J'en croque pour toi ! : Critiques

Kimi wa ma Chérie

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 24 Novembre 2020

Aux côtés du très sympathique Everyday is a Good Day, J'en croque pour toi ! est venu marquer, début novembre, la toute première incursion des éditions Akata dans le registre du manga estampillé boy's love. Mais ce n'est pas pour autant que l'éditeur va briser son ingénieux système de collection: ainsi le titre intègre-t-il la collection "Large" dédiée à un public assez mâture, aux côtés d'autres titres de divers horizons comme Autour d'elles, En proie au silence, Moi Aussi... Bref, un choix plaisant de faire fi des habituelles catégorisations auxquelles ont fait souvent trop attention.

Prépublié courant 2019 sous le titre Kimi wa ma Chérie dans le magazine B's-Lovey Recottia d'Enterbrain/Kadokawa (magazine que l'on connaît aussi en France pour avoir accueilli le très bon The first love melt in ultramarine), J'en croque pour toi ! est la toute première oeuvre de la mangaka Nanori Iragi. Dans ce one-shot d'environ 160 pages, la jeune autrice nous immisce dans une entreprise japonaise classique, à la découverte de l'histoire d'amour naissante entre deux hommes que rien ne semblait devoir rapprocher.

Car effectivement, le dénommé Itô est, à la base, reconnu comme étant un véritable Dom Juan avec la gent féminine. Grand, beau gosse, à l'allure classe, il a toujours naturellement attiré à lui nombre de femmes sans même avoir à faire d'efforts, et n'a jamais songé à établir une vraie relation longue. Pourtant, cet homme à femmes semble quelque peu perturbé quand arrive dans l'entreprise une nouvelle recrue, Kawai, un jeune homme gentil tout plein mais légèrement potelé et adorant manger. tandis que Kawai attire la sympathie des autres, Itô, lui, ne peut s'empêcher de le taquiner en permanence, de lui faire des remarques sur ses rondeurs, de faire des réflexions en le regardant manger... mais que cache réellement ce comportement ? A vrai dire, Itô ne sait pas encore lui-même pourquoi il agit ainsi alors qu'il a lui-même conscience que Kawai est adorable, et ce n'est que petit à petit qu'il finira par comprendre...

La naissance d'un amour entre deux hommes que tout oppose en apparence: la base est on ne peut plus classique dans le domaine du boy's love, et cela tend globalement à se confirmer au fil de la lecture, surtout pendant la première moitié qui nous place du point de vue d'Itô. On pourrait même trouver que cette première moitié est un peu rapide... mais peut-être est-ce pour mieux permettre à l'autrice de développer son propos sur la longueur, dès lors qu'arrive la deuxième moitié qui donne plus de dans à ce qui a précédé ? En effet, dans les 80 première pages on se contente surtout de suivre la rapide évolue intérieure d'Itô et la prise de conscience de ses sentiments. Ses taquineries envers Kawai ne sont pas gratuites, mais encore faut-il que le Don Juan en comprenne la signification, ce qui passe par plusieurs étapes. L'homme peut d'abord tout simplement semble vachard voire se moquer du physique de Kawai, mais c'est peu à peu qu'on voit qu'il n'en est rien et qu'il aime observer ce collègue qui le déstabilise: il le trouve mignon quand il manque, trouve adorable ses sourcils qui descendent quand il rigole, etc... Mais Itô devra surtout d'abord prendre conscience que les taquineries qu'il fait peuvent blesser Kawai, chose qu'il ne voulait absolument pas dans le fond. Et tandis que notre homme remarque également bien les qualités de cet employé potelé qui est droit et qui n'hésite pas à affirmer ses opinions, c'est également sur lui-même qu'il s'interroge: lui qui était habitué à voir les femmes le convoiter, depuis combien de temps n'avait-il pas fait le premier pas vers quelqu'un ? Le troisième chapitre, lui, est intéressant car il change de point de vue et nous immisce plus auprès de Kawai, jeune homme résolument adorable, ayant un certain manque de confiance en lui mais étant heureux de ce qui s'installe entre Itô et lui, l'autrice abordant très vite mais plutôt bien le ressenti de l'autre héros de son oeuvre. Quant au quatrième chapitre, il propose une rapide histoire de rivalité amoureuse très standard mais qui cristallise bien ce qui attend Itô dans l'étape suivante de sa relation, à savoir parvenir à assumer auprès des autres son amour, à l'affirmer sans gêne pour pouvoir le vivre d'autant mieux.

En somme, même si l'histoire reste plutôt rapide et qu'elle joue sur des avancées et rebondissements standards, c'est plutôt le propos distillé en filigranes qui séduit beaucoup, autour de ces deux hommes tout deux maladroits dans leur genre, mais apprenant peu à peu de leurs erreurs (enfin, surtout Itô) pour mieux communiquer ensemble et vivre leur amour. Il se dégage alors quelque chose de très frais et positif à la lecture, d'autant que la mangaka anime de temps à autre les choses par des personnages secondaires discrets mais efficaces, et qu'elle dévoile un trait très clair bien porté par les nombreuses expressions tantôt adorables tantôt amusantes de ses héros. Enfin, notons tout de même quelques moments érotiques brefs mais qui auraient éventuellement pu mériter une mention "pour public averti", d'autant que le premier de ces moments, en plus d'être un peu soudain, est légèrement plus explicite que les suivants.

Il reste néanmoins qu'en dehors de ce détail, l'édition française est très soignée, que ce soit pour papier souple et assez épais, sa bonne impression, son excellente traduction d'Aline Kukor ou son lettrage appliqué d'Elsa Pecqueur. La jaquette, elle, reprend l'illustration de l'originale japonaise mais en potant plutôt pour un fond bleu ciel bien dans le ton frais de l'oeuvre, tandis que le logo-titre imaginé par Clémence Aresu est très plaisant.

Au bout du compte, J'en croque pour toi !, sur un pitch de base assez classique du genre, développe un petit récit bourré de fraîcheur et bien porté par le besoin de communication, d'acceptation et de compréhension mutuelle de ses deux personnages principaux. Une jolie pioche, pour une jeune artiste sur qui on gardera un oeil.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction