Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 25 Janvier 2023
C'est un court manga plutôt intrigant qui a été lancé en France par les éditions Doki-Doki en ce mois de janvier: Isekai Anime Studio. Tout est dans le titre de cette oeuvre achevée en 3 volumes, qui reprend à sa façon le principe de l'isekai, mais en l'inversant afin de nous plonger dans les coulisses de la création d'animes. Deuxième série de la carrière de Kakuchoshi (un mangaka inédit en France jusque-là), l'oeuvre a été prépubliée au Japon de 2020 à tout début 2022 sur l'application Comic Fuz des éditions Hôbunsha, une application qui a aussi vu passer les séries Demon Lord & One Room Hero (édité en France par Meian) et Balade au crépuscule (Noeve Grafx).
On découvre ici Sakura Miyone alias Yone, une jeune animatrice qui officie pour le studio Ashita. Passionnée, impliquée et très talentueuse, elle fait la fierté du studio, si bien qu'elle pourrait bientôt se voir confier des projets plus importants, notamment en tant que directrice artistique, entre autres sur l'anime isekai du moment ! Mais pour cela, elle ne s'attendait pas forcément à vivre une expérience on ne peut plus étonnante: en allant un beau jour sur son lieu de travail, elle trouve, à la place de ses collègues habituels, une étrange jeune fille: Sofie, qui se présente comme une magicienne et qui ne tarde pas à le démontrer. Il s'avère que cette dernière a invoqué dans son monde fantasy d'origine les collègues de Yone qui ont visiblement pour tâche de sauver cet autre univers... Voici donc notre héroïne seule dans son studio, mais pas pour longtemps. Tout d'abord parce qu'elle peut continuer de communiquer avec ses collègues par le son et l'image grâce à la magie de Sofie. Mais surtout parce que, en guise de compensation, la magicienne a le droit de transporter dans notre monde différents habitants de son univers d'origine, à savoir des créatures mythiques, afin de former temporairement une nouvelle équipe de choc au sein du studio Ashita...
Isekai Anime Studio fait donc partie de ces mangas à concept, qui mêlent des sujets qu'on n'a pas l'habitude de voir ensemble, à savoir ici les coulisses de travail dans un studio d'animation et le concept d'isekai que l'auteur tourne volontiers un peu en dérision, que ce soit en l'inversant pour faire pulluler des créatures fantastiques dans notre monde ou en parodiant certains poncifs du genre (en tête, dès les premières pages, le cliché habituel du camion qui amusera sans doute les habitués de l'isekai). L'oeuvre arrive en France chez Doki-Doki au bon moment, en prenant un petit peu la relève d'une autre tranche de vie à concept qui reposait aussi sur la présence d'êtres fantastiques dans notre monde: le sympathique 50 nuances de gras, dont la saison 1 s'est achevée en décembre dans notre pas, tandis que l'on espérera patiemment la saison 2 pour plus tard.
Après une mise en place assez rapide et simple mais efficace grâce au côté décalé de la situation mais aussi des personnages (que ce soit les créatures, ou les membres du studio qui tâchent d'accomplir tranquillement leur mission de sauvetage dans l'autre monde), le récit s'applique rapidement à installer la novelle équipe improbable chargée de soutenir Yone dans son travail, pour un résultat bien vivant, haut en couleurs et souvent amusant. Au-delà du côté purement décalé de la situation, on découvre tout un petit bestiaire: ondine, elfe, carbuncle, fée, gobelin, slime, kraken, gargouille, golem... auxquels notre héroïne va devoir trouver un rôle adéquat, petit à petit, au sein du studio. Chacun trouve peu à peu son rôle, de façon plus ou moins prégnante, mais en faisant régulièrement sourire grâce à une certaines inventivité de la part du mangaka. Il va falloir expérimenter, voir ce qui convient ou non à chaque créature (par exemple, il ne vaut mieux pas que l'ondine travaille sur papier...), et c'est ainsi que l'équipe doit trouver ses marque, sous la houlette de Yone, afin de faire du bon travail. Et ce travail, justement, n'est pas au second plan, puisque ce nouveau quotidien loufoque permet au mangaka d'offrir régulièrement différentes petites informations sur les coulisse de la création d'un anime. Il ne faut pas s'attendre à quelque chose d'hyper pointu, mais l'immersion est là avec son petit lot de détails et de brefs éléments techniques. Kakunoshi trouve ainsi un équilibre assez bon entre le côté didactique de son manga et l'aspect humoristique, décalé et haut en couleurs. Et il appuie cela avec un dessin bien dans le ton, à la fois classique et clair dans son découpage, expressif, et soigné dans les designs colorés de ses personnages humains comme non-humains.
En ce qui concerne l'édition française, la copie est belle avec une jaquette haute en couleurs et assez proche de l'originale japonaise, la présence d'une première page en couleurs sur papier glacé, un papier assez épais permettant ne bonne qualité d'impression, une traduction emballante et claire (y compris dans les quelques termes techniques) d'Aude Boyer, et un lettrage soigné du Studio Charon.