Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 22 Décembre 2021
Pour Iwao Shishido, le poids du célibat a été toujours plus alourdi par son entourage et, peut-être, par sa propre vision de la chose et des femmes. Que ce soit les récits de ses "exploits" sexuels par son irritant collègue Saitô, les incessantes pressions de sa certes aimante mais très intrusive mère pour qu'il trouve une compagne, et la "goutte de trop" que fut la fêlure de son image idéalisée de sa collègue Aïko, le quarantenaire a cédé à la tentation du mariage transnational, et revient des Philippines avec une épouse: Irène Gonzales, 18 ans, mignonne et bourrée d'énergie. Mais l'arrivée de cette "étrangère" au village risque bien d'être vécu comme une intrusion dans un contexte très délicat puisque, pendant son absence, le père d'Iwao est décédé...
Ayant brillamment planté le décor rural, marginal et "arriéré" (j'aurais aimé trouvé un synonyme moins négatif) du récit, le tome 1 d'Irene offrait des dernières dizaines de pages fortes, marquée par l'entrée en scène de notre pétillante héroïne, dont la joie contrastait malheureusement avec le difficile contexte de la cérémonie mortuaire du père d'Iwao, ce qui soulignait déjà parfaitement une chose: la différence culturelle d'une jeune fille débarquée là sans savoir ce qui se passe et en ne parlant quasiment pas la langue, contexte tristement voué à attirer sur elle les foudres injustes des villageois. Après cette entrée en scène percutante d'Irène, Hideki Arai fait le choix intelligent, dans la première partie de ce 2e tome, de revenir en arrière pour exposer à nouveau tous les récents événements (les absences répétées d'Iwao au village, etc), pour exposer tout ce qui s'est passé du côté du quarantenaire, depuis sa décision de contacter une agence de mariage transnational jusqu'à son retour au village, en passant surtout, bien sûr, par son voyage aux Philippines et la façon dont il a jeté son dévolu sur Irene.
Et le constat sur toute cette partie est simple: sans prendre de gants, Arai dépeint la folie de chacune des étapes ayant amené Iwao à aller acheter (puisque c'est littéralement ça) une épouse dans un autre pays, une jeune fille d'à peine 18 ans qu'il n'avait jamais vu avant. Que ce soit l'agence organisant ce type de chose, les gens qui décident de passer par ce genre de procédé, les candidates qui sur place défilent comme de la marchandise, les différences de condition de vie dans cet autre pays bien moins développé que le Japon, la façon dont les parents d'Irene vendent leur fille pour de l'argent, ou encore la façon dont Iwao finit par jeter son dévolu sur Irene en disant que ça lui est égal et que "ça ira très bien avec celle-ci", tout respire l'aberration, pour une critique sociale d'ores et déjà assez vindicative. Et forcément, la première victime de tout ça n'est autre qu'Irene.
Irene, vendue en mariage à un inconnu, et vouée à se retrouver dans le fin fond d'un pays étranger dont elle ne connaît que très vaguement la langue et quasiment pas les moeurs et la culture. Irene que, pourtant, on découvre bourrée de vie, tout sourire, joyeuse. C'était déjà le cas dans la partie du tome 1, ça l'est plus encore dans la première partie de ce volume 2: avec son énergie débordante, sa façon innocente de s'amuser avec un petit tricycle ou de bondir partout, ou simplement son très large sourire, elle a d'emblée quelque chose qui la rend très attachante... et c'est donc avec d'autant plus de peine que l'on voit déjà se grand sourire se transformer en quelque chose d'autres au fil de la deuxième partie du tome. Bien sûr, il y a les regards que les villageois posent envers cette "étrangère" sortie de nulle part, qui fleurent déjà la peur de l'autre et le racisme, mais ça, la jeune fille ne le ressent peut-être pas encore si fortement que ça pour l'instant. En revanche, le comportement qu'Iwao finit par avoir envers elle, c'est autre chose, et c'est déchirant, cette fille sortant à peine de l'adolescence et expédié au japon comme un colis se retrouvant d'emblée face à la brutalité misogyne d'un mari qui est à deux doigts de la violer sans qu'elle y comprenne tout.
La lecture est terrible, prend aux tripes... mais l'intelligence de Hideki Arai, c'est sûrement de garder des nuances, grâce à ce portrait quasiment naturaliste installé dans le tome 1 et qui, plus que d'accuser des personnages en particulier, pointe le doigt sur les dérives de la société de manière générale. Par exemple, Iwao agit d'une façon misogyne absolument détestable envers Irene, mais Arai pointe surtout ce qu'il y a derrière, à savoir tout ce qui a conditionné son "craquage" dans la chambre d'hôtel: les attentes qu'ont fait peser sur lui ses proches et les diktats de la société, la façon dont il a trouvé son épouse, et sans doute surtout ses décennies de célibat faisant qu'il ne connaît rien aux femmes hormis des choses comme les récits d'"exploits" sexuels d'un Saitô ne respectant aucunement les femmes, les "faveurs" de Yoshie, ou encore la vision idéalisée qu'il se faisait d'Aïko en tant qu'"objet" de convoitise pur et doux. C'est tout un portrait de misère sociale dans une ruralité marginalisée, esseulée, délaissée, et donc empétrée dans ses préjugés, que le mangaka semble surtout démarrer avec force et choc. Et forcément, c'est avec autant d'intérêt que de crainte que l'on suivra la nouvelle vie d'Irene dans ce cadre...
Ayant brillamment planté le décor rural, marginal et "arriéré" (j'aurais aimé trouvé un synonyme moins négatif) du récit, le tome 1 d'Irene offrait des dernières dizaines de pages fortes, marquée par l'entrée en scène de notre pétillante héroïne, dont la joie contrastait malheureusement avec le difficile contexte de la cérémonie mortuaire du père d'Iwao, ce qui soulignait déjà parfaitement une chose: la différence culturelle d'une jeune fille débarquée là sans savoir ce qui se passe et en ne parlant quasiment pas la langue, contexte tristement voué à attirer sur elle les foudres injustes des villageois. Après cette entrée en scène percutante d'Irène, Hideki Arai fait le choix intelligent, dans la première partie de ce 2e tome, de revenir en arrière pour exposer à nouveau tous les récents événements (les absences répétées d'Iwao au village, etc), pour exposer tout ce qui s'est passé du côté du quarantenaire, depuis sa décision de contacter une agence de mariage transnational jusqu'à son retour au village, en passant surtout, bien sûr, par son voyage aux Philippines et la façon dont il a jeté son dévolu sur Irene.
Et le constat sur toute cette partie est simple: sans prendre de gants, Arai dépeint la folie de chacune des étapes ayant amené Iwao à aller acheter (puisque c'est littéralement ça) une épouse dans un autre pays, une jeune fille d'à peine 18 ans qu'il n'avait jamais vu avant. Que ce soit l'agence organisant ce type de chose, les gens qui décident de passer par ce genre de procédé, les candidates qui sur place défilent comme de la marchandise, les différences de condition de vie dans cet autre pays bien moins développé que le Japon, la façon dont les parents d'Irene vendent leur fille pour de l'argent, ou encore la façon dont Iwao finit par jeter son dévolu sur Irene en disant que ça lui est égal et que "ça ira très bien avec celle-ci", tout respire l'aberration, pour une critique sociale d'ores et déjà assez vindicative. Et forcément, la première victime de tout ça n'est autre qu'Irene.
Irene, vendue en mariage à un inconnu, et vouée à se retrouver dans le fin fond d'un pays étranger dont elle ne connaît que très vaguement la langue et quasiment pas les moeurs et la culture. Irene que, pourtant, on découvre bourrée de vie, tout sourire, joyeuse. C'était déjà le cas dans la partie du tome 1, ça l'est plus encore dans la première partie de ce volume 2: avec son énergie débordante, sa façon innocente de s'amuser avec un petit tricycle ou de bondir partout, ou simplement son très large sourire, elle a d'emblée quelque chose qui la rend très attachante... et c'est donc avec d'autant plus de peine que l'on voit déjà se grand sourire se transformer en quelque chose d'autres au fil de la deuxième partie du tome. Bien sûr, il y a les regards que les villageois posent envers cette "étrangère" sortie de nulle part, qui fleurent déjà la peur de l'autre et le racisme, mais ça, la jeune fille ne le ressent peut-être pas encore si fortement que ça pour l'instant. En revanche, le comportement qu'Iwao finit par avoir envers elle, c'est autre chose, et c'est déchirant, cette fille sortant à peine de l'adolescence et expédié au japon comme un colis se retrouvant d'emblée face à la brutalité misogyne d'un mari qui est à deux doigts de la violer sans qu'elle y comprenne tout.
La lecture est terrible, prend aux tripes... mais l'intelligence de Hideki Arai, c'est sûrement de garder des nuances, grâce à ce portrait quasiment naturaliste installé dans le tome 1 et qui, plus que d'accuser des personnages en particulier, pointe le doigt sur les dérives de la société de manière générale. Par exemple, Iwao agit d'une façon misogyne absolument détestable envers Irene, mais Arai pointe surtout ce qu'il y a derrière, à savoir tout ce qui a conditionné son "craquage" dans la chambre d'hôtel: les attentes qu'ont fait peser sur lui ses proches et les diktats de la société, la façon dont il a trouvé son épouse, et sans doute surtout ses décennies de célibat faisant qu'il ne connaît rien aux femmes hormis des choses comme les récits d'"exploits" sexuels d'un Saitô ne respectant aucunement les femmes, les "faveurs" de Yoshie, ou encore la vision idéalisée qu'il se faisait d'Aïko en tant qu'"objet" de convoitise pur et doux. C'est tout un portrait de misère sociale dans une ruralité marginalisée, esseulée, délaissée, et donc empétrée dans ses préjugés, que le mangaka semble surtout démarrer avec force et choc. Et forcément, c'est avec autant d'intérêt que de crainte que l'on suivra la nouvelle vie d'Irene dans ce cadre...