Just NOT Married Vol.1 - Actualité manga
Just NOT Married Vol.1 - Manga

Just NOT Married Vol.1 : Critiques

Kû Neru Futari Sumu Futari

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 22 Mai 2020

Chronique 2

En tout début d'année, les éditions Kana annonçaient le lancement d'une toute nouvelle collection au sein de leur label Big Kana: "Life", une collection ayant pour but de proposer de nouveaux récits aux thèmes multiples mais ayant pour point commun de tous explorer différents aspects de la vie d'adulte: l'amour, le travail, la vie active, les collègues, la famille... du point de vue de jeunes adultes ayant les mêmes préoccupations, émotions et interrogations de la vie de tous les jours que les lectrices et lecteurs ayant la vingtaine ou plus.

La collection devait être lancée en mars, non loin des dates du salon Livre Paris, avec un premier titre en 5 tomes: Just Not Married, alias Kû Neru Futari Sumu Futari en version originale (ce qui pourrait être traduit littéralement par "Vivre, manger et dormir à deux"). Publiée au Japon de 2012 à début 2015 dans le magazine Comic Zenon des éditions Tokuma Shoten, aux côtés de titres comme Arte ou Angel Heart 2nd Season, il s'agit de la toute première oeuvre publiée en France de Kinoko Higurahsi, une mangaka active depuis 2008, qui a d'abord débuté dans le shôjo, puis qui s'est orientée vers des récits plus adultes à partir de l'oeuvre dont il est question ici. Malheureusement, Just Not Married, a l'instar du lancement de la collection Life, a joué de malchance puisque son premier tome devait initialement sortir pile la semaine du début du confinement. C'est finalement depuis le 11 mai et le déconfinement qu'on peut enfin découvrir en librairies cette première oeuvre de la collection !

On découvre ici Ritsuko Machida et Shûichi Nonoyama (alias Non-chan), deux jeunes adultes tokyoïtes qui sont en couple depuis déjà dix ans. Ils ont commencé à sortir ensemble à l'âge de 18 ans quand ils étaient en terminale, ont emménagé ensemble à 20 ans, ont désormais 28 ans, travaillent tous les deux, et vivent très bien ainsi, dans leur petit bonheur commun tranquille... mais dans leur entourage, il y a toujours les mêmes questions. Ici, des collègues s'étonnent qu'ils ne soient toujours pas mariés après tant de temps passé ensemble. Là, des proches espèrent les voir un jour faire des enfants... Mais concrètement, qu'en pensent les deux principaux concernés ? Il ne s'agit là que des questions de base d'un récit qui, avant tout, nous invitera à suivre le quotidien fait de hauts, de bas, de petits aléas, de ces deux jeunes gens qui sont bien ensemble, qui sont plus que de simples petits amis et qui ne sont pourtant pas mariés.

"C'est pour quand le mariage ?", "C'est pour quand les enfants ?"... Quel couple n'a jamais entendu ce genre de réflexions de la part de son entourage ? Il faut dire que, même si elle évolue, la société est encore bien souvent dictée par ce genre de normes qu'il est parfois possible de subir comme des obligations. Mais pas Ritsuko et Non-chan. Bien sûr, le mariage, ils y pensent un peu de temps à autre (Non-chan ayant même fait à Ritsuko une demande qu'elle n'a pas comprise !). Des enfants, ils s'imaginent bien en avoir un jour ou l'autre (tout en sachant que se dire ça, c'est très vague), mais pas maintenant, surtout que tous les deux travaillent et semblent se plaire dans leur job. Simplement, ils ne se pressent pas, vivent les choses à leur rythme, ne se sentent pas forcément encore assez matures pour ça, conservent même des petits côtés enfantins... Au bout de dix ans, leur relation n'est sans doute plus aussi excitante qu'au tout début, il y a forcément une sorte de routine qui s'est installée, il aurait pu y avoir de la lassitude... mais tout ceci, nos deux héros s'en accommodent très bien, apprécient même beaucoup cette situation, et on comprendra au fil des pages qu'ils sont véritablement bien ensemble, qu'ils sont heureux en vivant ainsi à leur rythme, qu'ils se connaissent si bien qu'il y a entre eux un besoin naturel de l'autre ainsi que des petits "gimmicks" qu'eux seuls comprennent... et cela, me^me si'l y a parfois des petites incompréhensions et différences de points de vue, choses on ne peut plus naturelles.

