Héritiers d'Agïone (les) Vol.1 - Manga

Héritiers d'Agïone (les) Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 31 Mai 2024

Voici déjà quelques années que les éditions Kana s'évertuent à faire découvrir une nouvelle génération de mangakas français à travers des créations originales, et 2024 est vouée à suivre la même voie: après le retour prometteur d'Elsa Brants (l'autrice de Save me Pythie et de Par le pouvoir des dessins animés) en mars avec l'amusant tome 1 de Myrtis, et en attendant en juin le lancement de la série La Boutique d'Artefacts signée Pacha, en ce tout dernier jour du mois de mai c'est le manga de fantasy Les Héritiers d'Agïone (et ça se prononce "a-GUI-one", l'autrice insiste ! ) qui fait ses grands débuts, après avoir été officialisé dès 2021 pour une sortie initialement estimée à 2023.

Il s'agit de la toute première série professionnelle de Tpiu, une artiste qui n'en est toutefois pas du tout à son coup d'essai: cette grande fan de jeux vidéo a effectivement déjà publié quelques oeuvres amatrices en auto-édition (dont ADA - Les Mystères de Cendréclat, qui semble avoir servi de terreau aux Héritiers d'Agïone au vu de certains noms et éléments communs), a eu l'occasion d'être assistante sur la série Radiant de Tony Valente, et a décroché, avec son histoire nommée Les Larmes de Jereziah, la 2e place au Tremplin Ki-oon 2020 (donc juste derrière la grande gagnante Zilo, publiée depuis par Ki-oon avec sa série DreaMaker).

L'histoire nous immisce dans un monde fictif, au coeur des royaumes de Lyöre, et plus précisément au sein du royaume de Tyriadoc où il existe un étonnante phénomène: l'Ëdre, qui voit les personnes touchées par une mort précoce avoir droit à une seconde vie. Toutefois, il existe deux particularités à ce phénomène. Non seulement, les personnes connaissant une mort trop violente voient souvent leur retour à la vie dégénérer et les transformer en Maudits, des monstres prenant une forme ressemblant à leur trépas. Mais en plus, les nouveaux-nés, trop faibles et trop purs, ne ressuscitent jamais.

C'est sur ce dernier point qu'Adalise, notre héroïne, fait figure d'exception. Fille du roi actuel Theneren, elle est morte-née, a pourtant connu l'Ëdre, et a alors grandi comme tout le monde, à ceci près que son statut particulier fait qu'elle est évitée voire critiquée et rabaissée par un grand nombre de personne, dans sa propre famille tout comme dans le peuple, car elle est considérée comme maudite et anormale et est même qualifié de "Princesse Cadavre". Face à l'adversité qu'on lui impose alors constamment depuis qu'elle est née, Adalise a toutefois appris à rester digne et forte, et ne se laisse jamais faire. Et ce tempérament lui est bien utile pour, au joue le jour, essayer de retrouver Adélaïde, sa mère, mystérieusement disparue dix ans auparavant, que tout le monde dit morte, mais qu'elle pense toujours vivante...

Un peu à l'image de mangas comme Horion ou même Tsugai de Hiromu Arakawa (quitte à faire une comparaison très flatteuse, autant y aller franco), Le tome 1 des Héritiers d'Agïone s'offre une construction scénaristique particulièrement intrigante et stimulante, en ceci que Tpiu nous plonge d'abord immédiatement dans le vif du sujet (Adalise est déjà une jeune femme au fort tempérament dès le départ, et du coup elle nous séduit d'emblée en prime) pour ensuite exposer, petit à petit, les tenants et aboutissants de son univers. C'est ainsi que l'on assimile, petit à petit, toute une palette de personnages (Gidéon le gamin des rues toujours amical, Thoren et Adel les deux frères d'Adalise pas franchement amicaux avec elle, Rossoline la brave servante...) mais aussi de concepts propres à cet univers: les Jeux d'Oranone où l'on se divertit en chassant et exécutant des Maudits (gloups), les ëdrelins qui sont des petits êtres attirés par la mort (et retenez bien cette idée, car elle prendra très vite de l'importance), la religion autour de la déesse Müne rattachée à la Lune, les Clartés qui sont des femmes vouées à la déesse Müne qui s'évertuent à empêcher la naissance de Maudits,le contexte familial compliqué de la famille royale... Mine de rien, Tpiu installe déjà un paquet de choses, sa grande qualité étant vraiment de bien distiller ces différents éléments en nous laissant vite et bien l'occasion de les assimiler sans nous noyer dans les informations.

Mais évidemment, cet univers déjà assez riche n'est pas là uniquement pour faire beau, quand bien même Tpiu excelle pour y offrir des designs et décors omniprésents, travaillés, souvent bien trouvés et très immersifs (en particulier, les décors ne sont pas là qu'en toile de fond: on sent bien les personnages y évoluer). Tout en nous installant confortablement dans son monde, la mangaka , évidemment, ne manque pas d'apporter plusieurs premiers rebondissements facilement intrigants: la quête d'Adalise pour retrouver sa mère, le fait qu'elle a ressuscité alors qu'elle était bébé, une tentative d'assassinat à son égard, un ëdrelin particulier qui semble la suivre partout (comme si la mort planait constamment autour d'elle ? ), l'irruption au château d'un Maudit qui semble lui en vouloir, une mystérieuse vision de sa mère en un lieu étrange... ce qui, en conséquence, entretient un bon petit paquet de mystères: Qu'est devenue sa mère ? Qui lui en veut au point de vouloir la tuer ? Pourquoi est-elle toujours en vie ? Les Maudits peuvent-ils être sauvés ?

Enfin, pour porter le tout, revenons encore un peu sur le travail narratif et visuel de Tpiu, car il ne manque décidément pas de chouettes idées, à commencer par certains effets de suspense bien ménagés (en tête, la chute du chapitre 1) et par quelques découpages de cases inventifs (dès la première page, ou encore en page 9 avec la case en forme de parchemin qui se déroule). De manière plus générale, on ressent tout un univers spécifique grâce à un beau travail sur les détails (designs et décors comme déjà dit, mais aussi tenues vestimentaires par exemple), et la richesse graphique suffisante n'empêche pas l'ensemble d'être toujours clair et expressif.

Efficacement construit, beau, immersif, intrigant et finalement très stimulant dans son univers se découvrant peu à peu et dans ses mystères, ce premier volume a quasiment tout pour plaire dans son genre, et nous laisse sur de fortes attentes pour la suite. La série étant a priori vouée à totaliser trois volumes (c'est, en tout cas, ce qui avait été initialement annoncé), espérons que Tpiu aura tout le loisir de bien développer son récit, après ces débuts très satisfaisants !

Côté édition, on est sur le format seinen standard des éditions Kana, avec un papier souple et fin mais assez opaque, une qualité d'impression très correcte et un lettrage soigné. Et à l'extérieur, la jaquette, sans fioritures, attire l'oeil par son illustration en couleurs soignée et par son logo-titre bien dans le ton fantasy de l'oeuvre.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs