I’m sorry - Actualité manga

I’m sorry : Critiques

Gomen Shitatte Yurusanai

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Septembre 2023

Après la parution du Garçon de la terre des lions aux éditions Hana en février 2022, c'est cette fois-ci aux éditions Taifu Comics que la mangaka Hakase a posé ses bagages, au mois de mai dernier, pour une deuxième publication française: celle de I'm sorry, récit d'environ 160 pages dont les cinq chapitres furent initialement prépubliés au Japon sous le nom Gomen Shitatte Yurusanai (littéralement "Je ne te pardonnerai pas même si tu es désolé"), pendant l'année 2017 dans le magazine Gateau des éditions Ichijinsha, avant d'être regroupés en un seul volume broché en septembre de cette même année.

On y découvre Kentarô Kitajima, jeune garçon qui, dans le cadre de ses études, débarque tout juste à Tokyo depuis sa campagne natale où il a toujours vécu avec insouciance. Positif et candide, il est père bien se faire rapidement plein d'amis, mais dans la jungle urbaine la situation devient rapidement tout autre: lors d'une soirée de présentation d'un club, le stress fait fortement ressortir son accent de la campagne, si bien qu'il est moqué par tout le monde sauf son voisin de table, un certain Yû. Marqué par cet événement, ayant bien trop peur de passer éternellement pour un plouc et donc d'être toujours mis à l'écart, il décide alors de changer entièrement son look bien sage: adieu les lunettes, la coiffure proprette et les vêtements classiques, et bonjour le bronzage, les bijoux, le sport et les vêtements plus urbains ! Seulement, cette fois-ci, Kentarô a été si excessif dans son changement d'allure que ça rebute toujours les autres... hormis un certain type de personnes. Tripoté par un vieux pervers dans les transports en commun, il finit par accepter de le suivre pour aller plus loin, en échange de quelques billets, et c'est ainsi qu'il fait ses premiers pas dans la prostitution. Les clients, des hommes d'âge avancé, commencent à se succéder, profitant de lui à grands coups de paroles douces, et ça suffit pour que Kentarô se laisse duper: si au départ il faisait ça juste pour l'argent afin de financer sa situation étudiante un peu précaire, il y trouve aussi, finalement, une façon d'avoir un lien avec des gens et de tromper sa solitude dans la gigantesque mégalopole impersonnelle. mais quand Yû le prend en flagrant délit, les choses pourraient bien changer...

Si Hakase joue ici le coup classique de la chute dans la prostitution et dans la débauche d'un personnage naïf et esseulé avant un final plus optimiste grâce à l'impact d'un autre garçon bienveillant, la mangaka a une manière bien à elle d'aborder la chose, et cela pour plusieurs raisons dont la plus évidente est le côté très naïf, trop naïf, exagérément naïf de Kentarô, sous prétexte qu'il vient de la campagne et ne connaît donc rien (même pas le mot "fellation" au début, c'est dire). Cette naïveté excessive, de façon assez étrange, va régulièrement amener une certaine forme d'humour noir à l'oeuvre, entre la façon dont le jeune garçon se fait duper dans tous les sens à tout bout de champ, et certaines réaction de Yû en constatant ça.

Mais c'est aussi cette totale pureté initiale de Kentarô au départ qui va mettre en exergue un propos plus sombre voire un peu social, dès lors que la candeur du jeune homme des débuts est bafouée par les vices que lui imposent ses clients, tandis que lui-même y trouve une forme de réconfort. Le message sur la difficulté de trouver sa place dans une si grande ville est alors évident, plus encore quand on y ajoute un Yû qui, simplement parce qu'il n'a pas les mêmes goûts uniformisés que les autres, avait le sentiment d'être enfermé dans une coquille avant de rencontre Kentarô.

Enfin, entre ces deux aspects, I'm sorry est aussi, voire peut-être avant tout, un récit où Hakase n'hésite pas à aller loin dans la représentation des scènes explicites, sans la moindre censure, en proposant même un lot d'humiliations, de moments orientés SM, d'utilisations détaillées de jouets érotiques, ce qui en fait assurément un yaoi à réserver aux plus de 18 ans. Portées par un contraste entre les designs plutôt doux et légers de l'autrice et un rendu assez minutieux et rentre-dedans, ces scènes de sexe se révèlent efficaces dans leur genre, que ce soit pour renforcer les aspects noirs ou comiques de l'oeuvre, pour simplement ravir des yeux lubriques, voire pour servir de catharsis à une partie du lectorat (cette fois-ci, c'est un mec qui se retrouve molesté dans les transports en commun).

Malgré sa fin franchement rapide, I'm sorry a sûrement cette qualité de pouvoir changer d'image selon la personne qui le lit. Certaines personnes y verront une sorte de comédie noire et malsaine portée par la naïveté totale de son personnage principal, alors que d'autres y dénicheront un certain portrait critique d'un aspect de la société, et que d'autres encore y trouveront simplement un manga bien sexy et un peu trash qui s'avère plutôt bien servi par son dessin très explicite.

Côté édition, Taifu Comics a bien fait son boulot: la jaquette reste assez fidèle à l'originale japonaise, la première page en couleurs est un petit plus sympathique, le papier est souple et suffisamment opaque, l'impression est correcte, le lettrage est propre, et la traduction de Margot Maillac se révèle efficace, notamment quand il s'agit de retranscrire le parler campagnard excessif de Kentarô.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs