Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 30 Mai 2025
Registre très présent voire surreprésenté dans le catalogue des éditions Meian (entre autres), l'isekai n'en reste pas moins un créneau très populaire et fructifiant depuis déjà plusieurs années, en donnant naissance à des oeuvres à la qualité très, très variable, où le très bon peut largement côtoyer le passable et le nullissime. Alors, de quel côté se range Isekai Samurai, nouveauté lancée en France en cette toute fin de mois de mai ? C'est ce que nous allons modestement essayer de voir dans ces quelques lignes.
Lancée au Japon en 2023 sur le site Isekai Comic, un label dédié à l'isekai du site de prépublication Comic Walker des éditions Media Factory/Kadokawa, cette oeuvre compte cinq volumes à l'heure où cette chronique est écrite. Il s'agit là de la toute dernière série en date de Keigo Saitô, un mangaka qui était jusque-là inédit en France mais qui a déjà quelques titres à son actif dans son pays d'origine depuis ses débuts professionnels en 2018.
Ce qui est bien avec le titre de ce manga, c'est qu'en plus de ne pas être un titre à rallonge sans inspiration comme tant d'isekai, il donne une idée aussi simple que directe du contenu. A l'heure où la Bataille de Sekigahara, ayant eu lieu en 1600, va bientôt bouleverser l'Histoire du Japon en le plongeant dans près de trois siècles d'isolationnisme, on découvre Ginko Tsukitsuba, une jeune fille qui, malgré sa jeunesse, son statut féminin et son petit gabarit, brille dans l'Art du sabre. Voici déjà longtemps que celle-ci, nourrie par l'exemple de son père malgré les réticences de ce dernier, a choisi de devenue une fière samouraï, en mettant avant tout en avant un désir: mourir dès que possible avec tous les honneurs d'une bretteuse hors-pair. C'est bien en suivant ce code d'honneur qu'elle a tué son père et maître en suivant les traditions. Et à présent, celle qui a un talent inné pour le maniement du sabre et qui a refusé de vivre en tant que femme attend avec espoir son heure à Sekigahara, où elle compte bien rendre son dernier souffle en défendant ardemment ses convictions. Et pourtant, lors de la fameuse bataille, son monde s'effondre: après s'être évanouie et laissée pour morte lors d'une rixe, elle se réveille en étant l'unique survivante de son camp et en ressent un grand déshonneur. Or, c'est en maudissant ce destin, en errant longtemps puis en priant Bouddha de lui donner un moyen de mettre fin à sa vie que, inexplicablement, elle se retrouve propulsée dans un autre monde auquel elle ne comprend pour l'instant rien et qui, pour tout amateur de fantasy, sera assez parlant avec d'emblée son lot de magie, d'orcs, de dragons et d'autres créatures...
D'emblée dans cette série, l'idée d'exploiter le code d'honneur des samouraïs est assez intrigante en vue de la suite: l'auteur extrapole juste comme il faut la volonté de mourir avec les honneurs propre au bushido, pour ensuite tout naturellement nous questionner sur la possible nouvelle vie qui attend Ginko: va-t-elle reste cloisonnée à cette volonté de trépasser dignement sans rien d'autre, ou va-t-elle s'éveiller à d'autres manières de mener sa vie dans cet autre monde radicalement différent du sien ? Le parcours pour le découvrir risque d'être long, et pour l'heure il n'en est qu'à ses balbutiements puisqu'il est d'abord question pour la jeune fille de voguer au gré de ses premières découvertes et rencontres pour comprendre ce monde, et inévitablement de mener des premiers combats contre des monstres, en démontrant ses incroyables qualités au sabre qui pourraient rapidement attirer l'attention.
Sur le plan de l'histoire, il n'y a alors pas forcément grand chose de plus à dire pour ce premier tome qui sert surtout d'introduction et de mise en place immersifs. Et si ces débuts nous immergent sans difficulté, c'est aussi en grande partie grâce aux qualité visuelles évidentes du mangaka. Keigo Saito développe effectivement un rendu graphique qui sa veut assez riche, ne serait-ce que dans les architecture du Japon d'il y a quelques siècles au début puis dans celles plus typés fantasy par la suite, ce qui est notamment l'occasion de jouer soigneusement sur un certain contraste entre l'allure "médiévale" de notre héroïne et le côté fantastique du monde où elle est projetée, avec son lot d'espèces (elfes en tête) et de créatures monstrueuses, créatures par ailleurs elles aussi très soigneusement et intensément croquées. On appréciera aussi assez facilement le contraste entre les designs un peu mignons et parfois humoristiques et le côté dangereux et implacable de ce monde, le côté un peu "héroïne tragique et mélancolique" que Ginko dégage pour le moment derrière ses bonnes bouilles et sa grande force, ou encore certains personnages secondaires déjà assez truculents comme Miko, une orpheline passionnée d'horticulture, Gibril, la soeur elfe qui a élevé Miko et qui est extrêmement attachée à elle, et bien sûr certaines menaces qui se profilent tranquillement. Quant aux scènes d'action, pour l'instant elles sont certes amples mais restent très, très brèves, en ayant surtout pour fonction de montrer les grands talents de Ginko au combat.
A l'arrivée, il y a de quoi très facilement se laisser happer par ce premier volume. Les bases de l'isekai sont là en ne montrant pour l'instant rien de très original, mais la nature de samouraï de l'héroïne, son côté attachant, la possibilité qu'elle se trouve ou non un autre destin que la mort dans cet autre monde, ou encore les grosses qualités visuelles, sont autant d'atouts donnant franchement envie de voir ce que l'auteur nous réserve !
Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, on ne donnera pas d'avis sur l'édition.