Jour du typhon (le) - Actualité manga
Jour du typhon (le) - Manga

Jour du typhon (le) : Critiques

Taifû no Hi

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 21 Décembre 2022

Le Lézard Noir continue de nous inviter à découvrir la belle bibliographie de Keigo Shinzô, et cela depuis désormais quelques années, ce jeune et talentueux portraitiste du Japon actuel étant devenu un artiste véritablement emblématique de l'éditeur poitevin. Ainsi, en attendant en 2023 sa dernière série en date, le très prometteur Hirayasumi, c'est le tout première recueil d'histoires courtes de la carrière de Shinzô qui a été rendu disponible dans notre langue depuis le mois de septembre dernier: Le Jour du Typhon, alias Taifû no Hi en japonais. Sorti dans son pays d'origine en 2012, cet ouvrage d'environ 200 pages regroupe des récits qui furent initialement prépubliés dans différents magazines de l'écurie Spirits des éditions Shogakukan, et plus précisément les 7 premières histoires courtes de la carrière de l'auteur. Celles-ci ont ainsi vu le jour entre septembre 2008 pour "En captivité", toute première publication professionnelle de Shinzô pour laquelle il remporta un concours de jeunes talents, et septembre 2012 pour "Le Cygne", la plus récente histoire du recueil. Parallèlement à la conception de ses brefs récits, le mangaka travaillait alors déjà sur les deux premières séries de sa carrière, L'auto-école du collège Moriyama puis Summer of Lave, toutes deux déjà publiées dans notre langue.


Un monstre amateur de bières qui s'est échappé pour se réfugier chez un gosse. Un yakuza pourchassé qui débarque chez un mangaka raté afin de se planquer. Une chatte recueillie par un jeune homme qui se transforme en jeune femme si mignonne mais un peu tyrannique et revancharde (enfin c'est ce qu'il croit...). Un petit garçon qui loge chez lui un extraterrestre qui se comporte comme un bienveillant grand frère. Un jeune chômeur et un père de famille divorcé et viré de son travail qui émettent de nouveaux projets de vie dans un pédalo en forme de cygne. Un jeune couple à la recherche d'un appartement à Tokyo. Deux colocataires qui continuent tranquillement leur vie dans leur appartement pendant qu'un typhon inonde tout à l'extérieur.


Voici ce qui nous attend dans ce recueil, au fil de sept histoires qui ont toutes un point commun, à-vrai-dire un gimmick qui se retrouve dans la très grande majorité des histoires de Keigo Shinzô: la mise en scène de duos tour à tour insolites (le gosse/le monstrobière, l'enfant/l'extraterrestre), tout à fait banals (le couple cherchant un appartement, les colocataires), ou alors mal assortis (le mangaka raté/le yakuza, les deux chômeurs d'âges et de parcours bien différents, le jeune homme et la soi-disant fille-chatte tyrannique), mais qui ont au final quelque chose d'attachant et qui les rattache un peu. L'auteur aime ce procédé depuis toujours, et en découvrir les fondements est alors un plaisir au fil de ces récits où l'humour, une pointe d'absurde, des éléments surnaturels et des bribes de portrait de société (comme le chômage ou la folie de la recherche d'appartement dans la dense jungle urbaine tokyoïte) peuvent tout à fait se côtoyer, sans oublier des chutes qui offrent souvent une petite surprise. Et ici, d'une manière ou d'une autre, tous les personnages se retrouvent à un tournant plus ou moins fort de leur vie ou à un événement important, que ce soit le chômage, le début d'une possible vie commune en couple, une catastrophe naturelle (même si elle ne perturbe aucunement le quotidien des deux personnages principaux), ou tout simplement une rencontre peu commune.


Comme il le dit lui-même dans sa très brève postface, Keigo Shinzô envisage les histoires courtes différemment des séries: pour lui, elles sont généralement un terrain d'expérimentations, ce qui est d'ailleurs le cas de pas mal de grands mangakas (l'exemple le plus parlant étant sûrement Naoki Urasawa, capable de toutes sorte d'éléments inventifs dans ses recueils). Prenant parfois appui sur quelques expériences personnelles (sa recherche d'appartement, le souvenir de certains amis du lycée...), le mangaka se fait ensuite un plaisir de jouer sur différentes tonalités, mais aussi de tester son coup de crayon encore balbutiant pour le peaufiner, au gré de petites idées de mise en scène parfois très intéressantes et de designs qui rappellent à plusieurs reprise Taiyou Matsumoto, son maître à penser.


A vrai-dire, il ne faut pas forcément attendre beaucoup plus de ces histoires courtes, mais c'est déjà largement suffisant pour faire un très bon recueil. On suit avec intérêt les tâtonnements d'un artiste alors en début de carrière, ses premiers évolutions, l'installation de ses gimmicks... Ce n'est pas forcément avec ce recueil qu'il faudrait s'initier à l'auteur pour les néophytes (pour ça, il faudra préférer un récit comme le génial Summer of Lave), mais il s'agit plutôt d'un indispensable pour quiconque souhaite approfondir ses connaissances du "style Shinzô" et mieux découvrir les bases de son univers.


L'édition française, elle, est dans la droite lignée des habitudes du Lézard Noir sur cet auteur et plus généralement sur son catalogue: on retrouve le grand format sans jaquette ni rabats typique de l'éditeur, une excellente traduction d'Aurélien Estager qui est un grand habitué du mangaka, un lettrage soigné, une bonne qualité de papier et d'impression, et une couverture assez fidèle à l'originale japonaise jusque dans la transparence de son logo-titre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs