Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 07 Octobre 2025
Annoncé par Noeve Grafx en mars 2024 pour un lancement en France initialement prévu en mai de la même année, avant de disparaître des radars suite à la mise en stand-by de l'éditeur, le manga L'homme invisible et sa future épouse d'Iwatobineko (Lonely World) débarque enfin dans nos contrées en ces premiers jours du mois d'octobre 2025. De son nom original "Tômei Otoko to Ningen Onna - Sonôchi Fûfu ni Naru Futari" (littéralement "L'Homme Invisible et la Femme Humaine - Le couple qui deviendra bientôt mari et femme", le titre français condensant donc soigneusement tout ça), cette oeuvre était initialement proposée par l'autrice sur certains sites web, avant d'avoir droit à une prépublication dans le magazine Web Action des éditions Futabasha à partir de 2021. Comptant à ce jour sept volumes au Japon à l'heure où ces lignes sont écrites, cette oeuvre en grand format et partiellement en couleur aura droit prochainement à une adaptation animée qui est en cours de production et qui contribuera sûrement à mieux la faire connaître.
Riche d'un peu plus de 120 pages (en comptant les petits bonus), ce premier volume nous immisce dans un monde qui semble assez proche du nôtre au vu des vêtements et des décors, à ceci près qu'humains, bestiaux, elfes et autres créatures fantastiques y cohabitent pacifiquement, et que chacun est libre de travailler, s'amuser et aimer à sa façon. C'est dans ce monde que l'agence de détectives Tônome bat son plain, en étant portée par ses quatre membres. Akira Tônome, le propriétaire de l'agence, est un détective gentleman, posé et élégant qui a pour particularité d'être un homme invisible. Réceptionniste de l'agence Shizuka Yakô est quant à elle une humaine douce et calme, que la cécité n'empêche pas d'accomplir soigneusement son travail. Jarashi, elle, est une bestiale lynx dynamique et forte, si bien qu'elle se voit confier les missions de protection et qu'elle est populaire auprès de beaucoup de clients. Enfin, Kikira est un enquêteur humain spécialisé dans les tâches plus cérébrales et dans la collecte d'informations, et qui cache un bon coeur derrière ses airs revêches.
Comme son nom l'indique, l'histoire tourne essentiellement autour de Tônome et de Yakô, les deux personnages que la mangaka a imaginés en premier en se basant sur sa simple envie d'associer quelqu'un qui ne voit pas et quelqu'un qu'on ne voit pas, l'idée étant suffisamment astucieuse pour intriguer. A partir de là, c'est donc la relation de ces deux-là qui attire essentiellement l'intérêt, tant on comprend rapidement que la gentille réceptionniste et déjà tombée amoureuse de son patron depuis un petit moment, si bien qu'il y a un plaisir naturel à la voir se mettre dans tous ses états à chaque fois à chaque fois qu'elle a le sentiment de s'être rapprochée de lui. Et le fait qu'ils ne soient pas encore ensemble au début, alors que l'on sait d'emblée qu'ils finiront en couple puis se marieront, amène une saveur supplémentaire.
Pour appuyer cette relation qui évolue petit à petit dans le bon sens, jusqu'à une fin de tome qui amène déjà une grosse avancée, Iwatobineko joue vite et assez bien sur plusieurs petites séquences où les protagonistes ont l'occasion de passer du temps ensemble: dîner au restaurant, petits incidents dans le cadre du travail, participation à un atelier de confection de thé au jardin des elfes, soirée entre collègues... ça ne va jamais très loin, mais c'est suffisant dans le cadre d'une tranche de vie légère comme celle-ci. Mais surtout, bien sûr, l'autrice tâche suffisamment de tirer parti du statut d'homme invisible de Tônome (ça peut être pratique pour certaines affaires, notamment de filature, tout comme cela peut lui jouer des tours, par exemple quand des gens lui foncent dedans car ils ne le voient pas), et plus encore de la cécité de Yakô: le fait de ne pas voir lui a permis d'avoir une ouïe et un odorat plus sensibles, et c'est bien cela qui lui permet de ressentir tout le charme propre à cet homme que personne ne voit et dont le physique est donc en grande partie un mystère insoluble. La jeune femme a tout le loisir de profiter de sa voix calme et plie, peut deviner l'élégance de ses gestes, aime entendre les bruits qu'il émet... ces notes plus sensorielles amenant une saveur à-part dans l'oeuvre.
Cependant, si ce premier tome séduit déjà facilement grâce aux éléments précédemment évoqués, il pourrait aussi laisser le lectorat un peu sur sa faim concernant les autres aspects: il faut bien l'avouer, les deux collègues de Tônome et de Yakô manquent pour l'instant un peu trop de présence, et le cadre de travail en tant que détectives reste pour le moment très secondaires, avec juste une évocation très succincte de quelques affaires, y compris dans le cas de la recherche d'une petite extraterrestre disparue qui est une sorte de petit fil rouge à un moment et qui se résout un peu au pif. On se pose également une question toute bête: pourquoi les vêtements de Tônome sont tantôt invisibles avec lui tantôt pas ? Comment ça marche ?
Enfin, sur le plan visuel, si nous avions laissé Iwatobineko sur une note un peu décevante dans son manga de fantasy Lonely World qui était inégal, ici l'artiste s'en sort bien mieux, le cadre plus calme de la tranche de vie paraissant mieux coller à son style. Ainsi, ses designs assez sensibles et franchement expressifs (même dans le cas de Tônome, dont on peut assez facilement ressentir les émotions sans le voir) font largement leur office en rendant naturellement attachants les personnages. On se posera juste la question de l'utilité ou pas de la couleur: uniquement du vert qui est parfois soigneusement utilisé, mais qui semble le plus souvent être un peu un cache-misère face à la simplicité voire l'absence des décors.
A l'arrivée, le bilan est plutôt bon pour ce premier volume. L'Homme Invisible et sa Future Epouse est une série qui a été un peu vendue comme dans la lignée du bijou Veil, mais en réalité on ne peut pas dire que ce soit vraiment le cas, cependant cela n'empêche aucunement l'oeuvre d'Iwatobineko de développer petit à petit un charme qui lui est propre. Maintenant, on espère juste un peu plus de consistance au-delà de l'attachante relation qui se bâtit entre les deux protagonistes !
Enfin, côté édition, même si l'on regrettera que le tome ait été imprimé en Chine, pour le reste c'est très correct: la jaquette est soigneusement adaptée de l'originale japonaise, le fin logo-titre et plusieurs autres éléments sont rehaussés d'un vernis sélectif, et à l'intérieur le papier est assez opaque et souple, la traduction d'Aurélie Brun est suffisamment claire, et le lettrage de Lise Flety est convaincant dans l'ensemble.