Et pour mettre en évidence ces petites différences, Higurashi a opté pour un procédé narratif malin: chaque chapitre, présentant une situation précise (la question du mariage, la participation de Ritsuko à un gôkon pour aider une amie, la visite à leur famille respective, l'achat de cadeaux d'anniversaire...), se divise en deux parties égales, avec dans chacune des deux la façon dont l'un des deux personnages vit cette situation. Ce procédé n'est pas nouveau, rien que dans l'univers du manga, on a pu le voir dans Destins Parallèles aux éditions Komikku ou, moins récemment, dans Made in Heaven, diptyque sorti aux éditions Asuka en 2007. Mais Kinoko Higurashi l'utilise vraiment très bien pour faire ressortir en profondeur le point de vue de chacun des deux héros, avec ce que ça implique de réflexions intérieures, de différences de compréhension... Non seulement, cela permet de cerner toujours mieux leur vision des choses: pourquoi ils aiment leur situation et restent ensemble, ce qu'ils peuvent bien aimer chez l'autre, la mise en valeur de toutes leurs petites habitudes (par exemple, Non-chan adore quand Ritsuko lui prépare à manger le matin), des choses routinières qu'ils prennent avec décontraction (comme quand, au bout de 10 ans, ils ne savent plus trop quoi s'offrir pour leur anniversaire), un certain "état des lieux" de leur parcours... Mais en plus, on a bien souvent l'occasion de voir ainsi différents aspects plus personnels de leur vie comme leur famille respective qu'ils voient plutôt rarement (et qui sont bien différentes !), ou la vie amoureuse de non-chan avant qu'il ne commence à fréquenter Ritsuko. Enfin, cette manière intelligente de narrer les choses permet aussi, bien sûr, de voir toutes les petites différences dans la manière dont nos deux héros peuvent vivre une même situation: forcément, ils ne fonctionnent pas exactement de la même manière, il y a forcément entre eux des petites incompréhensions, c'est aussi ça la vie de couple. Il n'est pas toujours évident de lire derrière les mots ou les apparences. Mais Ritsuko et Non-chan savent traverser ça à leur manière, et il y a des petites choses (comme un "merci") presque systématiques entre eux deux qui leur permettent toujours d'évacuer tout problème. Soulignons aussi la particularité du dernier chapitre, placé du point de vue de l'"ex" de Non-chan, demoiselle avec qui il est sorti quelques mois avant de connaître Ritsuko au lycée, et qu'il recroise par hasard dans le chapitre juste avant. Placé du point de vue de Non-chan, cette fille apparaît très gentille mais pourrait également sembler un petit peu superficielle mais dès lors qu'on revit les chose de son point de vue on découvre une jeune femme ayant elle aussi ses tourments amoureux (elle qui va de désillusion en désillusion, se demande forcément quelle "recette" Non-chan et Ritsuko ont pu trouver pour avoir une telle longévité dans leur vie de couple), ses regrets, ses questionnements, sa mélancolie... confirmant qu'il ne faut décidément pas se fier aux apparences.

Découvrir ces deux jeunes adultes, leur vie de couple un brin éloignée de certaines normes, leur façon d'être, leur manière de vivre les choses, leur parcours... se révèle alors particulièrement immersif, juste et crédible, à tel point qu'au bout d'un tome on a l'impression de les connaître depuis longtemps, et qu'il peut être très facile de s'identifier à eux. D'autant plus que visuellement, Higurashi fait tout pour soutenir cette impression, ses deux héros ayant des designs assez "normaux", un brin éloignés des habituels clichés de "beau gosse" ou de "canon". Ils ont tous les deux leur charme, mais un charme plus simple, pouvant plus facilement nous parler car ils n'apparaissent pas inaccessible. Leur allure à un petit côté tranquille (surtout Non-chan, qui a un côté nounours avec ses traits un peu ronds et sa barbe) qui colle bien à leur relation. A part ça, l'artiste possède un trait assez dense dans les expressions et les contours, pouvant plaire autant aux lectrices qu'aux lecteurs.

Concernant l'édition, Just Not Married possède tous les critères habituels du label Big Kana, avec un format seinen, un papier assez fin mais sans transparence, et une impression très honnête. Sur la jaquette, le logo "Life" se révèle vraiment bien pensé, dans la mesure où il ne jure aucunement: on peut le relever assez facilement pour comprendre à quel type de récit on aura affaire, mais il reste en même temps suffisamment discret. La traduction, de son côté, est assurée par Sophie Lucas, un nom que l'on a rarement vu sur du manga (elle a visiblement traduit également certains mangas de Seiho Takizawa aux éditions Paquet il y a quelques années). Ici, elle s'en sort plutôt bien, grâce à des dialogues qui sonnent généralement avec naturel, correspondant bien à la personnalité de nos deux héros.

Au bout du compte, Just Not Married inaugure d'excellente manière la collection Life, en offrant une vision moderne, crédible, immersive et mine de rien très riche du quotidien d'un couple de jeunes adultes facilement attachants. Parfois teintée d'une certaine mélancolie et d'une vision un brin acerbe des normes de la société, le récit de Kinoko Higurashi brille surtout pour sa manière de décortiquer, non sans des élans de malice et d'humour, deux jeunes adultes se contentant très bien de leur simple vie ensemble et paraissant largement assez heureux ainsi.


Chronique 1

En janvier dernier, les éditions Kana dévoilait Life, sa nouvelle collection de tranches de vie, vouées à aborder des sujets liés à la vie d'adulte. Un choix que l'éditeur justifie par une volonté de grandir avec le lectorat, initiative qu'on peut totalement saluer. Pas moins de six premiers titres furent annoncés, dont Just Not Married.

Manga de Kinoko Higurashi, le récit fut publié entre 2012 et 2015 dans les pages du magazine Comic Zenon de l'éditeur Tokuma Shoten, sous le titre original Kûneru Futari Sumu Futari, pour un total de cinq volumes. Pour notre version, un titre anglophone et plus passe partout fut donc choisi : Just Not Married

Shûichi Nonoyama et Ritsuko Machida sont en couple depuis une dizaine d'années, et installés ensemble depuis huit ans. Tout va pour le mieux entre eux, mais une particularité les distingue des autres couples : Ils ont aujourd'hui 28 ans mais ne sont pas mariés, et n'ont pas d'enfant. Aux yeux de leurs entourages respectifs, il serait temps de franchir le cap, ce qui n'est pas la priorité des deux amoureux. Car malgré la trentaine qui approche, tous deux gardent un certain côté enfantin, bien que la situation les mènent forcément vers certaines réflexions.

Par le pitch de Just Not Married, Kinoko Higurashi traite d'un sujet d'adulte plus qu'actuel : la « non conformité » de certains couples de jeunes adultes, qui tardent plus que d'autres à atteindre de nouvelles étapes souvent jugées obligatoires par la société. Une thématique très contemporaine, et dans laquelle de nombreux lecteurs pourront se reconnaître, qui prend pour cible les personnages de Nonoyama et Machida. Tous deux sont en couple depuis le lycée, ils n'en sont plus au stade du bécotage incessant, mais se satisfont de la situation actuelle. La série est vouée à narrer leur quotidien via un procédé narratif plutôt bien trouvé : Chaque chapitre se divise en deux parties, chacune d'elles livrant le point de vue de l'un et de l'autre de l'histoire.

Et sur le plan purement scénaristique, cette trouvaille de la mangaka apporte déjà une certaine fraîcheur sur toute la durée. Les situations dépeintes ont beau être basiques, les voir développées via deux angles complémentaires empêche toute redondance dans le récit, et permet d'apprécier les expériences de ces deux amants aux caractères bien différents. Et si les idées relatées n'apportent, en soit, pas de nouveautés, c'est le prisme du couple, associé à cette mécanique de narration, qui donne un certain sel à l'ensemble. Ainsi, qu'il s'agisse d'une après-midi à la recherche de cadeaux d'anniversaires, une participation à un gôkon (rencontre arrangée entre deux groupes non mixtes de célibataires) ou une visite familiale, chaque chapitre mise sur la coexistence des deux points de vue, pour donner une vision toujours savoureuses à chaque fois.

Car cela permet à Nonoyama et Machida de s'exprimer sur les situations, et donc sur certains aspects de la vie de tous les jours. En filigrane, de nombreux thèmes sont alors abordés : Les deux personnages, par leurs points de vue, versent parfois dans la critique de société, quand il ne s'agit pas juste pour eux de dresser un regard sur leur parcours, et se questionner sur leur bonheur actuel. Par ces points de vue, il est facile de se positionner, et de se mettre à la place des deux protagonistes. Même si l'ambiance se veut légère, voire très drôle par moment, impossible de ne pas voir le petit côté mélancolique de ces premiers chapitres, où il est question de notre rapport au temps et aux relations d'une manière générale. La problématique qui résonne demeure les contraintes de la société sur notre existence amoureuse, mais celle-ci est mêlée à un côté intimiste qui donne un résultat saisissant à chaque chapitre.

Tout ceci est globalement sublimé par la patte de la mangaka, que nous découvrons en France à l'occasion de ce titre. Kinoko Higurashi a un trait dense, qui contribue grandement au cachet esthétique, mais aussi une patte expressive qui aide grandement à l'impact des situations. Le récit est drôle quand il le doit, visuellement surtout, et se pose de la même manière lorsque le ton se veut plus sérieux.

Concernant l'édition, Kana livre une copie globalement correct. Le papier sélectionné a beau être fin (comme toujours chez l'éditeur), il demeure de bonne facture, tandis qu'on apprécie le papier mât sélectionné pour la couverture et la présence d'une page couleur en ouverture de titre.
La traduction de Sophie Lucas demeure globalement efficace, bien vivante et juste quand il s'agit de faire vivre le récit par les caractères des personnages... mais un sérieux bémol subsiste : L'utilisation des suffixes tels que -chan ou -san. Ces particules n'ont strictement rien à faire dans une traduction professionnelle, et en voir fleurir ponctuellement peut sortir le lecteur du récit à certains instants.

Just Not Married, outre son excellente qualité de récit, confirme le bon démarrage de la collection Life des éditions Kana. Mature, le titre aborde avec justesse et beaucoup d'humour certains tracas de la vie de couple chez des jeunes adultes, en confrontant moult situations à une pression sociétale qui ne concerne pas que le Japon. Un récit malin d'une autrice qui utilisant habilement un procédé narratif pertinent, si bien qu'on a déjà hâte de découvrir les péripéties quotidiennes prochaines de Nonoyama et Machida.
   

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs