Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 08 Mars 2022
Avec pas moins de six de ses oeuvres parues dans notre pays entre 2016 et 2021, Ogeretsu Tanaka est assurément devenue l'une des mangakas de yaoi emblématiques de Taifu Comics... et pourtant, en ce début d'année 2022, c'est chez l'autre éditeur-phare du genre en France, Hana, que l'on retrouve l'autrice. Et ce changement d'éditeur se fait avec ce qui est, à ce jour, l'oeuvre la plus récente de la mangaka: Happy of the End, une mini-série en 6 chapitres, que Tanaka dessina entre 2019 et 2021 pour le compte du magazine Qpa de l'éditeur Takeshobo, et dont l'unique volume d'environ 240 pages est sorti dans son pays d'origine en juin de l'année passée et contient un mini-chapitre exclusif.
Happy of the End nous immisce auprès de Chihiro, un jeune homme qui semble ne plus avoir nulle part où aller, entre une famille qui l'a rejeté et un petit ami qui l'a plaqué pour se marier avec une femme. Seul, fauché, affamé au point de chiper volontiers leurs en-cas à des gosses, il survit en escroquant des hommes avec qui il passe la nuit. Mais ce jour-là, son nouveau client, un certain Keito, est bien différent des autres: à peine arrivés dans la chambre d'hôtel, il agresse Chihiro, car il le croit en possession d'une mystérieuse carte noire qu'on lui a volée. Quand Keito découvre ce qu’il en a fait, il demande alors à Chihiro de disparaître... mais où peut bien aller un homme qui n’a plus de foyer où rentrer ? Keito finit alors par se raviser, et laisse Chihiro vivre chez lui, mais non sans contrepartie...
Ogeretsu Tanaka est une mangaka qui nous a habitués à des histoires généralement sombres voire violentes, et Happy of the End n'échappe pas à la règle, ne serait-ce que pour la nature de la relation animant les deux personnages principaux pendant un moment, relation où Keito prend quasiment de force Chihiro, souvent pour passer ses nerfs, tandis que Chihiro lui-même, malgré la douleur, n'en fait pas forcément grand cas. Après tout, le blondinet, abandonné par ses proches, laissé dans une benne comme un déchet, maltraité ou considéré comme rien du tout partout où il passe, n'a plus rien à perdre, alors avoir un toit n'est peut-être déjà pas si mal...
Mais comment, au juste, Chihiro en est-il arrivé là ? La réponse va évidemment se dessiner au fil des pages, permettant à Tanaka d'évoquer quelques sujets difficiles (comme l'homophobie latente du frère du jeune homme), tout en montrant la façon dont le malheur n'a cessé de s'abattre sur son personnage. mais ce malheur, on découvrira bien assez vite qu'il ne frappe pas que Chihiro, et que Keito, depuis sa plus tendre enfance, en est aussi une victime, entre drogue, mère en perdition qui l'a abandonné, activités sexuelles dès son plus jeune âge pour survivre... les choses ayant d'ailleurs un lien avec la fameuse carte noire qu'on lui a volée, bien sûr.
Happy of the End dépeint alors le parcours de deux hommes profondément meurtris par une vie qui ne leur a jamais fait de cadeaux, le tout dans une atmosphère qui, bien souvent, apparaît désabusée, tant tous deux apparaissent au bout du rouleau, comme si plus rien de bon ne pouvait leur permettre de se relever pour être heureux, et à tel point que l'envie de mourir se fait sentir. Et pourtant, à deux, ne pourraient-ils pas précisément enfin trouver une attache et une raison d'exister ? Chihiro, assez adorable dans son désir d'être enfin considéré voire aimé par quelqu'un, le fait sentir, comme quand il cuisine affectueusement pour Keito. Quant au ténébreux brun, il pourrait bien, sans même s'en rendre compte, au-delà des abus qu'il montre parfois, s'adoucir.
Si l'on devait faire un reproche à l'oeuvre, c'est sans doute sa rapidité: en 240 pages environ, Tanaka va à l'essentiel la plupart du temps, quitte à prendre quelques raccourcis narratifs quand elle jongle avec la découverte du passé des deux personnages. Et cette rapidité, on la ressent plus encore dans la toute fin expéditive, même si la dernière page du chapitre 6 nous laisse sur des dernières cases assez symbolique du lien commençant à se créer entre Chihiro et Keito. Mais à part ça, si l'on s'immerge bien dans le récit, Happy of the End offre une histoire dure particulièrement efficace et assez touchante, d'autant plus que la dessinatrice y offre, comme à son habitude, un travail visuel très intense, porté par des designs précis, des moments de sexe non-censurés et des décors réalistes bien présents.
Enfin, quelques mots sur l'édition française, qui s'avère tout à fait satisfaisante. La jaquette donne bien le ton en restant proche de l'originale nippone, la première page en couleurs est très jolies, le papier et l'impression sont de bonne qualité, le lettrage est propre, et la traduction d'Angélique Mariet ne souffre d'aucune fausse note.
Happy of the End nous immisce auprès de Chihiro, un jeune homme qui semble ne plus avoir nulle part où aller, entre une famille qui l'a rejeté et un petit ami qui l'a plaqué pour se marier avec une femme. Seul, fauché, affamé au point de chiper volontiers leurs en-cas à des gosses, il survit en escroquant des hommes avec qui il passe la nuit. Mais ce jour-là, son nouveau client, un certain Keito, est bien différent des autres: à peine arrivés dans la chambre d'hôtel, il agresse Chihiro, car il le croit en possession d'une mystérieuse carte noire qu'on lui a volée. Quand Keito découvre ce qu’il en a fait, il demande alors à Chihiro de disparaître... mais où peut bien aller un homme qui n’a plus de foyer où rentrer ? Keito finit alors par se raviser, et laisse Chihiro vivre chez lui, mais non sans contrepartie...
Ogeretsu Tanaka est une mangaka qui nous a habitués à des histoires généralement sombres voire violentes, et Happy of the End n'échappe pas à la règle, ne serait-ce que pour la nature de la relation animant les deux personnages principaux pendant un moment, relation où Keito prend quasiment de force Chihiro, souvent pour passer ses nerfs, tandis que Chihiro lui-même, malgré la douleur, n'en fait pas forcément grand cas. Après tout, le blondinet, abandonné par ses proches, laissé dans une benne comme un déchet, maltraité ou considéré comme rien du tout partout où il passe, n'a plus rien à perdre, alors avoir un toit n'est peut-être déjà pas si mal...
Mais comment, au juste, Chihiro en est-il arrivé là ? La réponse va évidemment se dessiner au fil des pages, permettant à Tanaka d'évoquer quelques sujets difficiles (comme l'homophobie latente du frère du jeune homme), tout en montrant la façon dont le malheur n'a cessé de s'abattre sur son personnage. mais ce malheur, on découvrira bien assez vite qu'il ne frappe pas que Chihiro, et que Keito, depuis sa plus tendre enfance, en est aussi une victime, entre drogue, mère en perdition qui l'a abandonné, activités sexuelles dès son plus jeune âge pour survivre... les choses ayant d'ailleurs un lien avec la fameuse carte noire qu'on lui a volée, bien sûr.
Happy of the End dépeint alors le parcours de deux hommes profondément meurtris par une vie qui ne leur a jamais fait de cadeaux, le tout dans une atmosphère qui, bien souvent, apparaît désabusée, tant tous deux apparaissent au bout du rouleau, comme si plus rien de bon ne pouvait leur permettre de se relever pour être heureux, et à tel point que l'envie de mourir se fait sentir. Et pourtant, à deux, ne pourraient-ils pas précisément enfin trouver une attache et une raison d'exister ? Chihiro, assez adorable dans son désir d'être enfin considéré voire aimé par quelqu'un, le fait sentir, comme quand il cuisine affectueusement pour Keito. Quant au ténébreux brun, il pourrait bien, sans même s'en rendre compte, au-delà des abus qu'il montre parfois, s'adoucir.
Si l'on devait faire un reproche à l'oeuvre, c'est sans doute sa rapidité: en 240 pages environ, Tanaka va à l'essentiel la plupart du temps, quitte à prendre quelques raccourcis narratifs quand elle jongle avec la découverte du passé des deux personnages. Et cette rapidité, on la ressent plus encore dans la toute fin expéditive, même si la dernière page du chapitre 6 nous laisse sur des dernières cases assez symbolique du lien commençant à se créer entre Chihiro et Keito. Mais à part ça, si l'on s'immerge bien dans le récit, Happy of the End offre une histoire dure particulièrement efficace et assez touchante, d'autant plus que la dessinatrice y offre, comme à son habitude, un travail visuel très intense, porté par des designs précis, des moments de sexe non-censurés et des décors réalistes bien présents.
Enfin, quelques mots sur l'édition française, qui s'avère tout à fait satisfaisante. La jaquette donne bien le ton en restant proche de l'originale nippone, la première page en couleurs est très jolies, le papier et l'impression sont de bonne qualité, le lettrage est propre, et la traduction d'Angélique Mariet ne souffre d'aucune fausse note.