Kaijû Girl Carameliser Vol.1 - Manga

Kaijû Girl Carameliser Vol.1 : Critiques

Otome Monster Caramelize

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 28 Décembre 2022

Existant depuis des décennies et plus particulièrement depuis l'émergence du courant cinématographique des Kaijû Eiga dans les années 1950, les kaîju ou monstres géants ont peut-être plus que jamais le vent en poupe à l'international ces dernières années, ne serait-ce que parce que l'Occident s'est réapproprié le courant côté cinéma. Le manga n'échappe pas à la règle, en particulier depuis le grand succès à l'international de KAIJU N°8, et même s'il existait déjà un petit paquet de mangas du genre avant celui-ci (en France, on se souvient, entre autres, du très chouette Hakaiju de Shingo Honda, abandonné par les éditions Tonkam après la première saison). Face à cette hype des monstres géants, les éditions Ototo se devaient d'avoir elles aussi leur représentant du genre... mais à leur manière ! C'est ainsi qu'elles ont lancé fin octobre dans notre pays Kaijû Girl Carameliser, une oeuvre qui trouve le moyen de mélanger deux genres a priori incompatibles.

Lancée au Japon en 2018, cette oeuvre suit un rythme assez posé puisque "seuls" 6 tomes sont parus là-bas à ce jour. Il s'agit de la première publication française de Spica Aoki, une mangaka active dans son pays d'origine depuis le début des années 2010, uniquement dans le registre du shôjo. Il est d'ailleurs intéressant de constater que, même si la série est prépubliée au Japon dans un magazine généralement plutôt catégorisé seinen (le Comic Alive de l'éditeur Media Factory, d'où proviennent plusieurs mangas de Re:Zero, Iris Zero ou Seint;Gate entre autres), l'autrice et son responsable éditorial considèrent eux-mêmes que leur manga est bel et bien un shôjo, énième preuve qu'il ne vaut mieux pas strictement se fier à ces catégorisations qui sont dépassées depuis bien longtemps.

Kaijû Girl Caramelizer, c'est l'histoire de Kuroe, une lycéenne qui, depuis 16 ans déjà, souffre d'une maladie étrange que personne n'arrive à expliquer: parfois, des parties de son corps deviennent monstrueuses, plus particulièrement quand elle semble ressentir des émotions intenses. Celle-ci s'est déclarée quand, toute petite, elle a voulu déclarer son amour à un camarade de classe et a été rejetée violemment par celui-(ci après que sa main se soit transformée en quelque chose de noir et griffu. Restée traumatisée par cet événement, Kuroe a alors choisi, pendant des années, de tout simplement éviter de se lier d'amitié avec qui que ce soit afin de ne ressentir aucune émotion trop forte, en comptant alors uniquement sur le soutien d'une mère souvent inquiète pour elle mais bienveillante, même si cette dernière pourra parfois apparaître un petit peu trop insouciante au fil de ce premier tome.

"Je ne vois pas comment on pourrait m'accepter dans ce monde."

Solitaire, peu émotive, se comportant de façon presque agressive avec les camarades de classe qui essaient de l'approcher, Kuroe en subit forcément les conséquences: elle n'a aucun ami et est souvent moquées par certaines filles de la classe qui la qualifient même de psychopathe. La situation ne semble pas spécialement perturber notre héroïne: tout ça est la conséquence de son choix de rester seule pour ne pas être rejetée encore plus violemment au cas où sa maladie se manifesterait, et elle tâche depuis toujours de s'acclimater en toute discrétion à un monde qui, elle en est persuadée, ne pourrait jamais l'accepter telle qu'elle est, puisque ce monde est déjà sans cesse bourré de faux-semblants où les gens camouflent ce qu'ils sont par souci des apparences. Et pourtant, son quotidien gris risque bien d'être chamboulé quand Arata Minami, le garçon le plus populaire de la classe voire du lycée, commence à s'intéresser à elle. Alors que Kuroe voyait en Arata un simple beau gosse ayant tout pour lui et étant sans doute prétentieux, elle va rapidement découvrir un garçon mal à l'aise avec son succès, qui se contente d'être gentil avec ses groupies pour ne pas les blesser mais qui ne trouve aucun plaisir dans cette situation. Arata, lui, semble largement préférer Kuroe, cette fille hyper discrète et solitaire, que tant de monde rejette, mais dont il voit bien les qualités, comme quand elle est la seule à penser à arroser la plante de la classe. Cela pourrait signer, entre ces deux-là, le début d'une romance adolescente idéale... A ceci près qu'à force de se rapprocher d'Arata et de le voir si gentil à son égard, le pire arrive pour notre héroïne: ressentant des émotions pus puissantes que jamais, elle se transforme soudainement en monstre géant ?!

Kaijû Girl Carameliser, en mêlant deux choses qui n'ont rien à voir, est typiquement ce que l'on peut appeler une série à concept. Et en unissant ainsi de la romance lycéenne typiquement shôjo à du monstre géant, la mangaka montre qu'elle a plutôt de la suite dans les idées, même s'il faudra voir comment elle parviendra à se renouveler sur la longueur puisque c'est là que se situe généralement la principale limite de ce genre d'"oeuvre-concept".
Dans l'immédiat, sur ce premier tome, on se plaît assez à suivre les tribulations de Kuroe, jeune fille qui devient vite facilement attachante de par sa nature si particulière, une nature qu'elle préfère largement cacher pour ne plus en souffrir, alors même que dans le fond elle rêverait de pouvoir mener une vie normale (rien qu'aller manger des pancakes avec des amies serait un rêve pour elle) et d'être acceptée comme elle est.
Le côté shôjo romantique, lui, s'avère très prononcé, si bien que l'on se demande régulièrement si Spica Aoki ne se voudrait pas un peu parodique du genre ici. Tandis que l'évolution possiblement sentimentale entre Kuroe et Arata avance très vite, l'adolescent apparaît comme une caricature de perfection dont les filles peuvent s'éprendre facilement, à la fois beau et avenant mais montrant aussi, uniquement à Kuroe pour le coup, ses doutes et ses faiblesses qui le rendent plus vrai et peut-être plus craquant. Entre les jalousies des groupies d'Arata et la suspicion que ce dernier ait déjà une petite amie, l'autrice joue aussi sur des ficelles très habituelles des romances adolescentes. Et sur le plan visuel aussi, on est sur des poncifs parfois poussés à l'extrême, à l'image des grands yeux hyper expressifs de notre héroïne, avec parfois des petites étoiles ou alors de grands coeurs.
Mais c'est précisément quand ces poncifs entrent en conflit avec le reste qu'ils prennent plus de saveur, tant Spica Aoki semble vouloir assumer son trip jusqu'au bout. On se retrouvera alors avec des moments d'humour très barrés, à l'image de la dénommée Manatsu qui cache derrière son joli physique une obsession totale pour les kaijû qui la fait partir dans ses trips, de la mère de Kuroe avec son côté parfois insouciant... et, bien sûr, de Kuroe elle-même qui, même quand elle se transforme soudainement en monstre géant apte à effrayer n'importe qui, conserve cette lueur, cette expressivité, ces coeurs dans les yeux.
Au-delà du petit délire, pourtant, Kaijû Girls Carameliser séduit bel et bien encore plus dans le lien qui se met en place entre les deux personnages principaux. Face à une Kuroe bourrée de doutes et de craintes, Arata se montre bienveillant, sincère, porte sur elle un regard différent, et pourrait bien être celui qui pourra peu à peu aider la jeune fille à changer de mentalité envers elle-même. Arata, qui observe Kuroe depuis longtemps, sait voir ses qualités... mais c'est aussi Kuroe elle-même qui, sans en avoir conscience, pourrait bien pousser Arata à évoluer lui aussi, notamment en osant être plus franc envers ses groupies. restera à voir comment les choses évolueront si, un jour, Kuroe ne parvenait plus à garder sa nature secrète auprès d'Arata et des autres... Et de ce côté-là, on a déjà des possibilités d'évolution dans les toutes dernières pages, alors espérons qu'elles auront lieu.

"Si tu te détestes, alors je te dirai encore plus de choses que j'aime chez toi."

Malgré quelques inattentions visuelles qui peuvent casser l'immersion d'un lectorat trop observateur (dans le chapitre 1, quand Arata dit "On y va ?" à Kuroe, il la regarde en tournant sa tête vers sa gauche, alors que la jeune fille est sur sa droite), et même s'il est difficile de se prononcer sur ce seul premier volume tant ce genre de série à concept doit faire ses preuves sur la longueur, dans l'immédiat Kaijû Girl Caramelizer montre un certain charme. L'oeuvre mêlant deux genres n'ayant à la base rien à voir pour un résultat un peu barré, et semblant jouer un peu la carte de la parodie dans son côté shôjo romantique sans vraiment entrer pleinement dans ce côté parodique, il est difficile de conseiller ou de déconseiller ce récit qui dépendra sans aucun doute de la réceptivité de chacun(e). Mais de notre côté, le premier constat est globalement favorable.

En ce qui concerne l'édition française, Ototo nous offre une bonne copie, avec un papier souple et sans transparence permettant une honnête qualité d'impression, un lettrage soigné, une traduction claire d'Océane Tamalet, la présence de six pages en couleurs sur papier glacé dont quatre au tout début, et une jaquette restant proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs