Kamen Rider Vol.1 - Actualité manga

Kamen Rider Vol.1 : Critiques

Kamen rider

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 29 Décembre 2022

Aaah Kamen Rider. « Raidaaa… Jump ! Raidaaa… Kick ! Kamen Raida, Kamen Raida, Raidaa, Raidaaa !“ ???? Monument de la pop-culture japonaise, pilier de la trinité Ultraman-Godzilla-Kamen Rider, l’œuvre séminale du henshin tokusatsu arrive enfin en France 40 ans plus tard sous sa forme manga, grâce aux éditions Issan Manga. Coup de rétro pour comprendre la création de l’œuvre, son impact sur plusieurs générations d’enfants japonais, et enfin sur l’édition en elle-même.


Nous sommes en 1954, la bombe Godzilla arrive sur les grands écrans japonais. Durant les 15 années suivantes, les kaijû-eiga series comme Godzilla, Daimajin ou Gamera trustent les cinémas japonais avec près de 30 films sortis durant cette période (l’équivalent des films Marvel depuis 2008). Le tokusatsu sur petit écran n’est pas en reste avec les sorties de séries TV live de Moonlight Mask (1958, noir et blanc), Ambassador Magma ou Ultraman (1966, couleur).


La même année, un jeune auteur encore lycéen du nom de Shôtarô Onodera (plus tard connu sous le nom de plume Shôtarô Ishinomori) devient l’assistant d’Osamu Tezuka sur Astroboy, et publie sa première série Nikyû Tenshi dans le magazine Manga Shônen chez Gakudôsha, à tout juste 16 ans ! En tant qu’auteur indépendant, il créé la société Ishimori Productions et jusqu’en 1970 il publie régulièrement plusieurs séries de manga parmi lesquelles Cyborg 009, Sabu to Ichi, Genma Wars, Ryû no Michi, ou encore Skullman. Ces séries en font un auteur connu et reconnu.


Nous n’allons pas rentrer en détails dans la genèse de la création de la série TV Kamen Rider, qui est un feuilleton à elle toute seule, mais sachez ceci : en 1970, la société MBS (diffuseur radio et TV de la région d’Osaka) souhaite créer avec le concours de la société Tôei une nouvelle série TV hebdomadaire à destination des enfants le Samedi à 19h30 dès Avril 1971, en reprenant idéalement le thème du héros masqué qui cartonnait à l’époque, de la même veine que Tiger Mask (manga en 1968 et série TV animée en 1969), et reprenant les codes live-action de Moonlight Mask.


Ishinomori arrive dans ce projet TV pour concevoir l’univers et designer les personnages, et propose tout un programme : le motif de la sauterelle (figure naturelle et coqueluche des enfants de l’époque), qui se transforme (henshin !) en super-héros afin de lutter contre la destruction de la planète, grâce à l’énergie éolienne générée par sa moto et captée par sa combinaison insectoïde : le motard masqué est né ! Ici pas d’agrandissement à-la Ultraman, les coûts de production sont limités, on fait les héros grandeur nature sans utilisation de maquettes miniatures. The rest is history, Kamen Rider cartonne, 98 épisodes pour la première série diffusée jusqu’à Février 1973, des cascades, explosions et autres effets spéciaux science-fictionnesques, des écoliers qui imitent la transformation de Takeshi Hongô dans les cours de récré, et des séries, films et produits dérivés à la pelle, qui se recylent presque tous les ans jusqu’à aujourd’hui (près de 40 séries différentes ces 50 dernières années)


Pour la sortie des premiers épisodes TV d’Avril 1971, MBS souhaite associer aussi une sérialisation manga chez Kôdansha (prépubliée d’abord dans le Weekly Bokura Magazine puis le Weekly Shônen Magazine), et quel meilleur mangaka pour donner vie à la série papier que le designer et concepteur du projet Kamen Rider en personne : Shôtarô Ishinomori et son studio planchent pour créer 6 longs chapitres répartis sur 5 tankôbons tout au long de l’année 1971. La série papier nous arrive en France en 2 volumes luxueux 40 années plus tard.


Dans ce premier volume, nous faisons la connaissance de notre héros Takeshi Hongô, sorte de Bruce Wayne japonais, brillant étudiant à l’université de biologie et unique héritier de la prospère famille Hongô, qui après un accident de moto (provoqué volontairement), se réveille sur une table d’opération entouré de scientifiques douteux dans une pièce de science-fiction à multiples boutons et autres écrans de monitoring dignes de 2001 L’Odyssée de l’Espace : son corps vient d’être transformé en kaizôningen (littéralement « humain transformé/amélioré » et dans la présente traduction : « cyborg ») par l’organisation maléfique Shocker qui sélectionne les meilleurs individus de chaque pays, puis les transforme et les lobotomise, afin d’asservir la planète. Heureusement pour lui, notre héros se réveille avant son opération cérébrale et parvient à s’échapper du complexe Shocker grâce à sa nouvelle force, son nouveau costume, et surtout sa superbe moto personnalisée ! (quasiment une première, car même Moonlight Mask avait une véhicule automobile dédié, mais pas aussi iconique qu’une moto)


Les trois premiers chapitres nous introduisent donc l’univers contemporain (de 1971), les personnages principaux : Tôbei, la majordome à la Alfred Pennyworth, Ruriko Midorikawa, fille du professeur ayant conçu les designs et customisations du Kamen Rider, et surtout les vilains en la présence de l’Homme-Araignée, l’Homme-Chauve-Souris et l’Homme-Cobra (oui la personnalisation des noms n’est pas dingue). On pourrait penser à un format « le méchant du jour » par chapitre, mais ce n’est pas le cas.


Ce premier volume contient 400 pages pour 3,5 longs chapitres, ce qui nous fait une moyenne de 115 pages par long chapitre (comparé aux 15 pages par chapitre du Shônen Jump actuellement, c’est immense). Dans un long chapitre de 115 pages en moyenne, il y a environ 7 sous-chapitres. Durant ces 7 semaines de prépublication, Ishinomori a eu le temps d’introduire ses personnages, les faire évoluer, faire combattre un seul vilain puis le faire revenir, et mieux faire comprendre aux lecteurs les motivations de chacun. Il aurait pu enchainer simplement les méchant semaine après semaine, et c’est n’est pas le cas. La lecture d’un long chapitre n’est pas hachée, et elle fait très cinématographique.


Justement au niveau du style, on sent bien évidemment l’influence massive d’Osamu Tezuka sur le design des personnages, mais Ishinomori a sa propre plume et ses propres trames : c’est ultra dynamique (je ne compte plus le nombre de défenestrations présentes dans ce tome), explosif, violent, le découpage est relativement espacé, il y a des doubles pages magnifiques dédiées à la toute gloire du Kamen Rider et de sa moto Cyclone, seul chevauchant les contrées nippones.


Les thèmes abordés sont étonnamment matures pour le Weekly Bokura Magazine (dédié plutôt aux enfants entre 6 et 10 ans) : pollution par les grandes entreprises, identité du « moi » devant et derrière le masque, modifications chirurgicales et transhumanisme : contrairement à Tezuka, il y a très peu d’éléments comiques dans le récit. Malgré le soutien de son majordome, Takeshi Hongô est désespérément seul face à Shocker, mais il est aussi face à ses propres démons (il est devenu un cyborg qu’il a juré de combattre), il est meurtri physiquement (des cicatrices de l’opération réapparaissent sur son visage en fonction de ses émotions) et émotionnellement (il ne peut plus faire partie du commun des mortels avec cette monstrueuse force). On ressent toute cette tristesse dans les affrontements sous la pluie, avec des cyborgs de Shocker (les hommes araignées et consorts) qui ont aussi des sentiments malgré leur transformation par Shocker, et veulent se venger des affronts du Kamen Rider.


Les affrontements sont violents, des bras sont arrachés, des soldats de Shocker et des civils sont tués, des cyborgs s’aiment et se suicident : tendu pour des enfants de 9 ans, non ? Dans quelles mains peut-on mettre Kamen Rider en 2013 ? Je dirai plutôt à l’âge du Shônen (des enfants entre 10 et 15 ans). On sent toute l’intention en tout cas de porter des thèmes forts et revendicateurs à la nouvelle génération, et pas uniquement des affrontements teintés de mercantilisme (c’est que la série doit aussi générer des ventes de produits dérivés) dénués de sens profond.


Concernant l’édition, nous avons droit à un magnifique pavé de 400 pages, en format A5 (15 x 21 cm), avec le parti pris d’avoir une reliure solide (type encyclopedia universalis d’antan, mais en plus petit), reflets argentés sur certaines écritures, et même son petit marque page en tissu, à l’ancienne ! L’impression est de qualité, et le format permet bien évidemment d’apprécier tout le travail d’Ishinomori, dans sa mise en scène, les combats, les expressions des personnages, les mécaniques moto ou encore de magnifiques doubles pages dédiées à notre héro masqué. Nous déplorons évidemment le manque des pages couleurs et bichromies de prépublication dans cette édition qui aurait dû être définitive compte tenu de la faible popularité de Kamen Rider dans l’hexagone en 2013 (les éditeurs ne vont pas s’arracher le titre pour le publier chez nous). La traduction d’Odilon Grevet et de ses correcteurs est très bonne et naturelle, facile à lire en 2013. On notera quelques coquilles regrettables dans l’encadré au dos. Concernant le prix de 30€ à sa sortie, cela reste onéreux même pour 400 pages, tout en saluant et respectant la prise de position éditoriale d’Issan Manga à destination des fans de pop-culture japonaise avertis. Prix et format qui pourrait rebuter de jeunes lecteurs contemporains habitués à de plus petits volumes, moins chers, avec un style et une esthétique qui a évolué depuis ces 40 dernières années (et se tourner par exemple vers un premier tome de Fuuto Pi). En 2022, les tomes de Kamen Rider sont trouvables uniquement en occasion, Issan Manga ayant depuis stoppé l’impression de Kamen Rider.


Ce volume (et sa suite) est une petite pièce de l’histoire japonaise. Bien plus qu’un manga publicitaire accompagnant une série TV, on sent tout le savoir faire et le génie de Shôtarô Ishinomori pour prendre le temps de comprendre ses personnages et approfondir son univers et son époque. Le scénario peut paraitre mince aujourd’hui, mais il n’en est clairement pas dénué d’intérêt, car résolument intense, et sublimé par le dynamisme et la volonté de proposer une œuvre complète et engagée à son jeune public. Kamen Rider est avant tout destiné à des fans ou lecteurs déjà connaisseurs, ou ceux voulant découvrir la genèse des super héros japonais criant « Transformation ! » et le nom de leurs attaques, et leur offrir un point d’entrée pour une incontournable licence de la culture populaire japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Shiini
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs