement excellente, et que l'on ne peut que recommander aux fans du genre. Et ensuite, l'ouvrage qui nous intéresse ici: Kamunabi -Mythes et récits au féminin-. Ce one-shot est-il autant une bonne pioche que Moon Lost ? malheureusement, pas si sûr...
Kamunabi, c'est un ouvrage d'environ 200 pages, initialement sorti au Japon en 2001 chez Shôgakukan, et qui se compose de 5 histoires qui furent a priori initialement prépubliées dans le magazine Big Comic, l'édition ne précisant pas quand exactement. Et si l'on peut considérer l'unique volume comme un tout et non comme un recueil d'histoires courtes indépendantes, c'est parce que ces histoires ont toutes la même héroïnes et qu'elles affichent toute une même idée: exploiter voire revisiter différents mythes et légendes.
On suit donc ici Kana Imibe, petite soeur du célèbre professeur Shôichi Imibe, et qui est elle-même non seulement une scientifique de renom, mais aussi une experte dans l'étude des mythologies, et une enquêtrice hors-pair quand il s'agit de lever le voile sur des affaires mystérieuses ayant un lien avec lesdites mythologies. Au programme, 6 chapitres d'une grosse trentaine de pages chacun, pour un total de 5 histoires (la première, celle qui offre son nom au livre, s'étirant sur les deux premiers chapitres) où, à chaque fois, Kana mène son enquête, à partir d'un fait de départ tour à tour sordide, mystérieux voire en apparence inexplicable.
Proposer des enquêtes au fil desquelles Hoshino aura le loisir de reprendre à sa sauce différents mythes: voilà qui a vraiment de quoi séduire sur le papier. D'autant plus que l'auteur est déjà coutumier de ce genre de trip dans bon nombre de ses oeuvres (il adore se réapproprier des hypothèses, des concepts, des légendes, et les exploiter à fond ans des scénarios généralement très poussés), et qu'ici il ne va pas se limiter à un seul pays: il s'appuie certes pas mal sur les mythes japonais, mais explore aussi des légendes de Perse et d'autres endroits, voire cherche à en connecter entre elles.
Le résultat aurait pu être passionnant... et on dit bien "aurait pu", car malheureusement l'oeuvre souffre en premier lieu d'un problème qui plombe tout, son format, inadapté au propos. Que ce soit la première histoire en 60 pages ou les suivantes faisant une grosse trentaine de pages chacune, chaque récit est beaucoup trop court, obligeant alors l'auteur à tout condenser jusqu'à en devenir régulièrement indigeste. Hoshino oublie malheureusement d'offrir des enquêtes stimulantes, de proposer une vraie narration, et se contente bien souvent de quelques grandes étapes où il "vomit" en bloc ses interprétations, interprétations qui sembleront d'autant plus lourdes à une partie du lectorat qu'elles concernent généralement des mythes très peu connus par chez nous. Un signe qui ne trompe pas: le nombre de notes de traduction parfois très longues (voire parfois plus longues que les dialogues écrits par le mangaka lui-même). Heureusement qu'elles sont-là pour éclairer certaines choses (et on peut en remercier l'éditeur ainsi que les traducteurs Alexandre Goy et Corentin Le Corre), mais dans un tel contexte ça reste souvent insuffisant pour s'immerger (à la limite, on aurait beaucoup plus aimé des pages bonus expliquant plus en détails les mythes en fin de tome), et dans tous les cas ça nuit forcément au simple plaisir de lecture.
L'un des autres soucis peut éventuellement venir du manque d'intérêt des personnages, y compris l'héroïne à laquelle on ne s'attache jamais et qui ne bénéficie d'aucun développement... Et à cela, il y a peut-être une explication: au Japon, Kamunabi semble être une oeuvre faisant partie d'une saga plus vaste, composée des séries Munakata Kyouju Denkikou (7 tomes, 1995-2002), Kubirai (one-shot, 2003), et Munakata Kyouju Ikouroku (15 volumes, 2004-2011). On peut alors supposer que, concernant les personnages, nous n'avons pas toutes les clés uniquement avec Kamunabi.
Enfin, c'est aussi sur le plan visuel que Kamunabi déçoit. Que ce soit dans Moon Lost, dans Blue Hole, dans 2001 Night Stories ou dans Rain Man, Hoshino nous a habitués à des décors omniprésents, riches et profonds et à des designs maîtrisé. Or, tout au long de Kamunabi, on a des fonds certes bien présents mais généralement tirés de photos pas assez retravaillées et lisses, et des designs moins intenses et parfois inégaux.
A l'arrivée, tout désigne malheureusement Kamunabi comme une oeuvre très mineure et oubliable dans la riche carrière de Hoshino, à réserver avant tout aux collectionneurs intéressés de près par la carrière du maître.
Reste, enfin, l'édition, qui fait de son mieux. On a droit à six premières pages en couleurs, à un papier bien blanc et qualitatif, à une impression convaincante (malgré quelques moirages qui semblent surtout provenir de la qualité du matériel d'origine), à une couverture propre, à une traduction qui fait son possible malgré les gros problèmes narratifs de l'oeuvre, et à un lettrage sans couacs.
Kamunabi, c'est un ouvrage d'environ 200 pages, initialement sorti au Japon en 2001 chez Shôgakukan, et qui se compose de 5 histoires qui furent a priori initialement prépubliées dans le magazine Big Comic, l'édition ne précisant pas quand exactement. Et si l'on peut considérer l'unique volume comme un tout et non comme un recueil d'histoires courtes indépendantes, c'est parce que ces histoires ont toutes la même héroïnes et qu'elles affichent toute une même idée: exploiter voire revisiter différents mythes et légendes.
On suit donc ici Kana Imibe, petite soeur du célèbre professeur Shôichi Imibe, et qui est elle-même non seulement une scientifique de renom, mais aussi une experte dans l'étude des mythologies, et une enquêtrice hors-pair quand il s'agit de lever le voile sur des affaires mystérieuses ayant un lien avec lesdites mythologies. Au programme, 6 chapitres d'une grosse trentaine de pages chacun, pour un total de 5 histoires (la première, celle qui offre son nom au livre, s'étirant sur les deux premiers chapitres) où, à chaque fois, Kana mène son enquête, à partir d'un fait de départ tour à tour sordide, mystérieux voire en apparence inexplicable.
Proposer des enquêtes au fil desquelles Hoshino aura le loisir de reprendre à sa sauce différents mythes: voilà qui a vraiment de quoi séduire sur le papier. D'autant plus que l'auteur est déjà coutumier de ce genre de trip dans bon nombre de ses oeuvres (il adore se réapproprier des hypothèses, des concepts, des légendes, et les exploiter à fond ans des scénarios généralement très poussés), et qu'ici il ne va pas se limiter à un seul pays: il s'appuie certes pas mal sur les mythes japonais, mais explore aussi des légendes de Perse et d'autres endroits, voire cherche à en connecter entre elles.
Le résultat aurait pu être passionnant... et on dit bien "aurait pu", car malheureusement l'oeuvre souffre en premier lieu d'un problème qui plombe tout, son format, inadapté au propos. Que ce soit la première histoire en 60 pages ou les suivantes faisant une grosse trentaine de pages chacune, chaque récit est beaucoup trop court, obligeant alors l'auteur à tout condenser jusqu'à en devenir régulièrement indigeste. Hoshino oublie malheureusement d'offrir des enquêtes stimulantes, de proposer une vraie narration, et se contente bien souvent de quelques grandes étapes où il "vomit" en bloc ses interprétations, interprétations qui sembleront d'autant plus lourdes à une partie du lectorat qu'elles concernent généralement des mythes très peu connus par chez nous. Un signe qui ne trompe pas: le nombre de notes de traduction parfois très longues (voire parfois plus longues que les dialogues écrits par le mangaka lui-même). Heureusement qu'elles sont-là pour éclairer certaines choses (et on peut en remercier l'éditeur ainsi que les traducteurs Alexandre Goy et Corentin Le Corre), mais dans un tel contexte ça reste souvent insuffisant pour s'immerger (à la limite, on aurait beaucoup plus aimé des pages bonus expliquant plus en détails les mythes en fin de tome), et dans tous les cas ça nuit forcément au simple plaisir de lecture.
L'un des autres soucis peut éventuellement venir du manque d'intérêt des personnages, y compris l'héroïne à laquelle on ne s'attache jamais et qui ne bénéficie d'aucun développement... Et à cela, il y a peut-être une explication: au Japon, Kamunabi semble être une oeuvre faisant partie d'une saga plus vaste, composée des séries Munakata Kyouju Denkikou (7 tomes, 1995-2002), Kubirai (one-shot, 2003), et Munakata Kyouju Ikouroku (15 volumes, 2004-2011). On peut alors supposer que, concernant les personnages, nous n'avons pas toutes les clés uniquement avec Kamunabi.
Enfin, c'est aussi sur le plan visuel que Kamunabi déçoit. Que ce soit dans Moon Lost, dans Blue Hole, dans 2001 Night Stories ou dans Rain Man, Hoshino nous a habitués à des décors omniprésents, riches et profonds et à des designs maîtrisé. Or, tout au long de Kamunabi, on a des fonds certes bien présents mais généralement tirés de photos pas assez retravaillées et lisses, et des designs moins intenses et parfois inégaux.
A l'arrivée, tout désigne malheureusement Kamunabi comme une oeuvre très mineure et oubliable dans la riche carrière de Hoshino, à réserver avant tout aux collectionneurs intéressés de près par la carrière du maître.
Reste, enfin, l'édition, qui fait de son mieux. On a droit à six premières pages en couleurs, à un papier bien blanc et qualitatif, à une impression convaincante (malgré quelques moirages qui semblent surtout provenir de la qualité du matériel d'origine), à une couverture propre, à une traduction qui fait son possible malgré les gros problèmes narratifs de l'oeuvre, et à un lettrage sans couacs.