Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 14 Octobre 2024
Voici de nombreuses années que les fans de la licence Higurashi en rêvaient, et ce sont les éditions Meian qui exaucent ce rêve: la célèbre saga d'horreur, née en 2002 entre les mains du scénariste Ryûkishi07 et des développeurs de jeux vidéo 07th Expansion, a enfin débarquer en version manga en France depuis cet été. Rappelons que la licence, également connue en France sous les noms Hinamizawa, le village maudit (pour son tout premier anime de 2006) ou Le sanglot des cigales (pour le jeu vidéo), a démarré il y a 22 ans au Japon, par le développement sur PC d'un dôjin-game de type sound novel. Depuis, l'oeuvre n'a cessé de se développer au gré de nombreux spin-off: en plus de nombreux jeux, on compte des romans, pas moins de quelques dizaines de mangas différents, et des adaptations animées à succès.
L'aventure française de la saga Higurashi en manga a donc commencé en juillet dernier avec Higurashi - Le Sanglot des Cigales - Gô, manga achevé en quatre volumes, prépublié au Japon en 2020-2021 pour le site Young Ace Up des éditions Kadokawa,et confié à Tomato Akase, un fan de la première heure de la saga qui signait alors là son tout premier manga. Cette série est basée sur l'un des jeux vidéo de la saga, jeu ayant aussi connu en 2020-2021 une adaptation animée disponible en France sur Crunchyroll.
L'idée de lancer en France la saga Higurashi en manga avec cette série pourra sembler étonnante auprès des connaisseurs (votre serviteur compris), puisque ce volet est présenté comme une continuation complexe de la célèbre saga d'horreur psychologique: Gô reprend effectivement les grandes lignes du tout premier volet de la saga, mais avec une subtilité d'ordre temporel que nous n'allons pas spoiler ici (la toute fin du tome 1 se chargera de vous faire comprendre ça) et qui peut en faire à la fois une suite et un reboot. Tandis que l'aspect "reboot" permet tout de même de comprendre très facilement le déroulement de l'intrigue dans ce premier tome, le côté "suite" fait quand même que vous profiterez mieux de ce manga si vous êtes déjà familiers avec la saga et en particulier avec son premier volet ou avec l'année de 2006. Que les néophytes soient donc prévénus, car certaines subtilités pourraient leur échapper.
Tout comme le tout premier volet de la saga, Higurashi Gô nous plonge auprès de Keiichi Maebara, un adolescent qui, depuis trois semaines, a quitté la grande ville pour emménager à Hinamizawa, un petit village isolé, niché au milieu de la forêt et des montagnes, et à vrai-dire si modeste qu'il n'y a là-bas qu'une école dotée d'une seule classe où tous les âges et niveaux sont regroupés. Un tel changement de cadre de vie aurait pu le désespérer, si quatre filles de la classe ne lui avaient pas permis de bien s'intégrer: Rena Ryûgu qui a le même page que lui, est souvent joviale, est un peu bizarre et qu'il aime taquiner, Mion Sonozaki qui a un an de plus qu'eux et fait un peu figure de cheffe, la jeune Satoko Hôjô qui est décrite comme une morveuse aimant faire des farces et des pièges, et une autre enfant nommée Rika Furude et qui, avec son allure adorable et douce, est présentée comme l'exact opposé de Satoko. Elles ont beau être un peu des clichés sur pattes très typés 2000s (aaah, la mode de faire dire des trucs genre "miaou" et "nipah" à des jeunes filles pour les rendre soi-disant plus choupis...), ces quatre filles l'ont toutes aidé, chacune à sa manière, à s'intégrer, si bien qu'il aimerait préserver ses jours paisibles avec elles. Hélas, Keiichi ne sait pas encore que cela risque d'être compliqué, dès lors qu'il prend connaissance de différents événements inquiétants: chaque année une personne meurt et l'autre disparaît lors du festival Watanagashi ayant lieu dans le village, des rumeurs sinistres courent sur une tragédie qui aurait eu lieu quelques années auparavant pour empêcher la construction d'un barrage, et les habitants semblent croire dur comme fer en la divinité locale Oyashiro qui ne semble pas franchement très positive... Al'heure où le festival Watanagashi va débuter, que va découvrir Keiichi ? une malédiction pèse-t-elle sur Hinamizawa ? Ses mignonnes camarades de classes sont-elles aussi innocentes qu'elles en ont l'air ?
En tant que suite/reboot du tout premier volet, ce tome 1 de Higurashi Gô ne surprendra aucunement les fans de la première heure ici, tandis qu'il devrait parvenir à intriguer suffisamment les néophytes, et cela grâce à deux aspects-clés dont le premier n'est autre que le côté horrifique bien dosé. En effet,après la découverte assez insouciante des amies de Keiichi, les élément plutôt inquiétants viennent rapidement poindre le bout de leur nez: les rumeurs autour du drame du barrage et du festival, les croyances locales, des disparitions qui ne tardent pas à arriver, les réactions flippantes des filles quand Keiichi leur pose des questions, la mise en garde du commissaire à leur sujet, les macabres visions que le jeune garçon se met à avoir et où il semble massacrer ses camarades, et enfin la part de paranoïa qui s'installe en lui: doit-il douter de Rena et des autres ou pas ? Même si les choses avancent très rapidement au point que certaines transitions sont peu au point (voire absentes), l'adaptateur manga fait bien sentir qu'il s'est passé des choses sinistres dans ce village, fait petit à petit monter une certaine tension, avant que tout n'explose dans la toute dernière partie brutale du volume.
On en vient alors à l'autre point d'intérêt de ce début de manga: son impact graphique,plutôt convaincant dans l'ensemble. Higurashi fait partie de ces sagas horrifiques qui, sur le pur plan visuel, aiment jouer sur le contraste entre l'initiale mignonnerie apparente des designs(oui, vous aurez votre paquet de bouilles adorables), les élans plus flippants qui surgissent de temps à autre dans les expressions faciales folles, et enfin la part plus gore et sanglante qui peut être assez prononcée. Dans l'ensemble, Tomato Akase, que l'on sent vraiment fan de la saga depuis des années, sait très bien retranscrire chacune de ces facettes graphique de la saga, dans un ensemble assez fluide et intense.
A l'arrivée, on sent que cette version manga va vite dans son déroulement, mais en terme de scénario et surtout d'ambiance l'essentiel est bien là: la version Tomato Akase de Higurashi Gô devrait avoir de quoi facilement tenir en haleine sur ses trois volumes suivants, d'autant plus que les choses sérieuses semblent véritablement se lancer dans les dernières pages, autour d'une jeune fille en particulier qui devra à nouveau se confronter au cruel destin qu'elle tente d'éviter depuis bien longtemps...
Enfin, côté édition, on a droit à une très bonne copie: le papier allie épaisseur, opacité et souplesse, l'impression est plutôt convaincante, la traduction de Mathilde Gaillard-Morisaka est fluide et parfaitement dans le ton de la saga, le lettrage effectué par Maxime-Antoine Lefevre Osorio apparaît propre, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont un plus sympathique, et la jaquette reste fidèle à l'originale japonaise tout en se parant d'un vernis sélectif sur le logo-titre.